Débats enflammés, Taylor Swift et touchdown : on a passé la nuit avec les fans français du Super Bowl

Débats enflammés, Taylor Swift et touchdown : on a passé la nuit avec les fans français du Super Bowl

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© Lise Lanot/Konbini

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

On a assisté à la plus états-unienne des soirées françaises et on a quelques questions.

Depuis que j’ai remplacé mon collègue journaliste sport, Abdallah Soidri, pour couvrir le match de foot US opposant les Jaguars de Jacksonville aux Bills de Buffalo à Londres en octobre dernier, je suis apparemment devenue référente de la discipline. Tandis qu’Abdallah s’envolait pour Las Vegas afin de vivre le Super Bowl en vrai, j’ai donc été envoyée au Grand Rex, célèbre cinéma parisien qui diffuse chaque année l’événement. Véritable tradition culturelle et capitaliste outre-Atlantique, le match ne connaît pas (encore) une popularité similaire dans l’Hexagone (peut-être parce que, pour le suivre, il est nécessaire de se taper une nuit blanche et de comprendre quelque chose aux règles plutôt opaques du sport). La branche française de la NFL tente de remédier à cet engouement moyen en créant de l’effervescence autour des matches, et notamment du Super Bowl. En quelques points, voici ce qu’on a retenu de cette soirée qui a vu triompher les Chiefs de Kansas City pour la quatrième fois de l’Histoire et la deuxième année consécutive.

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Ce qu’on a aimé :

  • La passion, pardi

Voir des gens se déplacer pour une nuit blanche et des règles incompréhensibles, je ne sais pas vous, mais moi, ça m’émeut. D’autant que ce ne sont pas seulement des fans hardcore de foot US qui font le déplacement. Certain·e·s sont passionné·e·s depuis des années, d’autres depuis quelques mois seulement. Une poignée de personnes me confie être venue surtout pour le show de la mi-temps et “ne pas comprendre grand-chose aux règles”. Qu’importe, le spectacle valait le coup de se fader deux quart-temps, la preuve que le Super Bowl peut trouver son public en dehors des règles du jeu.

Au fil de la nuit, je rencontre un coach de foot US, fan de la première heure, qui partage une cigarette avec un jeune homme qu’il vient tout juste de rencontrer. Les deux hommes se réunissent grâce à leur amour pour les Chiefs de Kansas City, bien que le second confie s’être mis au foot US depuis quelques mois seulement. D’autres jeunes aficionados admettent que leur connaissance des règles reste un peu bancale, et que c’est le manga Eyeshield 21 qui les a fait entrer dans le monde du foot US. Tou·te·s sont unanimes sur un point : le sport connaît une montée de popularité en France, qui n’est pas celle connue par la NBA dans les années 1990. Justement, plusieurs fans récents me confient que c’est leur amour pour le basket états-unien qui a constitué leur porte d’entrée dans le foot US.

  • Les surprises

Pour tenir éveillé son public, l’équipe organisatrice de l’événement a imaginé une multitude de petits jeux et invité des guests. En plus du joueur des Mousquetaires de Paris, Anthony Mahoungou, Nikola Karabatic s’est exprimé, confiant “regarder davantage de foot US que de hand”. Sur scène, Big Ali chantonne “Rock This Party” avant que le public ne participe à un blind-test sur Usher et à un questionnaire géant sur la NFL.

  • La victoire des Chiefs

Parce que j’avais décidé, un peu par hasard, que c’était mes favoris l’année dernière, et que je suis une fille loyale.

Ce qu’on a moins aimé :

  • L’absence des pubs les plus célèbres du monde occidental

On ne va pas se mentir, après le show de la mi-temps, ce que j’attendais le plus de cette longue nuit, c’était les pubs – sachant que la chose que j’ai le plus recherchée sur YouTube quand j’étais petite était “Beyoncé Pepsi Commercial”. Aucun autre programme télévisuel n’atteignant de tels scores d’audience, le Super Bowl vend ses temps publicitaires pour des millions de dollars (7 millions cette année, selon les informations de USA Today) et les pubs diffusées pendant le match sont pensées spécialement pour l’occasion. Quelle ne fut pas ma déception de ne pas les voir en direct et de découvrir l’annonce de Beyoncé seulement sur X/Twitter.

  • La haine anti-Taylor Swift

Je suis loin, très loin, d’être une Swiftie, mais la voir se faire siffler dès qu’elle apparaissait à l’écran (moins d’une minute en tout) m’a fait mal au cœur. En interrogeant des fans, on me ressort la même rengaine : “C’est un truc de puriste”, les concernés n’aiment pas voir “la hype” arriver sur leur passion “juste à cause d’une relation amoureuse”, celle entretenue par la superstar et Travis Kelce, tight end des Chiefs de Kansas City. Je réplique qu’à leur place, je serais plutôt contente de voir que mon sport fétiche connaît un regain de popularité, et ce, quelle qu’en soit la cause. On me répond que les fans les plus récent·e·s risquent de piquer les places des passionné·e·s de la première heure ou de faire redescendre la hype trop vite”.

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La “haine anti-Taylor Swift” est telle qu’un professeur de l’université de Williams a mené une étude statistique sur le sujet. Ses résultats indiquent que “les facteurs en lien avec les sentiments négatifs suscités par la présence de Taylor Swift aux matches [de la NFL] concernent le conservatisme politique, la croyance en des théories conspirationnistes, le sexisme, s’opposer à suivre des tendances, vouloir passer moins de temps sur les réseaux sociaux”. Après avoir rempli un questionnaire sur leur vie et opinions, les personnes interrogées devaient indiquer comment elles se sentaient face à une multitude d’images de la NFL. L’étude rapporte qu’une majorité de personnes ayant affirmé se sentir dérangées par les portraits de Taylor Swift n’acceptaient pas non plus les images de casques de joueurs agrémentés d’autocollants “Black Lives Matter”.

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Pour la journaliste sports Mina Kimes, le problème ne réside pas tant dans Taylor Swift elle-même mais plutôt dans ce qu’elle représente : une femme qui infiltre un milieu masculin. “J’ai l’impression que les gens sont embêtés par l’idée que d’autres fans soient autorisés dans leur espace”. De l’autre côté de l’Atlantique, pendant le Super Bowl, Abdallah me raconte que Taylor Swift se fait huer par le stade dès que l’écran géant montre sa tête. Pourtant, la NFL capitalise dur sur l’idylle du joueur, n’hésitant pas à poster, peu après la victoire des Chiefs, une vidéo du couple en pleine embrassade.

Finalement, je me demande si ce n’est pas cette relation qui va aider l’exportation du foot US à l’intérieur de nos frontières. Cette année, le match a été suivi par 123, 7 millions de personnes outre-Atlantique et 370 000 personnes en moyenne en France, “avec un pic à 600 000 personnes devant M6” : “Des chiffres en hausse par rapport à ceux de la chaîne L’Équipe en 2022 et 2023 mais encore en dessous des 513 000 téléspectateurs qui avaient regardé le Super Bowl sur TF1 en 2019”, note Ouest-FranceDepuis l’officialisation du couple Swift-Kelce, les recherches Google pour le maillot du joueur et son nombre d’abonnés sur Instagram ont décollé.

Au lendemain d’un match entre les Chiefs et les Bears, fin septembre 2023, auquel avait assisté Taylor Swift, “les recherches Google pour la tunique de Kelce [avaient] augmenté de 1 267 % par rapport à la semaine précédente”, révélait une étude mandatée par Replay Poker et rapportée par nos soins. “Jamais la demande pour un maillot du numéro 87 de Kansas City n’avait atteint de tels volumes, au point de dépasser celle concernant son coéquipier Patrick Mahomes, le quarterback star de l’équipe.” La NFL est peut-être partie pour conquérir les cœurs français, à voir pendant combien de temps cela contrariera les “puristes” du domaine.

Article rédigé dans le cadre d’une invitation de la part de l’agence Com-Over.