Hey Netflix, on a 5 artistes femmes à te proposer pour la saison 2 de The Greatest Painters of the World

Hey Netflix, on a 5 artistes femmes à te proposer pour la saison 2 de The Greatest Painters of the World

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© Jose-Fuste RAGA/Gamma-Rapho via Getty Images ; © The Estate of Alice Neel/David Zwirner and Victoria Miro ; Annie Lee

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

L’annonce d’une série sur "les plus grands peintres du monde" ne présentant que des hommes n’a pas plu aux internautes.

Le Netflix français a annoncé cette semaine sur son compte Twitter l’arrivée de la série The Greatest Painters of the World sur sa plateforme. La série documentaire présente, en douze épisodes de 50 minutes par peintre, “l’intimité des plus grands artistes et raconte leur impact mondial”. Parmi les noms sélectionnés, on retrouve “Henri Matisse, Salvador Dalí, Paul Cézanne, Vincent van Gogh”, décrit le tweet, guilleret.

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Une énumération qui n’a pas convaincu les internautes, soulevant immédiatement l’absence totale d’artistes femmes de ce rassemblement des “plus grands peintres du monde”. À noter également que le monde semble se réduire, selon la série, à l’Europe et Moscou. En attendant une potentielle deuxième saison, qu’on espère plus paritaire et inclusive, voici quelques profils de peintres femmes qu’on adorerait voir dans des épisodes documentaires. Allez, Netflix, c’est cadeau.

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Naziha Salim : peintre phare de l’art moderne irakien

Naziha Salim est née en Turquie, a fait une partie de sa scolarité à Paris et a voyagé en Europe, mais elle a passé la majorité de sa vie dans son pays d’origine, l’Irak, et a consacré son travail à représenter les femmes qui l’entouraient. Ses œuvres, ses écrits et ses actions font d’elle l’une des figures les plus importantes de l’histoire de l’art irakien.

Naziha Selim, Sans titre, 1996. (© Collection du Cheik Mohammed bin Rashid)

Elle a été l’une des premières femmes irakiennes à recevoir une bourse d’études pour l’étranger, elle est un pilier de l’art moderne irakien et elle a centré ses œuvres sur des représentations de ses compatriotes féminines dans des scènes rurales aux couleurs vives. Souvent montrées travaillant la terre ou nourrissant le bétail, elles sont représentées avec force et indépendance, qu’il s’agisse de personnes de sa famille, de travailleuses ou de déesses.

Annie Lee : l’expérience noire états-unienne mise en lumière

Décédée en 2014, Annie Lee n’a rien perdu de son aura et de sa pertinence. Son travail sur le quotidien des personnes noires états-uniennes continue d’être célébré : récemment, Lizzo a d’ailleurs recréé sa toile Blue Monday le temps d’une performance télévisée. L’œuvre, le seul autoportrait connu d’Annie Lee, est emblématique de l’art figuratif états-unien de ce dernier siècle.

Blue Monday. (© Annie Lee)

La peintre avait pour spécificité de représenter, dans ses œuvres qui content l’expérience noire américaine, des têtes sans visage, “parce qu’elle préfère donner vie à ses tableaux à travers le mouvement et le langage corporel de ses personnages”, décrit son site. Une volonté particulièrement explicite dans son autoportrait, où sa silhouette centrale ploie sous le poids des discriminations, des violences et du quotidien.

Alice Neel : l’engagement à travers l’art

La renommée d’Alice Neel est arrivée tardivement mais elle ne fait que grandir – en témoigne la belle exposition que lui organise le centre Pompidou jusqu’au 16 janvier 2023. Visionnaire, talentueuse et engagée, la peintre s’attachait à représenter des corps marginalisés et des histoires oubliées. Ses œuvres figuratives mettent à l’honneur des corps nus de femmes de tout âge, parfois enceintes ou tout juste mères (un sujet délaissé des représentations picturales) ; des malades ; des personnes racisées ; ainsi que les invisibilisé·e·s, les “laissé·e·s-pour-compte que la vie a ‘épuisé·e·s'”, décrivions-nous en octobre dernier.

Alice Neel, Pregnant Maria, 1964, collection privée. (© The Estate of Alice Neel, Bilbao, 2021)

Morte à 84 ans, Alice Neel militait à travers son art et dans sa vie personnelle. Son engagement lui a même valu d’être surveillée par le FBI, notamment entre 1951 et 1961, après son adhésion officielle au Parti communiste, et à cause de “son désir accru de justice sociale”.

Yayoi Kusama : des petits pois, une folle liberté, et encore des petits pois

Déjà, il faut savoir que Yayoi Kusama vit volontairement dans un hôpital psychiatrique de Tokyo depuis 1977 ; qu’elle est toquée de pois ; et qu’elle a connu des déboires avec les forces de l’ordre à cause de ses “naked performances”, “anatomic explosions”, “naked demonstrations” et “body festivals” lors desquels elle se mettait nue avec son public dans les années 1960. Tout simplement parce que “la nudité est la seule chose qui ne coûte rien”, tel qu’elle l’écrit dans son autobiographie Infinity Net: The Autobiography of Yayoi Kusama.

Portrait de l’artiste Yayoi Kusama au milieu de son œuvre à Hong Kong, le 4 octobre 2012. (© Jose-Fuste RAGA/Gamma-Rapho via Getty Images)

De façon générale, l’artiste semble se ficher des conventions. Elle s’est imposée à la biennale de Venise de 1966, “à laquelle elle n’était pas invitée [et où elle a déversé] dans les canaux de la ville italienne 1 500 boules miroir”, et elle n’a aucun scrupule à inlassablement répéter les mêmes motifs dans ses œuvres afin d’exorciser ses hallucinations visuelles chroniques, “qui prenaient la forme de pois et de taches. Ses œuvres diverses, ses paradoxes et son histoire personnelle méritent amplement qu’on s’y penche, et il serait intéressant de souligner l’importance et l’apport de son regard au sein de l’art contemporain.

Frida Kahlo : une peintre interplanétaire

Comment ne pas citer Frida Kahlo, star des produits dérivés, des ventes aux enchères, des films et séries et des sombres collaborations organisées en son nom, dans cette liste. Connue internationalement, sans doute plus que son mari Diego Rivera, l’artiste mexicaine a profondément marqué l’histoire de l’art avec ses autoportraits poignants.

Frida Kahlo, L’autoportrait en Tehuana ou Diego dans mes pensées, 1943. (© Frida Kahlo)

Son accident, sa stérilité, sa relation chaotique avec son mari (qui l’a trompée avec sa sœur), ses relations avec de grandes personnalités du XXe siècle (telles que Joséphine Baker ou Léon Trotski), sa bisexualité, son franc-parler et son talent font d’elle une personnalité phare de l’histoire de l’art qui continue d’influencer le monde entier, près de 70 ans après sa mort.

Évidemment, ces cinq noms ne constituent qu’une minuscule poignée des milliers de talents (Faith Ringgold, Betye Saar, Georgia O’Keeffe, Baya Mahieddine, Tamara de Lempicka, Rosa Bonheur, Maria Helena Vieira da Silva, Jo Nivision, Lee Krasner, Sonia Delaunay, Artemisia Gentileschi, Élisabeth Vigée Le Brun, Niki de Saint Phalle, Lynette Yiadom-Boakye, Hilma af Klint et on en passe) qui mériteraient leur documentaire. En attendant que Netflix prenne les choses en main, pas d’inquiétude : vous avez nos articles.