L’intimité de Frida Kahlo au cœur d’une expo qui raconte sa relation au corps et à la mode

L’intimité de Frida Kahlo au cœur d’une expo qui raconte sa relation au corps et à la mode

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© Toni Frissell/Vogue/Condé Nast

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Par Konbini avec AFP

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"Frida Kahlo a brisé beaucoup de tabous à travers son corps, évoquant handicap, convictions politiques et son identité non binaire, bien avant les débats d’aujourd’hui."

Il y a ses célèbres corsets en plâtre peint, ses tenues de Tehuana, ses médicaments, ses cosmétiques, mais aussi des créations Givenchy ou Erdem inspirées par elle : jamais une exposition à Paris n’a fait revivre autant l’univers de Frida Kahlo.

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Que reste-t-il encore à découvrir sur cette artiste superstar à l’image souvent (sur)exploitée ? Le Palais Galliera, musée de la mode, présente jusqu’en mars 2023 “Frida Kahlo, au-delà des apparences”, avec pour ambition de tisser des liens entre les objets personnels de Kahlo et son art. “Nous voulons nous éloigner de l’exotisme qui l’entoure, et que les gens puissent voir qu’elle est bien plus qu’une simple commodité ou image”, affirme à l’AFP la commissaire de l’exposition, Circe Henestrosa.

Une exposition inédite

Cette exposition est inédite à Paris, où l’artiste s’est rendue en 1939 suite à l’invitation de son ami André Breton. Mais elle a déjà voyagé à Londres, San Francisco, New York et, à chaque fois, la commissaire l’adapte en fonction de la ville. Pour “la capitale de la mode”, sont présentées des créations signées Alexander McQueen, Jean-Paul Gaultier ou encore Valentino directement inspirées du style Kahlo.

On retrouve une robe avec une cape rappelant le “resplandor”, cette coiffe d’inspiration religieuse portée par les femmes de Tehuantepec dans l’État mexicain d’Oaxaca, ainsi que des jupes, tuniques, combinaisons ornées de fleurs, tulles et strass et même des corsets en métal.

Mais le clou de l’exposition reste les effets personnels, que le public français pourra voir pour la première fois. Avec d’innombrables photos, télégrammes et lettres, ils avaient été exposés pour la première il y a dix ans à la Casa Azul, sa maison natale où pendant 50 ans, son mari, le peintre Diego Rivera, les avait gardés dans une malle.

Plus de 200 objets sont ainsi exposés : une jambe prothétique avec une botte ornée de broderies chinoises portée après l’amputation de sa jambe droite ; un corset orthopédique qui ressemble fortement à celui dans son tableau La Colonne brisée ; des corsets peints, dont l’un portant la faucille et le marteau, rappelant ses convictions communistes ; des colliers précolombiens ; mais aussi des médicaments, témoins de ses souffrances physiques après sa polio et un grave accident de bus.

“On ne montre rien que Frida Kahlo n’a pas voulu montrer elle-même”, explique la commissaire qui dit avoir voulu s’“éloigner du discours dans les années 1980 qui insistait plus sur la victimisation de Kahlo et de son corps”. “Elle a bien sûr souffert beaucoup physiquement mais on voit à travers cette exposition comme elle utilisait la peinture comme un moyen de convalescence et de production créative”, ajoute-t-elle.

“Elle se peignait comme elle s’habillait, elle se faisait photographier comme elle se peignait”, poursuit Circe Henestrosa. “Les corsets peints, c’est un acte de rébellion, elle les a convertis en une seconde peau… Et pourquoi porter une prothèse laide ? Elle allait en faire une botte esthétique, c’est tellement moderne.”

“Fière de son héritage”

De nombreuses tenues, notamment ses célèbres jupes brodées traditionnelles et ses huipils (tuniques sans manches), sont exposées, aux côtés d’une poignée de tableaux, dont Le Cadre, première acquisition par l’État français d’une œuvre d’un·e artiste mexicain·e.

Frida Kahlo (1907-1954) se serait-elle “approprié” les tenues originaires de l’isthme de Tehuantepec, où elle n’a pourtant jamais mis les pieds ? “Non, c’est son propre héritage, du côté maternel”, explique la commissaire en référence à la mère de la peintre, une métisse d’origine espagnole et des peuples premiers d’Oaxaca (proche de l’isthme).

Non seulement elle en était fière, mais elle “a choisi les robes de Tehuana qui viennent d’une société matriarcale [dans l’isthme, ndlr], pour évoquer une femme forte […] alors que la mode au Mexique dans les années 1930, c’était Paris”, ajoute encore Mme Henestrosa.

Féministe, cultivant son côté androgyne, “elle perdure car elle a pu briser beaucoup de tabous à travers son corps, évoquant handicap, convictions politiques et son identité non binaire, bien avant les débats d’aujourd’hui”, dit-elle.