Deuil, violences, genres, discriminations, quête de vérité, famille : 10 œuvres intimes à découvrir aux Rencontres d’Arles

Deuil, violences, genres, discriminations, quête de vérité, famille : 10 œuvres intimes à découvrir aux Rencontres d’Arles

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© Hien Hoang ; © Nieves Mingueza

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Par Pauline Allione

Publié le , modifié le

Les Rencontres d’Arles mettent en lumière une série de projets poignants, sélectionnés dans le cadre du Prix Découverte Fondation Louis Roederer.

C’est dans l’église des Frères Prêcheurs que le Prix Découverte Fondation Louis Roederer, qui récompense la création émergente, exposera les dix projets retenus cette année sur les quelque 400 candidat·e·s. Avec la commissaire invitée Tanvi Mishra aux commandes pour cette cuvée 2023, l’exposition s’attarde sur la relation entre le public et l’image et la façon dont “notre condition influence notre manière de voir”.

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Deuil, violences, discriminations, quête de vérité, famille… Autant de projets à découvrir du 3 juillet au 27 août 2023, lors des Rencontres photographiques d’Arles. Lors de la semaine d’ouverture, trois d’entre eux seront récompensés du Prix Découverte Fondation Louis Roederer, d’un coup de cœur Konbini (auquel vous pourrez participer en votant en ligne), et par un prix du public.

Ibrahim Ahmed et Lina Geoushy, Transmission et abandon de la performance de genre

#16, Some Things Seem Forgotten. (© Ibrahim Ahmed/TINTERA)

Travaillant à partir d’autoportraits et d’archives personnelles ou collectives, Ibrahim Ahmed et Lina Geoushy explorent les incarnations du genre en interrogeant les normes et les récits dominants pour laisser place à de nouvelles représentations ou des visages oubliés de l’Histoire. Dans ses images, Ibrahim Ahmed démonte les stéréotypes de genre et pose un regard sur les expressions de la masculinité dans sa propre famille. Marquée par les personnages féminins très forts du cinéma égyptien des années 1940 à 1960, Lina Geoushy explore quant à elle l’histoire féministe égyptienne. Créatrice d’une véritable archive féministe, l’artiste se met en scène pour incarner les pionnières égyptiennes oubliées et donner à voir d’autres histoires de la libération des femmes.

Nieves Mingueza, Une femme sur trois

One in Three Women, 2021. (© Nieves Mingueza)

Visages percés sur des photos d’archives, chiffres des Nations unies, représentations des espaces domestiques comme des scènes de crimes… Avec Une femme sur trois, Nieves Mingueza se penche sur les violences et crimes sexistes – qui concernent une femme sur trois au cours de sa vie – et aux systèmes et environnements qui permettent à ces violences d’exister et de se perpétuer. Avec son projet, l’artiste souligne l’incapacité des images à constituer des preuves dans le cas des violences sexistes.

Soumya Sankar Bose, Discrète évasion dans les ténèbres

A Discreet Exit Through Darkness, 2020 – en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)

Dans sa série Discrète évasion dans les ténèbres, Soumya Sankar Bose dévoile une quête de vérité et de mémoire teintée de fantastique et de folklore. En 1969, sa mère, alors âgée de 9 ans, disparaît en allant faire des courses. Elle ne refait surface que trois ans plus tard, sans aucun souvenir de son enlèvement. En images, l’artiste se plonge dans cet événement traumatique et explore différents scénarios ainsi que le journal fictif de son grand-père, qui dirigeait les recherches pour retrouver sa fille et mourut malheureusement un an avant que son entreprise ne porte ses fruits.

Riti Sengupta, Ce que je ne peux pas dire à voix haute

Ripe Tomatoes, Home, Kolkata, 2021. (© Riti Sengupta)

Conçue comme un dialogue entre une mère et sa famille, Ce que je ne peux pas dire à voix haute a pour point de départ le retour de Riti Sengupta au domicile familial huit ans après avoir quitté le nid. Durant ces huit années d’indépendance, elle a pris conscience des mécanismes patriarcaux qui règnent chez ses parents. Entre conversations de cuisine, archives familiales et histoires racontées, Riti Sengupta documente l’oppression patriarcale et le travail domestique des femmes, bien souvent rendus invisibles dans les albums de famille.

Samantha Box, Rêves caribéens

One Kind of Story, 2020. (© Samantha Box)

Au travers de tableaux et de natures mortes, Samantha Box explore ses racines africaines, indiennes, jamaïcaines et trinidadiennes. Elle réunit pour cela des objets familiaux chargés de mémoire, des plantes caribéennes aux États-Unis, des autocollants de fruits et des tickets de caisse qui soulignent la marchandisation capitaliste de l’identité… Mais aussi des images d’archives qui reviennent sur l’histoire coloniale des Caraïbes et des photos de famille qui racontent, elles, une histoire émancipée. Avec Rêves caribéens, Samantha Box s’empare des représentations coloniales, déconstruit le mythe du récit des origines et reprend le pouvoir.

Vishal Kumaraswamy, ಮರಣ Marana (Décès)

ಮರಣ Marana [Demise], 2022-2023, photogrammétrie et réalisation de Vishal Kumaraswamy, processus d’image générative de Emilia Trevisani. (© Vishal Kumaraswamy)

Philippe Calia, Les Archives Ajaib Ghar

Imaginary Museum VII (Picabia), National Science Center, New Delhi, 2017. (© Philippe Calia)

Au fil de ses recherches sur les musées, le photographe et réalisateur français Philippe Calia, installé en Inde depuis des années, questionne l’impact de la mémoire et de ses reliquats sur la perception du public. “En sacralisant les objets et en les extrayant de leur contexte, le musée enferme les sociétés dans une certaine vision de l’histoire. Les images de Calia révèlent son artifice, en tant qu’Ajaib Ghar (‘maison des merveilles’) et en interrogeant son rôle d’institution de pouvoir”, détaille la commissaire invitée du Prix Découverte 2023, Tanvi Mishra. L’intention de Philippe Calia ? Inviter le public à prendre conscience de l’impact des institutions muséales sur leur perception des œuvres, comme sur les récits présentés.

Md Fazla Rabbi Fatiq, Chez moi

Home, 2020. (© Md Fazla Rabbi Fatiq)

Alors qu’il est confiné dans sa ville natale de Comilla au Bangladesh pendant la pandémie, Md Fazla Rabbi Fatig donne vie à des œuvres chargées de l’anxiété ambiante. Avec ses images abstraites et inscrites dans une certaine banalité, l’artiste rappelle au public des sentiments d’inquiétude, d’incertitude ou encore de contamination relatives à une époque particulièrement récente. Empruntant à l’esthétique surréaliste, la série, qui dévoile l’intérieur de l’artiste, montre surtout des instants fugaces et chargés d’émotions universelles, où l’espace domestique qui lui sert de cadre pourrait finalement être celui de n’importe qui.

Hien Hoang, De l’autre côté de l’océan

The Next Pacific, 2019. (© Hien Hoang)

Dans De l’autre côté de l’océan, Hien Hoang constitue des tableaux photographiques qui abordent les stéréotypes véhiculés sur les personnes asiatiques en Occident, le désir d’exotisme de la société occidentale, la fétichisation du corps des femmes asiatiques, la popularité de la cuisine asiatique… Refusant de faire partie d’une identité unique qui serait celle de la diaspora, Hian Hoang livre des images visuellement impactantes qui soulignent la fracture entre les représentations occidentales et l’image de soi que l’on pense et souhaite véhiculer.

Isadora Romero, Fumée, Racine, Semence [Humo, Semilla, Raíz]

Then We Tame The Fire, Teotitlán del Valle, Oaxaca, Mexico, 2022. (© Isadora Romero)

En 20 ans, 75 % des variétés végétales du monde ont disparu. Issue d’une famille de gardiens de semences, Isadora Romero s’interroge sur le lien entre la perte des savoirs des peuples premiers et la disparition des semences. Fumée, Racine, Semence aborde cette crise sous différents prismes : de collectivités de femmes qui luttent contre l’agro-industrie au Paraguay au travail de conservation scientifique des peuples premiers en Équateur, le projet met en lumière des perspectives, des formes de résistances mais aussi les conséquences terribles de cette crise de conservation.

L’exposition “Définitions en mouvement – Invitation à voir de nouveau”, du Prix Découverte Fondation Louis Roederer est à découvrir du 3 juillet au 27 août 2023, à l’église des Frères Prêcheurs, dans le cadre des Rencontres photographiques d’Arles.

Konbini, partenaire des Rencontres photographiques d’Arles.