Féminisme, écologie et “quête de la beauté” : les Rencontres de la photographie d’Arles ont commencé

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Féminisme, écologie et “quête de la beauté” : les Rencontres de la photographie d’Arles ont commencé

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© Eva Nielsen/BMW ART MAKERS ; © Collection Art Gallery of Ontario, Toronto/Martha LA McCain, 2015/AGO

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

Tour de piste des artistes et projets exposés tout l’été dans le cadre d’un des plus importants festivals photo d'Europe.

Au cœur de l’été, dans un monde à l’épreuve du réchauffement climatique et de conflits brûlants, les Rencontres de la photographie d’Arles offrent depuis ce lundi 3 juillet une oasis de fraîcheur, de la sororité d’artistes scandinaves aux couleurs du “photographe-flâneur” états-unien Saul Leiter. Aux confins de la Provence et du delta de Camargue, Arles voit le mercure grimper au-delà des 30 degrés en ce début juillet. Mais les Rencontres de la photographie, un des principaux festivals de photographie du monde, emmènent son public sous terre, dans la fraîcheur – 20 degrés environ – des cryptoportiques.

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Ces entrepôts souterrains, où les marchand·e·s gardaient leurs stocks durant l’époque romaine, servent de cadre à la série d’images prises dans la grotte préhistorique d’Arcy-sur-Cure par la photographe française Juliette Agnel. Immergée dans l’obscurité, elle a éclairé certaines parties de la cavité, et ses photos, mystérieuses, convoquent des créatures imaginaires mais rappellent surtout les clairs-obscurs des peintures de Rembrandt (1606-1669) ou de Goya (1746-1828). “Juliette Agnel explore des paysages extrêmes dont la beauté troublante suscite l’émerveillement et le sentiment de sublime”, souligne la commissaire Marta Ponsa dans la présentation.

Photo Shoot, 1964-1969. (© Collection Art Gallery of Ontario, Toronto/Martha LA McCain, 2015/AGO)

De temps en temps, l’eau goutte dans les cryptoportiques, en résonance avec l’univers humide de la grotte. “Les photos ont dû être recouvertes d’un film très, très fin pour les protéger de l’humidité”, explique Christoph Wiesner, directeur des Rencontres, se réjouissant que le festival reste “un défricheur” de lieux, comme il le fit dans le passé avec les anciens ateliers SNCF devenus espaces d’exposition. Remonté à la chaleur de la surface, le public peut entrer dans le cloître Saint-Trophime pour retrouver un autre territoire marqué par l’eau, la Camargue. Ici, pas de clichés de chevaux ou de taureaux, mais le regard neuf et frais de la Française Eva Nielsen, qui a sillonné cette terre entre fleuve et mer pour “Insolare”.

Elle superpose photographie, sérigraphie et peinture dans un travail mené avec Marianne Derrien. Dans des compositions oniriques, l’artiste capte roseaux et marais, l’action du sel sur la terre, mais aussi les maisons d’ouvriers ou les grilles des grands domaines agricoles dans cette Camargue “à la fois sauvage et manipulée par l’homme”, explique-t-elle à l’AFP. Incluse dans le chapitre des Rencontres “Géographie du regard”, cette exposition fait partie “d’une réflexion que nous avons menée avec des photographes, des scientifiques, des architectes autour du territoire où nous sommes, Arles, la Camargue, qui est particulièrement exposé” au réchauffement climatique, souligne Christoph Wiesner.

Sans titre, série Soleil of Persian Square, 2022. (© Hannah Darabi)

Le sud regarde au nord

Comme souvent dans ces Rencontres fondées il y a plus de 50 ans, certaines des 45 expositions ouvertes (jusqu’au 24 septembre 2023) permettent aussi un voyage dans la création contemporaine d’autres pays. Cette année, ce festival du sud regarde vers le nord pour un coup de frais scandinave. Dans des pays où l’État a toujours misé sur des services publics forts, favorisant la cause féministe, les 18 photographes femmes de l’exposition “Søsterskap” (“sororité”) donnent à voir des pères en congé parental prenant soin de leurs enfants là où les images montrent généralement des mères (Verena Winkelmann), des femmes arrêtées menottes aux poignets mais regardant au loin vers l’avenir (Annika Elisabeth von Hausswolff) ou encore des femmes issues de l’immigration, comme les proches de la jeune Suédoise Ikram Abdulkadir, née à Nairobi, qu’elle photographie avec douceur.

Une forme de sororité qu’on retrouve chez la jeune Finlandaise Emma Sarpaniemi, qui signe l’affiche des Rencontres avec son autoportrait en T-shirt jaune, bas roses et cheveux roux. Ses portraits joyeux de femmes en groupe, complices, “incarnent un sentiment de solidarité”, soulignent les commissaires. Des couleurs, de la poésie et de la douceur traversent aussi les photographies de Saul Leiter (1923-2013), “photographe-flâneur” états-unien connu pour ses instants de vie new-yorkaise, outre son travail dans la mode. Mais les Rencontres présentent aussi ses peintures – gouache et aquarelle colorées sur papier japonais –, pour beaucoup inédites. Malgré la gravité du monde, souligne Saul Leiter dans un entretien filmé, “je crois qu’il y a une chose importante, comme la quête de la beauté, et vous n’avez pas à vous excuser de la chercher”.

© Emma Sarpaniemi

Konbini, partenaire des Rencontres de la photographie d’Arles.