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De l’ombre à la lumière, Doja Cat nous raconte son ascension fulgurante

De l’ombre à la lumière, Doja Cat nous raconte son ascension fulgurante

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Par Naomi Clément

Publié le

Du succès viral de son single "Mooo!" à sa récente collaboration avec Rico Nasty, sans oublier l'arrivée d'un nouvel album.

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Nous retrouvons Doja Cat dans le même état que nous l’avions laissée il y a quatre ans, c’est-à-dire toujours à l’image du single qui l’a révélée en 2014 : so high. “Ah oui, je me souviens de vous, c’était l’interview à laquelle je ne comprenais rien, c’est ça ?” Voilà, c’est ça. Doja Cat, dont le nom de scène est inspiré “de [son] amour pour les chats et la weed [dans l’argo américain, “dojo” signifie cannabis, ndlr]”, est donc restée fidèle à elle-même, parlant avec ce même air à la fois chaleureux et lointain. Pourtant, les choses se sont on ne peut plus bousculées depuis notre dernière entrevue.

Et pour cause : le 10 août 2018, Amalaratna Zandile Dlamini (de son vrai nom), jusqu’alors considérée comme un prometteur talent de la scène américaine, prenait un virage à 90 degrés en dévoilant “Mooo!”. Un single aux paroles absurdes (“Bitch I’m a cow, bitch I’m a cow”) et dont le clip ridicule, dans lequel elle apparaît vêtue d’un costume de vache, devint immédiatement viral, accumulant des millions de vues en une poignée de jours. Avec lui, la Californienne de 23 ans faisait ainsi décoller sa carrière, braquant sur elle et son premier album Amala, sorti quelques semaines plus tôt, tous les projecteurs de la presse anglo-saxonne.

Depuis lors, Doja Cat est décrite comme l’une des plus grandes sensations de la scène hip-hop américaine, enchaînant les interviews pour Billboard, Dazed, Genius, The Fader ou Complex. Un statut que la chanteuse, rappeuse et productrice a confirmé en début d’année 2019 avec “Tia Tamera”, un single explosif pour lequel elle a enrôlé sa comparse Rico Nasty, et qu’elle compte bien réaffirmer en dévoilant prochainement son nouvel album. De passage à Paris dans le cadre de sa tournée Amala, la jeune femme nous a accordé un moment pour revenir sur son ascension fulgurante.

“J’ai commencé à produire par accident”

Konbini | Il s’est passé énormément de choses pour toi en 2018. La première, c’est la sortie de ton premier album Amala en mars, qui à mon sens exposait toute la versatilité de ta musique (un peu plus influencée par le hip-hop sur un morceau comme “Cookie Jar”, plutôt dancehall sur “Wine Pon You”, davantage électronique sur “Game”…). Quel était le message de cet album ?

Doja Cat | C’est exactement ce que tu viens de dire : le message de cet album, c’est la versatilité, c’est clairement le mot-clé. L’idée, c’est d’encourager les gens à sortir des sentiers battus, à ne pas trop s’attacher aux étiquettes. Et puis, comme c’était mon premier album, c’était aussi une façon de me présenter, moi et ma musique… De représenter qui j’étais durant sa phase de création, qui a duré pas mal de temps à vrai dire. J’ai mis deux ans à l’écrire, mais encore plus de temps à le sortir, parce que le label avec lequel je travaillais n’était pas très impliqué.

As-tu l’impression que ta musique a changé depuis tes débuts avec “So High” en 2014 ?

Ça a clairement changé dans le sens où mes productions ne sont plus du tout similaires. Je crois que j’ai infusé dans mes chansons quelque chose d’un peu plus up tempo, de plus joyeux, quelque chose d’un peu plus inspiré du mouvement hip-hop trap actuel aussi. J’avais envie de faire des choses que j’aime.

La production, c’est quelque chose que tu as envie d’explorer davantage ?

Je ne sais pas… En fait, j’ai commencé à produire par accident. Mon ex-petit ami m’a offert un clavier pour Noël, genre, je me suis réveillée un matin et le truc avait été déposé devant ma porte, et je ne savais pas comment l’utiliser. Quand je l’ai ouvert j’étais là : “Mais putain, pourquoi tu m’as offert ça ?” Ce à quoi il m’a répondu : “Je ne sais pas, mais essaie-le.”

Donc je l’ai essayé. Je ne savais pas jouer de piano, mais un ami m’a appris quelques trucs, que j’ai répétés encore et encore au cours des deux dernières années, et qui ont finalement donné naissance à des beats qui, certes, sont basés sur la même construction, mais ont un certain style je crois… mon style. Mais c’est vraiment dur de produit. En fait, je pense que je suis trop fainéante pour ça. Les possibilités sont tellement infinies, il y a tellement de directions à prendre que ça a tendance à me submerger.

“‘Mooo!’ fut une véritable bénédiction”

Il y a un autre truc qui t’est arrivé, c’est la sortie du single “Mooo!”. Comment est né ce titre ?

J’étais dans ma chambre, je traînais sur le logiciel [Ableton] Live pour commencer à faire un morceau. Et en général, une fois que je finis un morceau, je balance une vidéo sur Instagram en me mettant dans un costume particulier. Et à ce moment-là, justement, je venais de faire du shopping car je m’apprêtais à partir en tournée pour mon album Amala, et j’avais donc une énorme boîte remplie de costumes.

Parmi eux, un costume de vache, que je n’avais pas encore porté sur scène. Donc j’ai mis ce costume de vache, que je trouve à la fois super con et super mignon, et je n’arrivais plus à penser à autre chose qu’à cette phrase : “Bitch I’m a cow.” Et c’est comme ça que tout a commencé [rires].

Ce morceau a atteint des dizaines de millions de vues en à peine quelques jours. Comment expliques-tu qu’il ait parlé à autant de gens ?

Je crois qu’il y a eu deux types de personnes qui ont connecté au morceau : il y a d’abord eu ceux qui ont juste accroché au côté drôle et absurde de ce morceau, sans le prendre vraiment au sérieux, juste pour rire. Et puis il y a ceux qui l’ont pris au sérieux en se disant : “Oh, les gens me traitaient de vache à l’école, je m’identifie, c’est ma chanson”, et à qui ça a fait du bien.

Et je suis contente que ça ait parlé à autant de gens. Je sais que certains enfants l’écoutent aussi, c’est trop cool ! Enfin, attention, je n’encourage pas du tout les enfants à prononcer des gros mots hein, bien au contraire… Mais bon, c’est marrant.

Je crois aussi que ça a aidé ta carrière à franchir une nouvelle étape…

Oh oui, absolument ! “Mooo!” fut une véritable bénédiction. D’autant que j’avais une tournée qui s’annonçait au moment où j’ai sorti la vidéo. Et même si j’ai des fans qui me suivent depuis le début, je n’ai jamais été cette artiste virale, tu vois ? Donc c’était le timing parfait, à tel point que certains ont cru que tout ça était calculé. J’aurais aimé, mais si j’avais une formule magique pour exploser du jour au lendemain… Ça se saurait [rires].

“Rico Nasty est une véritable artiste, elle s’implique réellement”

J’aimerais parler d’un autre single qui a super bien marché pour toi, c’est “Tia Tamera”, que tu as sorti en début d’année. Pourquoi avoir choisi d’enrôler Rico Nasty sur ce titre ?

Man… J’adore Rico ! On a commencé à parler il y a quelque temps, je lui ai envoyé un DM sur Instagram, elle m’a répondu et… j’ai complètement flippé. Elle m’a dit de venir à son concert à LA, mais j’étais en tournée dans un bus donc c’était trop compliqué. On n’a plus trop échangé après ça, et puis je suis revenue vers elle quelques mois plus tard, parce que j’avais ce morceau, “Tia Tamera”, sur lequel je me disais que ce serait cool d’avoir un featuring. Avec mon équipe, on était convaincu que c’était la personne à convier sur ce titre. On savait qu’elle serait parfaite.

Donc on lui a envoyé, elle a nous a renvoyé son couplet et elle l’a refait, parce qu’elle n’en était pas satisfaite. C’est ce que j’apprécie chez elle : c’est une véritable artiste, elle s’implique réellement. C’est ce qui la différencie de certaines personnes avec lesquelles j’ai pu travailler par le passé, qui m’ont envoyé des couplets qui n’étaient pas bons mais qu’ils ne voulaient pas améliorer. Et ce qui fait que Rico est une grande artiste selon moi, c’est qu’elle se donne vraiment pour créer de la bonne musique. Et c’est ce qui a fait que ce morceau est si génial pour moi.

Ce que j’aime dans “Tia Tamera”, c’est que sur la forme, c’est un titre assez féroce et inquiétant, mais que sur le fond, il est super drôle, notamment grâce à ce processus de comparaison constant que vous y faites avec Rico Nasty. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce morceau ?

La façon dont on a écrit ce morceau a été très rapide. On s’est assis sur un canapé avec ma tour manager, on n’avait pas vraiment prévu d’écrire ce jour-là d’ailleurs car on devait s’occuper de la tournée. Mais on a juste lancé le beat, on a commencé à s’ambiancer dessus et… les paroles sont sorties toutes seules, très rapidement.

Ce que je trouve cool dans ce morceau, c’est qu’il y a des paroles qui prennent un sens que je n’avais absolument pas prévu. La phase “Dug in the guts and I skeet her” par exemple, je l’ai écrite en pensant au dessin animé Doug [dont le meilleur ami s’appelle Skeeter Valentine dans la version américaine, ndlr]. Après la sortie du morceau, je me suis rendu compte que pas mal de gens l’ont interprétée d’une tout autre façon, en pensant que c’était une référence à l’acte sexuel, à la pénétration [comme l’explicite le site Genius, ndlr]

“Tia Tamera” est aussi une référence aux sœurs jumelles Tia et Tamera Mowry de la série Sister, Sister, mais le mot “twins” fait ici référence à tes seins…

Oui, tout à fait, il y a ce truc de double sens tout au long du morceau. Mon cerveau a carrément fait un parallèle entre mes seins et les jumelles… Je ne saurais pas l’expliquer [rires].

“J’adorerais travailler avec Pharrell”

Mis à part Rico Nasty, y a-t-il d’autres artistes avec lesquels tu aimerais collaborer ?

J’adorerais travailler avec Pharrell [Williams] – genre, avant qu’il n’atteigne ses 80 ans [rires]. Mais après, j’ai l’impression que la plupart des gens avec lesquels j’ai envie de bosser ne m’aiment pas, ou ne veulent pas travailler avec moi…

C’est aussi ce que tu pensais de Rico Nasty, et pourtant elle t’a tout de suite répondu !

J’avais peur qu’elle ne me réponde pas, mais je sentais qu’elle m’aimait bien. Avant “Tia Tamera” on devait bosser ensemble sur un morceau qui s’appelle “Bossy” (et qui parle aussi de seins, ne me demande pas pourquoi, c’est comme ça que l’univers a choisi de marcher), mais ça n’a pas marché. Mais donc, je savais qu’elle était ouverte ! Et j’adorerais bosser à nouveau avec elle. Et avec Pharrell. Et aussi avec Tyler, the Creator, que j’adore vraiment. J’aime beaucoup Aminé et Ski Mask aussi, qui sont deux de mes rappeurs préférés en ce moment…

En attendant de travailler avec ces artistes, tu m’as confié avant de commencer cet entretien que tu t’apprêtais à dévoiler un nouvel album. Tu pourrais m’en dire un peu plus ?

Écoute, je ne peux pas dire grand-chose, mis à part que cet album va davantage me ressembler. Parce que j’ai eu le temps de savoir un peu mieux qui je suis, ce qui m’intéressait réellement… J’ai arrêté de m’influencer moi-même en écoutant la musique des autres aussi, ce qui m’a permis de me centrer davantage sur moi-même et de vraiment découvrir qui j’étais. Et donc je crois que j’ai vraiment fini par mettre le doigt sur ma musique. J’ai hâte.