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Comment faire un film français sur l’espace ? Nicolas Giraud, réalisateur de L’Astronaute, raconte comment il a réalisé son rêve

Comment faire un film français sur l’espace ? Nicolas Giraud, réalisateur de L’Astronaute, raconte comment il a réalisé son rêve

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(© Diaphana)

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Par Leonard Desbrieres

Publié le

C’est la surprise ciné de ce début d’année. Retour sur la fabrication d’un projet pas comme les autres, ou comment faire un film spatial quand on n’a pas le budget de Nolan.

Et si après le triomphe planétaire du cinéma de genre à la française, incarné récemment et en partie par Julia Ducourneau, les réalisateurs et réalisatrices hexagonaux devenaient les boss du space opera indé ?

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Quoi ? On n’a pas le droit de rêver ? Avec L’Astronaute, en salle cette semaine, Nicolas Giraud, acteur intense repéré chez David Oelhoffen, réussit un joli tour de force. Son odyssée spatiale, réalisée avec des moyens plus que limités, fourmille d’idées. Elle convainc et bouleverse.

Elle symbolise aussi la surprenante vitalité d’un autre cinéma français. À l’heure où l’industrie est plus que jamais sous le feu des critiques, accusée de formatage, de manque d’audace et aux mains d’un CNC moqué pour sa capacité à financer toujours les mêmes comédies balourdes, ambiance Didier Bourdon se prend une assiette dans la raie des fesses (en référence à Alibi.com 2 de Philippe Lacheau), l’existence même de ce film un peu fou est une preuve rassurante qu’il existe encore une marge de manœuvre pour la prise de risque créative.

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Un ovni parmi les productions françaises

Mais tout n’a pas été simple pour en arriver là. La recherche de financement et la production furent un long chemin de croix pour Nicolas Giraud. Après plus de deux ans à écrire le film, en collaboration avec Stéphane Cabel, il s’est heurté aux doutes, aux refus et même aux moqueries du milieu.

Son salut, il le doit d’abord à sa rencontre avec Christophe Rossignon. Producteur respecté, aux manettes d’un des succès surprise de ces dernières années, Au nom de la terre et ses plus de deux millions d’entrées, il accepte de rencontrer Nicolas Giraud pour qu’il lui présente son projet. Immédiatement, la magie opère.

“Sans mauvais jeux de mots, les planètes étaient alignées. À l’instant même où je rentre dans son bureau, je vois la fusée de Tintin, je vois des photos de Jean-François Clervoy, je vois l’affiche de L’Étoffe des héros et je me rends compte que je vais présenter mon film à un passionné d’espace.

(© Warner Bros.)

En entendant Nicolas Giraud lui raconter l’histoire de son personnage, Jim Desforges, cet employé de l’aérospatial recalé il y a des années du concours d’astronaute, mais qui s’accroche coûte que coûte à son rêve d’aller là-haut dans les étoiles. Cet illuminé qui construit, en secret, dans sa grange, sa propre fusée, Christophe Rossignon est sous le charme et décide d’embarquer dans l’aventure.

Il lui présente alors l’ancien spationaute Jean-François Clervoy et le vétéran de la Nasa devient le conseiller technique du film. Ensemble, le trio parvient même à convaincre Ariane Groupe de s’associer au projet. Un site dédié avec des pièces prêtées pour le film, des technologies et des entretiens avec des spécialistes : l’entreprise aérospatiale déroule le tapis rouge à Nicolas Giraud et ses équipes. Le rêve devient réalité.

Une déclaration d’amour au cinéma

Une fois ces périlleux préparatifs bouclés, un défi encore plus imposant se dresse devant cette équipe de fou furieux : le tournage. Côté casting, pour s’assurer une belle visibilité, Nicolas Giraud a su convaincre Mathieu Kassovitz. Avec Hélène Vincent, Bruno Lochet et Hippolyte Girardot, il s’entoure de seconds rôles séduisants. Habités autant par le projet de Nicolas Giraud que par le rêve spatial de Jim, ils jouent tous leur partition à merveille.

Un film spatial, c’est aussi une histoire d’ambiance sonore. Gabriel Legeleux alias Superpoze, assure un travail d’orfèvre. Sound design léché, nappes musicales entêtantes, le compositeur de musique électronique met le paquet pour nous envoûter. Le film est ambitieux parce que Nicolas Giraud met un point d’honneur à fabriquer un film réaliste. Hors de question de faire une blague ou un petit truc qui bégaye.

Pour embarquer le spectateur, il faut oser. Et quand on n’a pas les moyens de la machine hollywoodienne, il faut savoir ruser.

“J’avais le Steven Spielberg de ses débuts dans un coin de la tête. Au moment de tourner Les Dents de la mer, il s’est rendu compte que le requin mécanique ne marchait pas autant qu’il l’avait espéré. Alors, il a décidé de le montrer le moins possible, seulement au moment du dénouement.

Tout le reste du temps, il suggère sa menace, il fait confiance à l’intelligence du public.”

À entendre parler Nicolas Giraud, il y a un amour du cinéma qui déborde de partout et on comprend que L’Astronaute, c’est aussi un moyen de redonner les émotions qu’il a reçues depuis que, tout petit, il a franchi la porte des salles obscures.

Il y a d’abord le choc Rocky, l’histoire d’un mec qui s’accroche à son rêve et qui fait tout pour triompher, tiens, tiens. Puis il y a cette fascination pour les films spatiaux : 2001, Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Interstellar de Christopher Nolan, un réalisateur qu’il admire pour son amour presque enfantin du cinéma et Sunshine de Danny Boyle, qui est moins connu et pourtant celui qu’il préfère.

Le plus touchant, finalement, c’est la mise en abyme qui s’opère entre la quête de Jim Desforges et celle de Nicolas Giraud. La construction de la fusée de Jim Desforges, c’est le film de Nicolas Giraud en train de se faire. Réussites, doutes, ils partagent tout. C’est d’ailleurs pour cela que Nicolas Giraud est derrière et devant la caméra. Il fallait qu’il incarne son propos.

“Mon attrait pour l’espace, le cosmos, c’est aussi une soif d’infini, d’absolu.”

Avec L’Astronaute, le réalisateur fait sa profession de foi. Il y a quelque chose de spirituel dans ce film, l’idée qu’il faut croire en ses rêves de gosse et s’y accrocher pour décrocher la lune. C’est simple, c’est touchant, ça fait vibrer notre âme d’enfant.

Ce n’est pas ça, le cinéma, au fond ?