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Cannes, jour 1 : comment je me suis incrusté au Festival de Cannes (sans avoir de smoking)

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Cannes, jour 1 : comment je me suis incrusté au Festival de Cannes (sans avoir de smoking)

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Par Flavio Sillitti

Publié le , modifié le

Premier jour, premier open bar, premières ampoules aux pieds. J’ai atterri à Cannes et je ne sais toujours pas ce que je fous là.

Dans le classement des trucs cool de la vie, être envoyé à Cannes pendant son stage est plutôt bien haut dans la liste. Pour une raison qui m’échappe encore, je suis l’heureux élu. Entre syndrome de l’imposteur, incrustes, rencontres et mon quotidien de pique-assiette, je vous raconte tous les jours ma vie et mes galères sur la côte cinéphile la plus hype de France : le Festival de Cannes.

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Comment s’incruster à Cannes pendant son stage de rédaction ?

À la fameuse question “Comment tu t’es retrouvé là ?”, je vous répondrais qu’il suffit de croire en sa bonne étoile et surtout, surtout en ses contacts. En l’occurrence, c’est une amie rencontrée au Festival du film de Venise en septembre dernier qui m’a permis d’infiltrer la Croisette avec un pass Guest, moins avantageux que les laissez-passer de la presse ou des professionnels mais largement suffisant pour mériter sa place dans ce grand cirque cannois.

D’une pierre deux coups, je profite de ce précieux sésame inopiné pour enrichir mon stage de rédaction chez Konbini à travers un journal de bord quotidien, proposition de mes supérieur·e·s miraculeusement friand·e·s de mes récits égocentriques et pseudo-flaubertiens. Pression. J’embarque donc à Cannes (et je n’y crois toujours pas vraiment).

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C’est quoi, un smoking ?

Dans la hâte et la panique, je dévalise les magasins de fast fashion (j’ai honte) pour me bâtir ma garde-robe cannoise – pantalons en lin, petits polos insipides et mocassins de bobo. Je suis paré. Sauf que, Cannes oblige, l’élégance est de mise. Et au-delà des tenues estivales légères, les projections du soir nécessitent un smoking-nœud pap. De plus, même si les chances d’accéder à l’une de ces prestigieuses séances sont minces (voire illusoires au vu du système de billetterie abominable du Festival de Cannes), je me dois de sortir le smoking.

Mais au fait, c’est quoi, un smoking ? J’accuse ma naïveté (et le fait que je ne sois pas pété de thunes) pour avoir cru que mon costume deux pièces rose pastel ferait un tabac sur le tapis rouge. Sauf que la réalité est que Cannes, pour les hommes du moins, impose un oubli total de toute personnalité vestimentaire au profit de smokings full black et de nœuds papillon qui donnent l’impression que la Croisette s’est fait envahir par une horde de clones envoyés par les services secrets. Du coup, je m’y plie et je me trouve un vrai smoking sans personnalité, pas trop cher, mais qui me fait de jolies fesses. C’est l’essentiel.

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Dans tout ça, trop stressé par la pression vestimentaire du festival, j’en oublie les essentiels : un short et des baskets. J’ai volontairement omis les Birkenstock pour deux raisons : je n’ai pas l’argent pour me les payer et je n’ai pas l’intention de faire subir à tout Cannes la vision horrifique de mes orteils disgracieux. Je passerai donc le festival en mocassins de bobo, qui m’ont déjà constellé les pieds de cloques saignantes dès le premier jour.

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La billetterie de l’enfer

On arrive à la première désillusion du Festival de Cannes : la billetterie. Le vrai cauchemar. Pour la faire courte, si être accrédité à Cannes est un combat, accéder aux projections est une guerre. Tous les matins, une plateforme en ligne nous permet (techniquement) d’obtenir un ticket pour les projections ayant lieu quatre jours plus tard.

À 7 heures du matin. 7-heures-du-matin. Mon quotidien de ces derniers jours a donc consisté à me réveiller à 6 h 30 pour être au taquet à ladite heure et finalement me retrouver avec quelques tickets pour les “petits” films sélectionnés, les plus grosses projections affichant complet quelques secondes après que l’horloge matinale n’affiche 7 heures et 0 minute. Dernier espoir : faire la file au moment des projections, en mode miskine, pour espérer choper les dernières places des goujats qui ont réussi à s’en approprier une mais ne se sont pas pointés à la projection. Autant vous le dire : je serai l’un de ces miskines pour toute la durée du festival.

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Emporté par la foule (de l’enfer aussi)

Autre cauchemar cannois : la foule. Depuis le Palais des festivals et étalée sur toute la Croisette, on retrouve un imbroglio hétéroclite des plus fascinants : de la tantine cannoise qui vient crier son amour enflammé à Johnny Depp au magnat macho friqué à l’extrême qui vient exhiber ses Rolex aux yeux de tous, le minuscule trottoir qui sert d’unique passage le long du festival a autant des allures de chemin de croix que de lutte des classes.

De stridents “Je t’attends devant Gucci !”, “Avancez !”, “J’ai chaud” composent la délicieuse bande originale de ce périple. Vivement les journées chargées où on va devoir traverser cet enfer à la hâte pour ne pas rater sa projection.

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Le gratin (et le buffet, surtout)

La première journée touche déjà à sa fin. Si je boude volontairement le film d’ouverture de Maïwenn avec Johnny Depp, le fait que je n’aie pas réussi à me procurer de ticket (pas de surprise) justifie aussi mon absence au Grand Théâtre Lumière — dommage pour lui. Je finis à une afterparty d’ouverture du festival sur la plage du prestigieux Majestic. Encore une fois, je n’ai rien à faire là, mais un collègue stratégique qui répond positivement à tout RVSP m’a gentiment filé son invitation.

L’endroit est on ne peut plus guindé, avec une jetée sur la mer et un live band aussi kitsch qu’efficace. Grands atouts de la soirée : un open bar et un buffet varié et bien fourni. J’ai déjà dîné mais j’ai faim, surtout si c’est gratuit. Les discussions vont bon train, l’endroit ressemble à un énorme séminaire de networking pour gens de la haute, j’aperçois Antoine de Maximy, Léopold Lemarchand et Anne-Sophie Lapix (mon idole).

Au menu des conversations : certains s’inquiètent de la menace de la pluie pour les jours à venir, d’autres se questionnent sur le baby bump camouflé de Virginie Efira à la cérémonie des César, tandis que d’autres encore jalousent l’afterparty secrète de Johnny Depp sur son yacht privé. Pour ma part, j’angoisse que le buffet (que je dévore non-stop depuis la minute où je suis arrivé) contienne des noix de Grenoble. Je suis allergique aux noix de Grenoble.

Le Campari-eau pétillante

Je tombe par hasard sur l’ange gardien qui m’a filé une accréditation. On papote, elle m’explique son quotidien au service accréditation. Un job de rêve, surtout à en croire le compte Instagram qu’elle et ses collègues ont mis en place pour dévoiler les dessous débridés du festival et auquel vous serez acceptés à condition de leur inspirer confiance.

Si le buffet est irréprochable, l’open bar (que je dévalise également depuis mon arrivée) est un peu maigre : plus de gin tonic à une heure prématurée presque criminelle. Je m’en remets au rosé. Mauvais choix. Je finis par siroter un Campari-eau pétillante à défaut de Prosecco. Comme quoi, même au sommet du monde, on peut manquer de bulles.

Des bulles, par contre, j’en ai déjà plein les yeux et l’estomac du fait d’avoir atterri ici, dans ce cirque cannois qui me fascine déjà beaucoup et qu’il me tarde d’explorer dans les jours qui suivent. Objectif de ma semaine : saluer Dua Lipa, Lily-Rose Depp ou Juliette Binoche. Allez, au pire, je me contenterai de Thierry Frémaux.