On a rencontré Mossi, le créateur qui est tombé amoureux de la haute couture grâce aux Chevaliers du Zodiaque

On a rencontré Mossi, le créateur qui est tombé amoureux de la haute couture grâce aux Chevaliers du Zodiaque

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©Aitor Rosas

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Par Cheynnes Tlili

Publié le

On a parlé savoir-faire, Bollywood, vol à l’étalage, liberté et hommage.

Plus d’un mois avant la Fashion Week, je me suis rendue dans l’atelier Mossi. Pour y arriver, il faut traverser le périph et aller dans le 94, mais ça fait du bien car il n’y a rien de plus réjouissant que de voir la mode haut de gamme s’exporter hors de la capitale. En plus, ça fait aussi partie de l’esprit de la maison et Mossi Traoré me l’explique parfaitement en disant que les trajets entre Paris et sa banlieue sont une source d’inspiration : “J’ai toujours été entre Paris et le 9-4”. Il me parle alors un peu de lui : il est né dans le 18e arrondissement parisien mais a ensuite grandi en banlieue, il doit son prénom à son grand-père (ce qui le rend très fier) et il veut avant tout que sa marque soit utile.

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“MOSSI, c’est un peu une galaxie qui regroupe plusieurs choses”

Il fonde sa marque en 2011 et, bien qu’il soit doté d’une détermination à toute épreuve, il reconnaît qu’il n’était pas vraiment prêt à l’époque. Il décide alors de s’arrêter un temps et de fonder, en 2015, les Ateliers d’Alix, une école qui forme la jeune génération aux métiers de la haute couture. Alix, c’est comme Alix Grès, grande figure de la mode qui a sculpté sa réputation à travers ses iconiques drapés, transformant les porteuses de ses robes en de véritables déesses grecques. Fun fact : c’est en lisant Les Chevaliers du Zodiaque que Mossi se prend de passion pour le style de l’Antiquité et, quand il demande à sa prof de stylisme s’il existe une marque qui ressemble aux tenues du manga, elle le dirige vers Madame Grès. Là, coup de foudre absolu ! Désormais, sa mode, comme son école, seront un hommage à cette grande couturière.

“D’une bêtise, j’ai su ce que je voulais faire”

Mais comment s’habille le créateur de mode ? Posté droit comme un “i” dans son atelier où s’entassent ses anciennes collections, des morceaux de tissus et un nombre incalculable de patrons, il m’explique que son amour du vêtement n’est pas venu tout de suite. Ce jour-là, il porte un très long T-shirt noir (qui ressemble plus à une tunique, d’ailleurs) dont le bas est totalement asymétrique et le col laisse entrevoir un layering très discret. Il est à l’image de sa mode : une allure sobre avec un sens du détail.

“Tu vois le manga Olive et Tom ? Ben c’est ce qui m’a animé au départ”, me confie-t-il. À la base, c’était donc le foot. Pour devenir le plus stylé du quartier, il s’est mis à voler dans les magasins et est devenu accro à la sape : “Tout le monde était habillé de la même façon […] quand j’ai découvert la mode des jeans délavés, l’arrivée de Diesel, Energie… J’étais à fond dedans ! Je voulais être un peu rebelle, être différent des autres, ne pas être un mouton qui suit la masse”. Cette différence lui colle toujours à la peau car, contrairement à d’autres, lui ne rêve pas de devenir viral ou tendance, d’habiller une certaine élite ou de ne jurer que par le tapis rouge des plus grands festivals.

“Créer, c’est être libre”

Mossi a plusieurs kifs : habiller les héroïnes des films indiens qu’il regardait petit. C’est d’ailleurs chose faite avec Aishwarya Rai, immortalisée dans ses créations à travers un documentaire Canal+. Puis, il aime aussi être libre de créer avec des artistes tels que le peintre Ibrahim Ballo ou la sculptrice sur textile Simone Pheulpin ; être libre de se tourner vers des textiles green qui misent à fond sur l’innovation ou de continuer de créer en faisant honneur à l’excellence du savoir-faire français et, pourquoi pas, faire une collection hommage aux éboueurs, la profession de son papa ?

Sa dernière ligne, présentée le 27 février au Palais de Tokyo, n’est pas en reste. Le défilé se jouait en trois temps, censés représenter trois émotions qui suivent perpétuellement le créateur : la tristesse, la colère et l’espoir. Quand les silhouettes s’avancent, je comprends une fois de plus tout ce qu’il me racontait dans son atelier. Sa mode utile se ressent par les messages qu’il transmet, écrit en grand sur des T-shirts : “Faire de la politique ne devrait pas vouloir dire décider à la place des gens leur droit de vivre”.

Sa créativité est libre puisque sa mode est hors du temps et des tendances et qu’elle met en avant des prouesses techniques et un style intemporel. À l’image des grands couturiers qui ont fait la mode française, comme Madeleine Vionnet, Cristóbal Balenciaga et, évidemment, Madame Grès, c’est le soin apporté aux tissus, les coupes impeccables et la précision de la couture qui façonnent le style MOSSI, qui, je n’en doute pas, ne se démodera pas dans deux ou trois saisons.