Les limites de ce qui est acceptable ou non concernant les femmes et leur liberté à disposer de leur corps sont plutôt fines. Trop de sexe, c’est non ; pas assez, c’est non aussi. Vouloir trop d’enfants, ça ne va pas ; ne pas vouloir d’enfants, ça ne va pas non plus.
À voir aussi sur Konbini
Du côté de l’apparence, même son de cloche : zéro maquillage, ça ne fait pas soigné (surtout si on n’a pas une peau parfaite ou des lèvres pulpeuses) ; trop de maquillage, c’est vulgaire. Par contre, un teint nude, du mascara et du baume à lèvres teinté, c’est oui. Trop de poils, c’est non ; zéro poil (les tendances des sourcils ultrafins ou décolorés), c’est non ; pas de poils sous les aisselles, sur les jambes ou au pubis mais des sourcils et des cils fournis, c’est oui. De quoi devenir zinzin.
Réponse B.
Ces injonctions plus ou moins conscientes et affirmées faites au corps féminin émanent d’un regard extérieur théorisé depuis les années 1970 sous le concept du male gaze. C’est à ce moment que la critique de films Laura Mulvey théorise l’objectification et la sexualisation des femmes au cinéma et leurs conséquences dans nos vies quotidiennes. En opposition, le female gaze imagine un regard soulagé de cette charge. En 1993, la romancière Margaret Atwood (autrice de The Handmaid’s Tale) écrit sur la toute-puissance et l’intériorisation du “regard masculin” :
“Fantasmes masculins, fantasmes masculins, tout est-il donc régi par eux ? Que vous soyez perchée sur un piédestal ou pliée à genoux, c’est un fantasme masculin ; que vous soyez assez forte pour supporter ce qu’ils vous proposent ou trop faible pour réagir. Même prétendre que vous ne vous pliez pas aux fantasmes masculins en est un : prétendre que vous êtes invisible, que vous avez une vie à vous, que vous pouvez vous laver les pieds et vous peigner, inconsciente du regard qui vous observe par le trou de la serrure de votre propre tête, sinon ailleurs. À l’intérieur de vous, il y a un homme qui observe une femme. Vous êtes votre propre voyeur.”
@oceansaltzs Take several seats sir
♬ original sound - Female Rap
Se détacher du male gaze à l’ère TikTok
Dans la droite lignée de Laura Mulvey, Margaret Atwood et bien d’autres, la trend TikTok “Dressing for the female gaze” (soit “S’habiller pour le regard féminin”) montre des utilisatrices passer d’un style vestimentaire pensé pour le regard masculin à un style pensé pour le regard féminin. Leurs tenues deviennent plus structurées, plus “originales”. Elles invitent ainsi leur public à questionner leurs choix vestimentaires et à se libérer de carcans intériorisés – qu’il s’agisse de carcans sexistes ou racistes, comme le diktat des cheveux lisses.
Il n’existe pas de règles quant à ce que signifie s’habiller pour le female gaze. Il s’agit simplement de se décentrer, lorsqu’on choisit ses tenues, de ce regard voyeur sexualisant qui nous encombre. Quitte à se vêtir pour un regard extérieur, s’habiller pour le female gaze pousse plutôt à visualiser l’approbation d’yeux qui valideraient un effort de style, d’audace, de composition des formes et des couleurs, hors de toute objectification. Les hommes sont évidemment les bienvenus à s’affranchir du male gaze pour que la pression cesse d’une part comme de l’autre.
@innasyamackenzie male vs female gaze 🫶🏽 #fypシ #fashiontiktok #2023outfitideas #outfitinspo #malegaze #femalegaze #femalegazevsmalegaze ♬ son original - j
L’idée la plus importante véhiculée par la trend, c’est bien l’amour de la mode et de soi, loin d’une volonté de créer de nouvelles injonctions. Il ne s’agirait pas, par exemple, d’arrêter de porter des push-up ou des talons parce que cela collerait au male gaze mais plutôt de questionner nos choix et ce qui les motive. La trend TikTok n’a pas pour but de vilipender certaines tenues mais plutôt d’ouvrir le champ des possibles et de son imagination.
“Les 4 types de lesbiennes”. (© TriStar Pictures, FilmFlex, Sony Pictures Releasing)
De plus, il est nécessaire de rappeler que le male gaze vestimentaire revêt plusieurs visages. On ne “subit” pas le male gaze seulement quand on essaie de cacher ses bourrelets, d’allonger ses jambes ou de remonter sa poitrine.
Cela passe aussi par la décision de ne pas porter un short trop court ou un T-shirt trop moulant par lassitude ou peur des remarques et du catcall (qui “consiste à aborder une personne – de genre féminin la plupart du temps – dans l’espace public et de manière non sollicitée avec des commentaires à charge sexuelle”, explique Radio Canada). Reste plus qu’à attendre la ménopause ?
@melissasollee when women compliment your outfit 😌 #femalegazeonly #fashioninspo #fashiongirlies ♬ son original - j
@jewsonecstacy Baddy style outfits #edgyoutfits #StumbleToVictory #fyp #outfitideas #trendyoutfits #outfits ♬ cupids chokehold - 🫶🏻 • Friends
Chargement du twitt...
Chargement du twitt...
