La série high concept La Brea est une héritière de Lost peu inspirée

La série high concept La Brea est une héritière de Lost peu inspirée

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Ⓒ NBC

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Par Adrien Delage

Publié le

NBC débute la saison des pilotes avec un Lost-like fauché et très mal joué.

Avec un petit mois de retard, causé en partie par la pandémie et les multiples reports de tournage, la saison des pilotes de séries a officiellement débuté sur les networks américains. Comme chaque année, leur survie dépendra de la popularité et des résultats d’audience enregistrés par ces productions inédites, qui sont d’ailleurs rarement tournées en intégralité avant d’être diffusées. Parmi les nouveautés de 2021, on trouve un Lost-like, un genre qui avait tendance à disparaître ces dernières années après l’échec de plusieurs séries high concept, et qui reprend des thématiques globales issues de la série culte signée Damon Lindelof, Jeffrey Lieber et J. J. Abrams.

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Après The Crossing, Manifest ou encore Flashforward pour les sériephiles de longue date, NBC tente sa chance avec La Brea. Un nom étrange dénué de symbolique obscure, qui décrit en réalité un gisement de fossiles à Los Angeles. Si les séries dans la veine de Lost ont l’habitude de plonger tête baissée dans le concept métaphorique du trou du lapin blanc (ou rabbit hole, du personnage anthropomorphe imaginé par Lewis Carroll), La Brea applique littéralement cette idée. Ainsi, la fiction débute sur l’ouverture d’une fosse béante au cœur de la Cité des anges, dans laquelle plusieurs personnes chutent et se retrouvent propulsées dans un univers parallèle.

Dans ce nouveau monde hostile, Eve Harris, sa famille et une poignée de survivants se réunissent et tentent de comprendre où ils ont atterri. Mais à peine remis de leurs émotions, ils sont attaqués par des animaux préhistoriques qui vont du ptérodactyle au tigre à dents de sabre. De l’autre côté du trou, le FBI mène l’enquête pour comprendre comment une telle catastrophe s’est produite et quelle est cette mystérieuse lumière boréale au fond de la cavité. Deux agents se rapprochent alors de Gavin, le mari d’Eve, qui dit avoir des visions de cet autre monde préhistorique et cherche à sauver sa famille.

Hol(e)y sh*t

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Au fur et à mesure des années qui ont suivi la diffusion de Lost, les sériephiles ont appris à se méfier des œuvres qui souhaitaient réitérer le succès des survivants du vol 815. Outre les mystères qui n’arrivent jamais à la hauteur de l’île de Jacob, les séries du genre peinent à rivaliser de puissance émotionnelle avec l’histoire de Jack et ses camarades. A priori, La Brea n’a pas tant de rapport avec Lost mais plutôt avec des productions de science-fiction déjà oubliées types Terra Nova (2011) ou Land of the Lost (1974-1976), qui sont elles-mêmes ouvertement inspirées par un roman mythique de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre.

Pourtant, la série de NBC se donne beaucoup de mal pour se comparer à Lost voire carrément la copier, allant même jusqu’à la citer dans un dialogue. Dans sa construction narrative, La Brea donne une sorte de check-list des éléments fondateurs de la fiction culte qui la rend risible. On y trouve par exemple un site de crash, de l’héroïne, un homme en noir mystérieux, une arme à feu, des animaux sauvages inhabituels… Le pilote ose même recopier deux scènes emblématiques de Lost, dont la course intense de Jack parmi les débris d’avion et le face-à-face tendu entre Sawyer et un ours polaire. Seule différence : des carcasses de voiture et un smilodon en guise d’obstacles.

Outre son absence d’originalité, La Brea pâtit aussi d’un manque de budget flagrant. Dans une époque post-Game of Thrones, où les plateformes de streaming rivalisent de billets verts pour trouver le prochain blockbuster de fantasy visuellement digne du cinéma, les networks n’ont clairement plus les ressources pour être à la hauteur de dragons et autres trolls en CGI. C’est même assez absurde que NBC ait validé un tel pitch sans être capable d’insérer proprement un fond vert en arrière-plan ou de créer numériquement un loup sauvage qui ne ressemble pas à une tache floue dès qu’il bouge. On a conscience d’être durs, mais les productions sans ambition ni vision artistique de ce type nous épuisent. On vous parie une barre de chocolat Dharma que La Brea sera annulée au bout de seulement quelques épisodes.

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S’il est vrai qu’une partie des spectateurs et spectatrices est capable de passer outre la pauvresse visuelle de certaines séries sans budget, ne comptez pas sur l’écriture et l’interprétation du cast pour sauver l’ensemble. Narrativement parlant, La Brea n’a pas grand-chose à défendre et se contente de reprendre comme un bon soldat des archétypes poussiéreux du petit écran (le flic, le héros, la bimbo, l’antagoniste énigmatique…). Une œuvre chorale a besoin de cohérence et de temps pour développer ses personnages, et vu les défauts déjà flagrants de La Brea, la série n’aura sûrement jamais l’occasion de les construire sur un arc narratif complet.

La recette des Lost-like, vue, revue, ingérée, digérée, recrachée à l’excès, ne prend plus. Dans la même idée, les dialogues sont régulièrement affligeants de stupidité tandis que la mise en scène, cringe au possible avec ses ralentis d’un autre temps et sa caméra sous MDMA incapable de se poser, creuse encore plus profondément la fosse abyssale de nullité de la série. Tout y est formaté, terme qui restera décidément pour toujours le pire ennemi (et malheureusement le plus commun) des productions de networks américains.

La première saison de La Brea est inédite en France pour le moment.