La vidéo de la serveuse russe qui met à terre son agresseur était… une publicité

La vidéo de la serveuse russe qui met à terre son agresseur était… une publicité

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Par Théo Chapuis

Publié le

Une serveuse russe qui démonte un agresseur sexuel à coup de menu ? Une publicité cachée sous couvert de belle histoire vraie. Et ce n’est pas la seule du web, non non non.
Il y a quelques jours, une vidéo présentée comme tournée par une caméra de surveillance dans un café de Russie a fait le tour d’Internet. Près de 8 millions de vues sur le web pour une vidéo de moins d’une minute où une serveuse met KO, d’un coup de menu au visage, un homme un peu trop entreprenant.
Partout, sur le web francophone, anglophone et russe, elle était reprise avec pour accroche “la réaction musclée d’une serveuse face à un client trop entreprenant”. Aujourd’hui, après enquête, les journalistes de France 24 sont en mesure d’annoncer que cette vidéo était bel et bien montée de toutes pièces.

Il a suffi aux journalistes de remonter YouTube pour retrouver une première vidéo publiée avant la plus célèbre qui cumule 8 millions de vues, mise en ligne, elle, le 22 mai. En y regardant de plus près, ils découvrent une mention stipulant que le bar dans lequel elle avait été tournée se situe à Kazan, une ville de l’ouest de la Russie peuplée d’environ 1,2 million d’habitants… et surtout un numéro de téléphone.
De là, il n’y a qu’à décrocher pour connaître le fin mot de l’affaire : au bout du fil, un certain Marcel Akhmetov, responsable de l’agence de communication qui a monté cette farce. À France 24, il admet que cette vidéo a été montée dans le but de faire parler du “Cæsar Café”. Voilà ce qu’il leur a dit :

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Nous savions qu’une bagarre ça intéresserait. On a donc décidé de filmer comme avec une caméra de vidéosurveillance. Tous les personnages sont des acteurs professionnels. Par contre la serveuse l’a vraiment tapé très fort pour que ça soit crédible.
Elle pèse 60 kilos et lui 47, donc l’acteur a un peu souffert : il a eu le vertige pendant une heure et demie après… Une vingtaine d’autres restaurants ont déjà appelé pour embaucher cette serveuse, alors qu’elle est une actrice. Nous allons dévoiler le pot aux roses dans quelques jours.

Marcel Akhmetov a de quoi se réjouir : la vidéo a largement dépassé les frontières de Kazan, de la Russie, et de l’Europe. Mais celui qui piaffe encore plus de plaisir, c’est Oleg Saoushin, patron du Cæsar Café :

Un critique gastronomique très connu à Kazan a dit que ça ne sert à rien de dépenser de l’argent pour faire de la publicité classique ; il faut inventer quelque chose de différent. Ca ne nous a quasiment rien coûté. Et je pense que ça va donner une bonne image du café. Car le message de la vidéo est très positif.

“L’anecdote insolite” qui n’en est pas une

Et c’est bien ça le problème. Sous couvert de “message positif”, certaines agences de pub n’hésitent pas à piéger le spectateur et tirer sans scrupules sur la corde sensible de la caméra cachée, du court métrage viral, de l’histoire vraie, de l’anecdote “insolite”. Nous nous y sommes déjà fait prendre : ainsi le fameux First Kiss, où des “inconnus” s’embrassaient “pour la première fois” et qui était en fait un bon coup de com’ autour d’une marque de vêtements et de la chanteuse Soko.
Certaines agences se sont même spécialisées dans cette pratique discutable, comme les Britanniques de CEN. Le pêcheur sauvé d’un ours par une chanson de Justin Bieber ? C’est eux. Le chaton mort après que sa maîtresse l’a teint en rose ? C’est eux aussi. Il y en a d’autres et tout est faux, cela ainsi que le reste, comme le prouve une enquête de BuzzFeed.
Que faire alors ? Lorsqu’une histoire vous semble étrange, le mieux est encore de se référer aux conseils de l’équipe de Hoaxbuster (que nous interrogions ici), site français qui s’est donné pour mission de démonter les canulars du web :

Il faut [que l’internaute] fasse la même chose que nous, chez Hoaxbuster. On n’est pas des magiciens ! Internet est une richesse fantastique, encore faut-il savoir s’en servir. Dans une info il y a des noms, des endroits, des dates, des établissements mis en cause. L’internaute doit aller voir ces sources, se renseigner. Tu peux aller voir par toi-même très facilement. C’est à la portée de chacun.