Dans son final doudou à souhait, Ted Lasso reste cramponné à ses sentiments

Publié le par Delphine Rivet,

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"So long, farewell, auf Wiedersehen, adieu".

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Dans les annotations que Ted laisse à Trent Crimm sur son livre initialement intitulé The Lasso Way, il écrit “It was never about me”. Car en dépit de son titre, on a effectivement rapidement compris que Ted Lasso n’était pas le sujet principal… de Ted Lasso. C’est une série sur la résilience, l’optimisme envers et contre tout et, principalement, selon nous, sur l’amour fraternel. On a encore beaucoup trop de séries ou de films qui reprennent le trope des “frères d’armes” ou des “bros before hoes” et dans lesquels la masculinité se façonne dans la douleur, la violence ou les blagues potaches en excluant les femmes. Et surtout, bien sûr, des hommes qui s’aiment mais… no homo, hein !

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Believe… en une masculinité douce et positive

Ici, c’est tout le contraire, et la série, créée par quatre bonshommes, Jason Sudeikis, Bill Lawrence, Brendan Hunt et Joe Kelly, a choisi de placer son récit dans un milieu qui n’est pourtant pas propice à se remettre en question. Ted Lasso, c’est la douce utopie d’une masculinité non menaçante qui ne repose pas sur la rivalité ou l’agressivité. La série est devenue un safe space où l’on pouvait croire, le temps d’un épisode, que le milieu du foot n’était pas, comme tant d’autres, gangrené par l’homophobie, le sexisme et les égos monstrueux.

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Pour une série dont 90 % des personnages sont des hommes, la douceur est bien le maître-mot. On s’étreint, on s’écoute, on se réconforte, on se dit qu’on s’aime. Ce n’est pas juste un show feel good, il donne à voir quelque chose de nouveau et redéfinit pas mal de clichés associés aux personnages masculins dans la fiction. Et même féminins d’ailleurs, en faisant des deux seules protagonistes de la série, Keeley (Juno Temple) et Rebecca (Hannah Waddingham), d’indéfectibles alliées l’une pour l’autre et pour le reste des personnages, avec des histoires propres qui n’étaient pas là pour faire avancer les hommes qui les entourent.

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On a beaucoup parlé de cette masculinité bienveillante mise en avant dans Ted Lasso, et à raison : en dehors de Rupert, campé sur sa misogynie et sa masculinité d’un autre temps (il fallait bien un bad guy), tout le monde a évolué vers plus de tendresse et d’empathie. La question de la santé mentale chez les hommes, au cœur de la série, vient aussi rebattre les cartes. Même Roy Kent (Brett Goldstein, qui a aussi écrit plusieurs épisodes de la série), pourtant plus prompt à grogner qu’à parler de ses sentiments, finit par pousser la porte de la psy. C’est d’abord au contact de Keeley qu’il apprend à s’ouvrir puis de Ted, et c’est finalement en devenant l’ami de celui qui était il n’y a pas si longtemps son ennemi, Jamie (Phil Dunster), qu’il tombe les dernières résistances. Petite parenthèse au sujet de Roy : c’est à lui que l’on doit le meilleur running gag de la saison, à savoir le fait de crier “whistle whistle” à chaque entraînement parce qu’il n’a pas de sifflet.

Jamie Tartt (tata tata ta), quant à lui, s’offre un très bel arc de rédemption cette saison. Sous l’impulsion de son mentor ronchon, il va apprendre l’humilité. C’est le personnage qui a eu la plus belle progression : de petit merdeux aux cheveux gras, il est devenu une adorable tête à claques qu’on a envie de serrer fort (mais toujours aux cheveux gras). Meilleur glow up de ces trois saisons, bravo, Jamie Tartt (tata tata ta) !

On a sifflé les arrêts de jeu

Mais Ted Lasso, et surtout Apple TV+ en la renouvelant, a été trop gourmande en produisant une saison 3 qui s’avère, à notre grand désespoir, très en dessous de la qualité à laquelle elle nous avait habitués. Il y a des séries qui brillent si fort, si intensément, qu’elles s’éteignent aussi très vite. Peut-être que celle-ci avait déjà tout donné en deux saisons et n’avait plus grand-chose à offrir, ou tout du moins, plus grand-chose d’intéressant. Résultat, les intrigues s’égarent, zigzaguent, n’avancent pas ou paraissent futiles – la quête amoureuse de Rebecca sous forme de prédiction a vraiment servi de bouche-trou ici, pour se “résoudre” dans un plan de deux secondes à la toute fin du final.

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La trajectoire de Nate (Nick Mohammed), engagée en saison 2, prête aussi à débat. Le gentil assistant un peu pataud, qui filait déjà un mauvais coton, s’est mué en parangon du masculinisme. La série avait d’ailleurs plutôt finement enclenché sa transformation de nice guy éconduit en mascu revanchard. Mais, problème, la série a redoublé d’efforts en saison 3 pour le réhabiliter, et pas de la plus heureuse des façons. Trop attachée à sa philosophie rédemptrice qui voudrait que tout le monde (sauf Rupert) ait le droit à une seconde chance, Ted Lasso a récompensé Nate en le mettant en couple avec celle qu’il harcelait (et qu’il était persuadé de mériter) sans même avoir fait au préalable un travail sur lui-même. La morale n’en sort pas grandie, mais passons.

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D’un épisode à l’autre, l’utilisation de certaines ellipses paraît incompréhensible. Tandis que l’on attendait une confrontation ou au moins une discussion à cœur ouvert entre Ted et Nate, le dernier épisode réintègre celui-ci à l’équipe sans plus d’explication. Il n’a pas appris grand-chose entre-temps, si ce n’est qu’il a fait le choix de quitter Rupert (Anthony Head) parce que celui-ci était vraiment un trop grand salaud.

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Keeley a aussi souffert d’une de ces ellipses puisqu’on commence la saison en apprenant que le couple trop mignon qu’elle formait avec Roy s’est délité pendant qu’on regardait ailleurs. Nous n’aurons pas plus d’explication, si ce n’est l’aveu de l’ancien joueur qu’il a été “un gros con”. Elle n’aura pas davantage de résolution avec Jack, en dehors de quelques échanges de textos. Leur petite aventure ne lui aura donc rien apporté. Ted (Jason Sudeikis), lui, était là sans être là. Notre coach préféré, toujours pétri d’angoisses mais qui a complètement lâché les séances chez la psy, a un peu survolé cette saison. Son départ de Richmond n’est pas une surprise mais l’épilogue logique d’une série qui n’avait plus de jus mais qui mettait malgré tout toujours autant de cœur à l’ouvrage.

Malgré les défauts, nombreux, de cette saison 3, la série a réussi son final. Du moins, c’est écrit comme un final car, on le rappelle, il n’y a toujours pas eu de confirmation que c’était la fin à l’heure où nous écrivons ces lignes. Avec un épisode d’1 heure et 15 minutes, il faut dire qu’il y avait de la place pour les scènes bien cucul comme on les aime et pleines de bons sentiments. Et il a parfaitement exécuté le contrat qu’il passait avec nous, le public : nous faire l’effet d’un gros câlin pas tristoune. Et là, on a pris notre dose pour tenir au moins les trois prochains mois. Car qui remplacera, avec tant de malice et de positivité, cette série doudou ? Ted Lasso est unique, mais on espère qu’elle en inspirera plein d’autres. Parce qu’on a besoin de séries légères (mais pas que), qui motivent, qui apaisent et qui cajolent.

L’intégrale des 3 saisons de Ted Lasso est disponible sur Apple TV+.

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