J’ai passé un mois de septembre végan, voici mon histoire

Publié le par Pharrell Arot,

Le monde de demain sera végétal (avec supplément frites).

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Après les mois sans plastique, sans gluten, sans sucre ni café, sans mettre les pieds au supermarché ou encore sans viande et sans alcool, il était temps de se lancer dans le mois végan. C’est pourtant souvent avec un “je peux tout faire, mais le fromage, c’est chaud, j’aime beaucoup trop le fromage” que j’éludais l’idée en conférence de rédaction.

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Trente jours plus tard, retour sur ce tour de manège avec ses hauts, ses bas, entre découverte d’une nouvelle approche de la cuisine, frustration des lendemains de veille, et, au final, vraiment beaucoup de frites.

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J-10 : définir mon véganisme

Fin août, retour au bureau. Avec la fougue de la rentrée, la décision est prise : le mois de septembre sera une exploration du véganisme. En amont, une vraie question se pose, celle de la définition que je dois en faire pour mieux comprendre où démarre le végétal.

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Il faut, à l’évidence, ne pas consommer de viande, de produits laitiers et d’œufs pendant 30 jours, mais il y a des zones plus “grises”. Quid des “dérivés” ou “byproduct” utilisés dans la production de notre alimentation ?

Après discussion avec quelques connaissances et amis végans, chacun y va de sa définition qui permet de fonctionner au quotidien, avec les diverses motivations qui les ont entraînés vers cette alimentation – et évidemment le style de vie et la consommation qui en découle.

Je décide donc de lancer ce mois en difficulté “medium”. Oui, je vais continuer à boire du vin et à porter des baskets en cuir, en décidant tout de même d’élargir mon “défi” en ne consommant pas de fast fashion et autres produits du genre pendant le mois.

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J-2 : les premières courses

J’habite en province cinq jours par semaine et, durant ce mois, ce facteur jouera énormément : en positif quand il s’agit de cuisiner, en négatif quand il s’agit de se restaurer à l’extérieur.

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Aussi, le fait de réaliser ce défi au mois de septembre me permet d’avoir accès à un large éventail de produits végétaux. Sur les étals, les fruits et légumes d’été sont encore là, et la verdure d’automne arrive doucement.

À 48 heures de me lancer, je commence à planifier les recettes et tutos que je souhaite réaliser dans les jours à venir, à titre personnel et pour Club Sandwich.

Panier de saison au marché. (© Club Sandwich)

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C’est là que les premiers challenges montrent le bout de leur nez. La construction des assiettes véganes, particulièrement dans notre monde occidental, imite souvent celle des assiettes pensées sur un régime omnivore, et si, en amont, l’idée était d’éviter les “faux” – répliques de fromages et viandes en versions végétales –, la réalité du terrain est bien différente.

Que ce soit dans ma préparation documentaire, dont des heures de tutos YouTube végans parfois géniaux, parfois clichés, ou dans la réalité de ma cuisine, je mets de suite le doigt sur comment je vais devoir revoir ma technique innée de cuisinier : réapprendre le feu et réapprendre structurellement les assiettes.

Me voilà donc à faire mes premières courses, entre ultra-local au marché et produits spécialisés en épicerie bio – farine de pois chiches, boissons à base de soja, toutes sortes de noix.

Au supermarché aussi, je comprends vite le peu de propositions véganes friendly. Entre passer mon temps à lire des listes d’ingrédients sans fin et à tourner en rond à la recherche d’alternatives nourrissantes et un brin fun, je comprends qu’il va falloir que je m’organise plus sérieusement et planifier en amont.

J+2 : euphorie du débutant

Mes carnets pleins de recettes, c’est avec passion que le mois débute. Déjà, en cuisine, la découverte d’une nouvelle chimie est passionnante : émulsion au tofu soyeux, sauces à base de noix de cajou… Les assiettes sont belles, et si parfois les jeux de texture sont déroutants, le plaisir de réapprendre à cuisiner avec ces contraintes prend le dessus. Surtout, dans les premiers jours, je n’ai pas à manger dehors, et me retrouve toujours avec du temps pour anticiper mes repas.

J+8 : anticipation et énergie

Après la motivation de la première semaine s’ensuit une sacrée baisse de régime. Si la viande – que je consomme déjà peu – ne me manque absolument pas, les laitages, eux, s’invitent dans mes rêves. Et c’est surtout les jours au bureau, ou ceux où je manque de temps, qui tournent à la routine répétitive.

Je consomme beaucoup de bases de blé, je commence à ne plus pouvoir encadrer le soja, et j’ai surtout une baisse d’énergie. Au restaurant, à Paris, les chefs que je croise me proposent tous des solutions, mais je tourne vite en rond.

Pâtes véganes façon “cacio e pepe”. (© Club Sandwich)

La baisse d’énergie s’explique pour plusieurs raisons et n’est pas forcément liée à mon alimentation. Si on peut tous connaître une baisse de forme au début de l’automne, j’identifie quelques facteurs liés au challenge. D’abord, sur les calories absorbées, parfois trop faibles quand je mange à l’extérieur, me contentant d’une assiette de légumes ou d’un fruit en guise de snack à 16 heures.

Bien sûr, il existe plein de snacks végans, mais au quotidien, dès que j’ai péché sur l’organisation des repas de ma journée, j’ai grandement galéré, par manque de temps et d’options. Difficile un mercredi après-midi entre deux tournages de faire le tour de la ville pour aller faire le plein de gâteaux végans.

Les fameux steaks Beyond Meat disponibles chez Aujourd’hui demain. (© Club Sandwich)

Rapidement, j’ai réagi en préparant mieux mes journées, autant au niveau resto que des snacks à glisser dans mon sac, pour ne pas me retrouver une fois de plus avec ma triste pomme.

J’ai aussi fait le plein un jour de présence à la capitale dans des épiceries spécialisées, comme chez les géniaux Aujourd’hui demain, premiers à vendre les steaks Beyond Meat aux particuliers en France. Bonbons, alternatives végétales à la viande, snacks, et même des produits d’entretien du quotidien, ils ont sauvé cette baisse de motivation au tiers de mon challenge.

J+14 : dîner de gala et lendemain de fête

Les jours passent, je prends mon rythme de croisière. En anticipant mieux mes courses, mes repas et mes sorties, la deuxième semaine se passe sans heurts majeurs. Mais venu le week-end, où je suis convié à Deauville pour le Festival du cinéma américain, les galères reprennent. Loin de chez moi, le week-end, difficile de trouver des options véganes.

Au dîner de gala de clôture du festival, on me prépare très gentiment des assiettes de crudités et de légumes, mais l’obligation de répéter une dizaine de fois aux serveurs que je ne prends pas les autres assiettes me met dans l’embarras. Je finis par manger peu, et le sentiment de frustration est présent, mélange d’incompréhension du monde extérieur et de l’évidence que dans ces cadres, il est difficile d’imposer un régime différent sans passer pour le casse-pieds de service.

La très jolie salade de crudités improvisée avec gentillesse par le chef du dîner de clôture du festival de Deauville. (© Club Sandwich)

Qui dit dîner de gala dit un peu trop de champagne, et avec le peu de calories consommées, le réveil de ce dimanche matin, même face à la grande plage de Deauville, est un brin difficile.

Et loin d’une grande ville, le concept de junk food végane pour éponger mon mal de crâne est une chimère. C’est donc une assiette de frites agrémentée d’une grande eau pétillante qui accompagnera ce long dimanche de ramasse.

J+20 : QLF (que les frites)

Les frites, justement, les revoilà bien souvent au coin de la table, en fin de soirée, à l’apéro avec les potes, pour grignoter quelque chose quand eux commandent planches de fromages et assiettes de charcuterie.

Et c’est là l’une des deux facettes du véganisme “urbain” que je n’avais pas anticipées. Car si le véganisme est bénéfique pour le bien-être animal et le sort de la planète en général, il n’est pas forcément, et je parle seulement de mon expérience, plus “healthy”.

Que ce soit cette consommation de frites ou la surconsommation de produits préparés, certes issus du végétal mais ultra-transformés, des nouveaux rayons végans des supermarchés, j’ai plus acheté de produits “tout prêts” qu’un mois traditionnel, obligé par l’impossibilité de tout cuisiner en termes d’emploi du temps et d’offre disponible.

Burger végétal (© Club Sandwich)

J’ai pourtant la chance, de par mon métier et mon rythme de vie, de pouvoir cuisiner la plupart de mes repas. Mais même avec de la volonté, j’ai eu recours à cette junk food, ayant à chaque fois l’impression de me faire avoir par rapport à ma capacité à manger équilibré.

C’est d’ailleurs, quand on m’a demandé au cours du mois mon ressenti, la première chose qui revient sur le tapis : le véganisme, ce n’est pas manger des graines, c’est parfois, par volonté de mieux faire pour le collectif, faire un peu moins bien pour soi.

J+30 : et demain ?

Ce bien pour soi, je ne peux malheureusement pas m’en passer, et même si l’évidence est de se tourner vers le végétal pour pouvoir vivre ensemble vers demain sur notre planète, je ne suis pas prêt à perdre la gourmandise, le feu et l’essence de l’expression de ma personnalité dans ma cuisine.

J’ai appris en un mois à cuisiner différemment, et je vais continuer cet enseignement, laissant la part belle au végétal dans mon alimentation. Mais impossible pour moi de rester végan, étant incapable de transformer mon alimentation en outil politique, certes totalement positif, mais inadapté à mes choix de vie personnels.

Je n’ai pas eu de problème à dépenser plus dans mon alimentation pour essayer de suivre cet idéal – sur le mois, environ 20 % plus de dépenses alimentaires –, mais je préfère revenir à un équilibre dans lequel je me retrouve plus. Je mange local, je mange des produits issus d’une agriculture réfléchie, mais j’ai besoin des produits issus de l’animal, que ce soit les œufs ou les laitages, et parfois, la viande.

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