Peut-on (et doit-on) faire l’amour dans l’espace ?

Peut-on (et doit-on) faire l’amour dans l’espace ?

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Par Pierre Bazin

Publié le

Dans l’espace, tout le monde peut vous entendre hurler (jouir).

Tandis que des civils s’envolent désormais vers les étoiles, le caractère autrefois inaccessible de l’espace pour le commun des mortels apparaît de plus en plus lointain. Le vide spatial fait rêver – du côté des milliardaires, on l’a bien compris. Que ce soit SpaceX de Elon Musk (Tesla), Blue Origin de Jeff Bezos (Amazon), ou encore Virgin Galactic de Richard Brandson, le tourisme spatial coule d’ores et déjà ses fondations. Les projets envisagés, aux coûts exorbitants, sont extravagants – allant de l’hôtel en orbite aux premières vacances sur Mars.

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Ainsi, en 2040, les études affirment que plus d’un millier de touristes et travailleurs non-astronautes devraient parcourir l’espace. Outre les problèmes de coûts et d’inégalités sociales (ne comptez pas trop vous envoyer dans les étoiles si vous n’êtes pas au moins millionnaire), naissent évidemment de nouvelles problématiques logistiques.

Alimentation, hygiène, santé physique et morale… Toutes ces questions ont déjà été bien quadrillées par les équipes des différentes agences spatiales (Nasa, ESA, Roscosmos, etc.). Pourtant, un dernier sujet d’importance reste encore complètement tabou : la sexualité, ou santé sexuelle, comme l’appelle l’OMS.

Une étude vient ainsi de paraître pour enfin déblayer ce sujet houleux. Commandée par la marque We Vibe et intitulée Sex Tech in Space ? The relevance of sexual wellness and intimate products for space agencies and the public, l’étude entend faire un point sur ce sujet qui nourrit autant de fantasmes que de non-dits, et sûrement répondre à la question que tout le monde se pose : peut-on avoir des relations sexuelles dans l’espace ? Et si oui, comment ?

La “no sex-policy” des agences spatiales

Le sujet de la sexualité dans l’espace se heurte à autant de barrières techniques et physiques qu’au puritanisme de Houston. En ce qui concerne la Nasa, l’étude dénonce un réel tabou au sein de la plus grande agence spatiale au monde. La question de la sexualité a toujours été bottée en touche, ignorée, reportée. Pour la Nasa, il n’y a jamais eu de relations sexuelles dans l’ISS, à l’exception d’expériences de reproduction pratiquées sur des hamsters à des fins de recherche.

En 1992, le public commence à fantasmer, tandis que l’on apprend que les astronautes Jan Davis et Mark Lee se sont marié·e·s en secret neuf mois avant de partir tous deux à bord de la navette Endeavor. Depuis, la Nasa n’a laissé aucun couple partir ensemble en mission, même si officiellement, aucun acte sexuel n’aurait été effectué en orbite.

Côté plaisir intime, à savoir la masturbation, la Nasa reste sourde à toute sollicitation à ce sujet. Seuls quelques indices nous sont parvenus par des canaux alternatifs. En 2011, sur Reddit, l’astronaute Ronald J. Garan Jr. avait répondu aux questions des internautes après un séjour de six mois dans l’ISS. Parmi les interrogations curieuses, le sujet des “moments pour soi” a évidemment été abordé.

© Reddit

Ron Garan semble ainsi confirmer, par ce sous-entendu, qu’il était possible de se masturber à certains moments “calmes”. Mais du côté de la Nasa, c’est toujours le silence radio. En 2015, alors que l’OMS venait de consacrer à nouveau la santé sexuelle comme un droit humain fondamental, le professeur Paul Root Wolpe, bioéthicien à la Nasa, avait répondu à Vice quant à l’épineuse question de la sexualité chez les astronautes :

“Je ne sais pas si la Nasa a une politique officielle sur le sujet, mais il faudra bien un jour qu’elle en définisse une, et qu’elle dise quelque chose sur ce type de relations. Dès lors qu’une mission dure un certain temps, il devient compliqué de priver les gens de cette part d’humanité. Mais je ne sais pas si le moment est venu.”

Alors que, désormais, l’espace ne semble plus réservé aux astronautes professionnels et que l’on parle d’un hôtel en orbite dès 2027, il devient encore plus vital de répondre à ces problématiques de santé.

Au-delà du fantasme des étoiles, des réalités bien terre à terre

L’étude s’intéresse aux nombreuses missions en Antarctique ou encore dans les sous-marins. Elle montre que l’isolement, les conditions extrêmes ou la vie en commun dans de petits espaces clos n’a jamais empêché la moindre forme de désir ou plaisir sexuel. Dans les différentes bases scientifiques de l’Antarctique, on a dénombré sept grossesses en 15 ans, et ce malgré les -50 °C alentours. On sait également que, dans les sous-marins, des cabines “d’intimité” spécifiques sont mises à disposition de l’équipage pour ce genre de besoin.

Mais il est vrai qu’être dans un vaisseau direction Mars, ou dans l’ISS, c’est assez différent. L’espace soumet votre corps à des conditions bien différentes de celles la Terre. L’absence de pesanteur crée énormément de dérèglements chez l’être humain : atrophie musculaire, densité osseuse différente, altération des fluides ou encore changements cardiaques.

Alors, peut-on s’envoyer en l’air au-delà de la stratosphère ? Pas vraiment, si on en croit le peu d’observations faites. Outre tous les changements physiques qu’un séjour prolongé dans l’espace provoque, l’absence de pesanteur est surtout préjudiciable au ressenti des frictions – et donc du plaisir sexuel. Sans parler du fait que n’importe quel fluide flotte en apesanteur, on vous laisse imaginer la suite…

Enfin, il faut aussi considérer que, dans l’ISS, tout s’entend. En l’absence d’air (et donc de son) à l’extérieur de la station, tous les petits sons internes, des cliquetis de machines aux bruits de respiration de l’équipage, peuvent être perçus. Se pose alors la question de l’intimité et des bruits produits par l’activité sexuelle.

Ébranler les habitudes de la Nasa

L’idée est de rendre la masturbation plus simple pour les astronautes. C’est en effet la solution la plus simple pour répondre à ce besoin naturel. Il faut rappeler que l’étude a été commandée par une marque de sex-toys high-tech, et qu’il y a évidemment un intérêt mercantile à proposer une certaine gamme de produits.

Pour autant, les apports de la “sex tech” aux environnements spatiaux ne sont pas à négliger. De la VR aux jouets connectés (avec la Terre), en passant par des systèmes complets qui seraient capables de récupérer tous les fluides, les points techniques à aborder et à perfectionner sont nombreux. L’une des caractéristiques les plus importantes pour un bon “sex-toy spatial” est sa capacité à fonctionner en silence, la discrétion et l’intimité étant extrêmement précieuses à bord de l’ISS.

Enfin, comme pour tout dans le vide spatial, il faudra que les utilisateur·rice·s se plient à une certaine discipline. La même rigueur qui est demandée aux astronautes lorsqu’ils doivent accomplir quelque chose d’aussi simple que se rendre aux toilettes – il ne faut pas uriner et déféquer en même temps, par exemple.

Le silence de la Nasa est aujourd’hui très critiqué. On sait que l’abstinence n’est pas tellement recommandée, sachant que la santé sexuelle a des aspects très positifs, que ce soit pour un touriste ou un astronaute. Il faudra que les agences spatiales comme les entreprises privées se penchent sérieusement sur la question, pour ainsi trouver dans l’espace de nouveaux horizons au safe space.

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