L’éditeur de Warhammer en a marre que les fachos s’approprient leur imaginaire

L’éditeur de Warhammer en a marre que les fachos s’approprient leur imaginaire

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Par Pierre Bazin

Publié le

Games Workshop a décidé de prendre les devants pour faire de Warhammer un hobby pour tous et toutes.

Alors que les Donjons & Dragons avaient déjà bien envahi les chambres des adolescents, les années 1980 ont vu naître un autre phénomène : les Warhammer. Hobby d’adolescence ou passion de toute une vie, ces petites figurines à peindre, collectionner et jouer ont conquis toute une génération, au point d’avoir été ensuite adaptés en ouvrages littéraires, jeux vidéo et jeux de rôle, générant au passage tout un univers (un lore) associé.

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La version la plus célèbre aujourd’hui est probablement Warhammer 40 000 (“40k”) qui a donné naissance à un univers de science-fiction dystopique extrêmement riche. Dans Warhammer 40K, l’heroic-fantasy médiévale que l’on connaît si bien, comme dans le Seigneur des Anneaux ou D&D, fusionne ainsi avec des technologies futuristes et voyage à travers des myriades de galaxies.

Les orques deviennent des Orks armés de mechas brutaux, les elfes des Eldars, sorte de ninjas psychiques, et puis il y a les humains, ou plutôt l’Imperium de l’Humanité.

L’esthétique de l’Imperium est probablement la première image qui vous vient en tête lorsque vous pensez à Warhammer 40K et on le doit notamment à leurs combattants fanatiquement dévoués : les Space Marines.

Ces supersoldats équipés de grosses armures et armés jusqu’aux dents traquent la moindre incroyance envers l’Empereur sacré. La moindre différence est automatiquement vue comme une menace pour l’humanité et mérite donc une “purification” — prodiguée par des épées-tronçonneuses et autres joyeusetés.

Derrière la violence de ces sombres Templiers du futur, on retrouve bien sûr une imagerie religieuse, une discipline de fer et une mise en avant de la force brute avant tout. Un futur sombre, dystopique, peu attrayant… sauf pour certains, apparemment.

Quand la “alt-right” s’en mêle

En 2016, Donald Trump se lance dans les élections présidentielles des États-Unis. Une frange de ses partisans les plus dévoués envahit alors Internet avec des mèmes pour soutenir le candidat. Appelés Outre-Atlantique “alt-right” (pour “droite alternative”), ils correspondent à un agglomérat de divers groupes d’extrême droite sur le spectre politique français.

Parmi les mèmes pro-Trump, on retrouve beaucoup de détournements de l’imagerie Warhammer 40K. Trump est notamment décrit comme le nouvel “Empereur Dieu de l’humanité”, prêt à purifier la Terre des “maux” qui la rongent.

Matthew Heimbach, suprémaciste blanc et fondateur du Traditionalist Worker Party, est même allé plus loin en attribuant une partie de ses inspirations politiques à la vision d’éternel conflit de l’Imperium décrite dans l’univers de Warhammer 40K.

Pendant un certain temps, la propagande facisco-warhammerienne reste néanmoins cantonnée au Web. En 2021, une polémique surgit lorsque le plus gros tournoi de Warhammer en Espagne autorise un participant portant des symboles nazis et un pseudo faisant référence à Hitler.

Games Workshop contre-attaque

Longtemps resté silencieux sur les réseaux, l’éditeur de Warhammer Games Workshop a accompagné sa nouvelle présence sur Internet par des annonces. En 2020, il poste une annonce expliquant que “Warhammer est pour tout le monde”.

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En 2021, après la polémique espagnole, l’éditeur hausse le ton et publie une charte très claire : “l’Imperium est dirigé par la haine, Warhammer ne l’est pas.”

Le discours en substance est clair : il n’existe pas de vrais gentils dans l’univers de Warhammer 40K. Les descriptions dystopiques qui en sont faites sont “satiriques”, exagérées et justement présentes pour que personne n’aspire à un militarisme exacerbé et au totalitarisme dépeints.

“L’Imperium de l’humanité est un récit édifiant de ce qui pourrait arriver si le pire de la soif de pouvoir et de la xénophobie extrême s’installaient”

La position de l’éditeur semble presque répondre à des traumas comme le tristement célèbre mème “Pepe the Frog” dont l’utilisation avait été complètement kidnappée par l’extrême droite, au grand désarroi de l’auteur originel.

Vers une plus grande diversité de représentation

Games Workshop ne veut pas agir que par ses mots. Comme l’explique le game designer Ian Williams à nos confrères de Polygon, l’éditeur avait commencé par décrire ses Space Marines comme des chevaliers futuristes, fervents défenseurs de la “lumière” de l’Imperium.

Ce n’est qu’après plusieurs rééditions, qu’une iconographie plus moderne, mais également plus militariste et moderne, apparaîtra — plus proche du SWAT que du Templier.

Aujourd’hui, l’éditeur souhaite proposer une plus grande variété de représentations, que ce soit par leur genre ou leur couleur de peau, notamment lorsque cela concerne des “humains”, aussi monstrueux puissent-ils être.

Mais les changements passeront aussi dans de nouveaux ajouts à l’univers étendu et à toute sa mythologie. L’idée la plus importante est d’ajouter de nouvelles factions humaines afin que l’Imperium, un régime tyrannique et génocidaire, ne soit pas vu comme la seule “solution” pour que l’humanité survive.