Alors que l’équipe de France va faire son entrée dans l’Euro ce dimanche, face à l’Italie, la sélectionneuse Corinne Diacre pourra s’appuyer sur Kenza Dali. Après des saisons galères suite à une grave blessure au genou, la milieu tricolore a encore du football sous son pied droit et compte bien faire plus que dépanner pour apporter un premier titre aux Bleues.
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Avant le début de la compétition, on a pris le temps de discuter avec celle qui évolue désormais en Angleterre, là où se déroule l’Euro. De ses débuts, à l’âge de 5 ans, à sa vie de rêve outre-Manche, dans le pays du football, entretien avec une vraie passionnée de ballon rond.
Konbini Sports | Parle-nous de ton parcours.
Kenza Dali | J’ai commencé à l’âge de cinq ans et demi dans la banlieue lyonnaise. Puis, à six ans, j’ai joué avec les garçons dans le club de ma ville. J’ai dû le quitter à 14 ans à cause d’une règle sur la mixité. Par la suite, j’ai intégré l’OL en sport-étude. À 16 ans, j’ai signé pro. Je suis ensuite allée au PSG, et j’ai fait d’autres clubs avant d’arriver en Angleterre il y a trois ans, deux saisons à West Ham et maintenant à Everton.
C’est plus facile de devenir une joueuse professionnelle quand on vient de Lyon et sa région ?
Ce n’est pas plus facile, mais j’ai eu la chance d’avoir un président, Jean-Michel Aulas, qui a investi très tôt dans le football féminin. C’est un visionnaire. Lyon était vraiment en avance par rapport aux autres clubs. Son sport-étude est l’un des meilleurs. Effectivement, j’ai eu la chance de grandir dans la région où tout se passait. Mais j’ai quand même dû faire face à la concurrence et faire mon trou. Mais on peut dire que je suis chanceuse d’être Lyonnaise [rires].
Quand tu commences le foot, tu te fixes des objectifs ?
Ma carrière est une succession d’opportunités. À la base, j’avais misé sur l’école. Depuis que j’ai intégré le sport-étude, je joue par plaisir. Le jour où je n’en prends plus, j’arrête. Mais, moi, je voulais vraiment rester avec les garçons. J’étais dans mon confort avec les gens de mon quartier. Lyon me suivait depuis des années et voulait que j’intègre la section féminine. Mais je ne voulais pas, je ne voyais pas ça comme un métier.
“Je me suis toujours dit que le jour où j’arrêterai, ce serait ma décision, pas celle d’un docteur.”
Quand j’ai intégré l’OL, tout est allé très vite pour moi. J’ai signé assez tôt professionnellement et j’allais toujours à l’école. Même lors de ma première année au PSG, je voulais avoir cette sécurité et avoir un plan B, car je pensais qu’une carrière chez les filles ne durerait pas. Après, tout s’est enchaîné. Mais jamais je ne me suis dit : “Je veux être footballeuse pro.”
Tu as connu des graves blessures dans ta carrière, qui t’ont tenue éloignée des terrains pendant une longue période. Comment as-tu trouvé les ressources pour revenir au plus haut niveau ?
Ma blessure au genou m’a fait énormément de mal. J’avais l’impression qu’on m’avait enlevé une partie de moi-même. Ce n’est pas le genre de blessure qui fait mal uniquement quand tu joues au foot, la douleur est tout le temps présente. Je ne pouvais même plus conduire. J’ai vu plein de spécialistes, ils n’y croyaient plus.
Psychologiquement, j’avais trop mal. Ce qui m’a porté, c’est la passion. Je me disais que j’allais rejouer. C’était mon échappatoire. Le football, c’est toute ma vie. Si je ne l’aimais pas, j’aurais lâché l’affaire et fait autre chose. Je me suis toujours dit que le jour où j’arrêterai, ce serait ma décision, pas celle d’un docteur.
Tu es de retour à en équipe de France pour disputer l’Euro en Angleterre, soit quasiment à domicile pour toi. Comment vois-tu la compétition et ton rôle dans l’équipe ?
L’Angleterre, c’est le pays du football. Quand je suis passée pro, j’ai toujours dit que je voulais le découvrir. Aujourd’hui, c’est ma deuxième maison. Les Anglais sont comme des membres de ma famille. Je trouve ça magique de disputer une compétition dans le pays où je vis, le pays du football. Ça va être un truc de fou. J’ai vraiment hâte d’y être.
J’espère qu’on y fera quelque chose de beau, car on a le groupe pour. Après, l’Euro reste une compétition difficile, plus que la Coupe du monde, je trouve. Ce sont des football qui se ressemblent, ça se joue sur des détails. On y va avec beaucoup d’ambition et d’humilité, parce qu’on n’a toujours rien gagné avec l’équipe de France.
Mon rôle dans l’équipe ? Je prends celui qu’on me donne. Faire partie des 23 était une première étape. J’ai eu des discussions avec la sélectionneuse, elle compte sur moi. Dans une compétition internationale, les objectifs sont collectifs, pas individuels. Un Euro ne se gagne pas à 11. C’est le groupe qui va chercher le titre.
“Liverpool, c’est la vraie Angleterre, le prototype de la ville de football”
Qu’en est-il du statut de l’équipe de France ? Vous êtes favorites ou outsiders ?
Dans les interviews que j’ai pu faire et même en parlant avec d’autres joueuses, ils sont beaucoup à voir la France favorite. Et je comprends pourquoi. La sélection est composée de joueuses qui dominent l’Europe avec l’OL, qui a gagné sa 8e Ligue des champions. Comme c’est un football qui domine l’Europe, les gens de l’extérieur nous voient favorites.
J’ai participé à des Coupes du monde et aux JO et je ne vois pas ce qu’il nous a manqué pour aller au bout. Le résultat est là : on n’y arrive pas et on ne passe pas les quarts de finale. On en est conscientes et on a travaillé dessus. J’espère que cette année sera la bonne.
Parle-nous de ta vie en Angleterre, “le pays du football” comme tu le dis.
J’étais chanceuse de signer d’abord dans un club londonien. Pour quelqu’un comme moi, qui aime la mode et la vie dans une grande métropole, Londres est une ville de fou. Il y a toujours quelque chose à faire. La météo n’est pas si différente de celle à Paris, contrairement à ce qu’on croit. L’Angleterre, c’est aussi des supporters magiques. Quand tu discutes avec eux, le foot, c’est toute leur vie, ils sont loyaux. Ils organisent leurs week-ends en fonction du match de leur équipe. Ce sont des passionnés, j’aime trop.
Cette année, je suis à Liverpool et je joue pour Everton. N’importe quel jour de la semaine, tu sais que tu vas croiser des personnes en maillot. Il y a des pubs uniquement pour les matches. Ce sont les clubs qui font la ville. Pour quelqu’un comme moi, qui vit football, c’est génial. J’habite à cinq minutes à pied d’Anfield. Dès que je peux, j’essaie d’y aller ou à Goodison Park.
Après, la météo est très compliquée. Liverpool, c’est la caricature de ce qu’on pense en France des Anglais. C’est la vraie Angleterre. Le prototype de la ville de football, c’est Liverpool.