Deux belles réussites pour le rap, qui prouvent que qualité et succès commercial peuvent s’accorder.
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L’année 2018 a été super faste pour le monde du rap – et elle n’est pas encore finie. Que ce soit en France ou de l’autre côté de l’Atlantique, la densité de sorties hip-hop n’a jamais été aussi importante.
Une nouvelle génération ultracréative et décomplexée est en train d’émanciper le rap de ses codes historiques, qui font le charme mais fixent également les limites d’un genre qui finalement ne s’est jamais aussi bien porté. Si on ne fera jamais taire les réactionnaires – “c’était mieux avant” –, force est de constater que le rap a entamé une progression constante depuis quelques années.
En France, on peut considérer que cette évolution s’est catalysée sur ces dernières années. En atteste la réussite du jeune Vald, qui a été certifié double disque de platine pour son album Xeu, paru le 2 février dernier, et qui a donc été vendu à hauteur de 200 000 exemplaires. Le rappeur du 93, qu’on a pu entendre cette année sur 93 Empire et sur son projet NQNT33 paru en septembre dernier, incarne parfaitement cette nouvelle génération libérée des dogmes.
En à peine quatre ans, depuis son premier EP NQNT (pour “ni queue ni tête”), l’un des personnages les plus importants du rap céfran a atteint les sommets, grâce à une originalité et à une extravagance qu’il a su polir et cultiver au fil de ses projets. Plutôt que de se reposer sur ses acquis, le rappeur d’Aulnay-sous-Bois a progressé à chacune de ses sorties, et a confirmé qu’il était l’un des talents les plus bruts du rap français.
L’audace de Vald récompensée
Par exemple, après le très cool mais assez irrégulier (et un peu bordélique, il faut bien l’avouer) Agartha sorti en 2017, Vald n’a pas tergiversé pendant deux ans. Il est immédiatement retourné au charbon, fort des leçons tirées de son précédent projet. Il a ainsi attaqué l’année 2018 avec Xeu, une sorte de dérapage musical plus contrôlé que jamais, bien plus mûri que le précédent album – avec Seezy à la prod’.
Si l’on savait déjà que le garçon avait un talent pour signer des singles (“Selfie” sur NQNT 2, “Megadose” et “Vitrine” sur Agartha) qui deviennent presque immédiatement des hymnes auprès des jeunes, Vald se devait de gagner en constance et de signer un album “plein” pour renforcer sa crédibilité. Tout en conservant son univers si singulier et son style inimitable, il a franchi ce cap avec Xeu.
Ce projet phare de l’année 2018 du rap français vient d’être certifié double disque de platine. Une récompense méritée, qui vient couronner l’audace de l’artiste – il a quand même fait une cover toute blanche pour Xeu. Fort de son nouveau statut, il peut désormais mettre en lumière d’autres rappeurs (Suikon Blaze AD, Sirius) et est invité pour des collaborations de renom (Gringe et Rim’K très récemment).
Au-delà de ça, un bon rappeur et un bon album montrent que le rap français, dans toutes ses lettres de noblesse, peut briller en alliant qualité et succès commercial. Ce qui est, par ailleurs, le cas de Lil Wayne. Si Vald a confirmé et un peu plus imposé son statut de leader de la scène française, Weezy est quant à lui revenu d’entre les morts pour signer un retour réussi sur tous les plans.
Le retour au sommet de Lil Wayne
En France comme aux États-Unis, outre cette nouvelle génération innovante qui repousse les limites du hip-hop, on assiste à un retour massif des légendes, visiblement inspirées par les portes ouvertes par leurs cadets. C’est le cas de l’un des poids lourds d’outre-Atlantique, Lil Wayne. Car s’il s’agit d’un couronnement pour le rappeur du 93, Lil Wayne a lui signé un come-back fracassant.
Superstar de la fin des années 2000, Weezy avait complètement disparu des radars depuis plus de cinq ans, embourbé dans des affaires judiciaires et un conflit ouvert sans fin avec le peu fréquentable Birdman. Tel un phoenix, le rappeur de la Nouvelle Orléans a su renaître de ses cendres, puisque Tha Carter V a également été certifié disque de platine avec 1 million d’exemplaires écoulés.
Un projet fleuve qui n’est pas écœurant (contrairement au Scorpion de Drake ou au Culture II des Migos). Si un disque de plus de 1 h 20 (et de 23 titres en l’occurrence) a de quoi rebuter, cela faisait tellement longtemps que l’on n’avait plus entendu Lil Wayne que l’on ne va pas bouder notre plaisir. Si l’écoute globale est fluide et d’excellente facture, Dwayne Michael Carter Jr. a gardé son sens du tube – les titres diablement efficaces “Uproar”, “Mona Lisa” et “Don’t Cry” sont là pour le prouver.
Une formule gagnante qui a permis au rappeur d’atteindre immédiatement la tête de plusieurs classements du Billboard et de faire tomber plusieurs records. Un retour en force parfaitement orchestré que le père spirituel des mumble rappeurs, auteur de classiques fondateurs pour le hip-hop actuel – notamment Tha Carter III –, a mûrement préparé pour revenir au premier plan.
Avec un casting aussi prestigieux qu’intelligent (Kendrick Lamar, XXXTentacion, Swizz Beats, Travis Scott, Nicki Minaj ou encore Snoop Dogg), Lil Wayne a su créer l’événement en annonçant son album seulement quelques jours avant sa sortie.
En tout point, Tha Carter V a été le disque parfait pour revenir sur le devant de la scène. Car si certains rappeurs ont été largués par les évolutions du game, le rappeur de 36 ans s’est totalement adapté tout en ne se trahissant pas, et ce disque de platine vient récompenser la ténacité et le talent d’un artiste qui s’est renouvelé tout en se préservant à merveille.
Lil Wayne, Vald et leurs récompenses qui viennent de tomber sont amplement méritées. Deux disques de platine, un cap symbolique qui sacre deux des albums rap les plus réussis de cette année. Preuve s’il en fallait que, d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre, le rap de qualité, fidèle à lui-même, n’est pas uniquement réservé aux puristes et peut continuer de faire vendre en 2018.