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Comment Spike Lee a séduit la Croisette avec “Nola Darling”

Comment Spike Lee a séduit la Croisette avec “Nola Darling”

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Par Fanny Hubert

Publié le

Tout au long du festival de Cannes, Konbini vous propose de revenir sur des films incontournables révélés par la Quinzaine des réalisateurs. Aujourd’hui, on vous parle de Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, long métrage de Spike Lee qui a remporté le Prix de la Jeunesse en 1986.
Quand il débarque sur la Croisette en 1986, Spike Lee (de son vrai nom Shelton Jackson Lee) est encore un jeune inconnu de 29 ans. Né à Atlanta, il a grandi à Brooklyn et a effectué ses études au Morehouse College, prestigieuse université qui a notamment accueilli Martin Luther King. Puis, c’est à la Tish School of Arts de Manhattan qu’il réalise son premier long métrage, Joe’s Bed-Stuy Barbershop: We Cut Heads. Pour l’anecdote, Ang Lee, futur réalisateur du Secret de Brokeback Mountain, était son assistant réalisateur.
Mais en 1986, à Cannes, ce n’est pas ce film que Spike Lee vient présenter, mais la comédie Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (alias She’s gotta have it en VO). L’histoire est celle de Nola (Tracy Camilla Johns), jeune femme accro au sexe qui partage sa vie entre ses trois amants, Mars (Spike Lee), Jamie (Tommy Redmond Hicks) et Greer (John Canada Terrell). L’une de ses voisines lesbiennes essaye elle aussi tant bien que mal de la séduire. Mais cette situation n’est pas faite pour durer… Le pitch est donc plutôt simple mais efficace puisqu’il permet au jeune réalisateur de repartir de Cannes avec un Prix de la Jeunesse en poche et de voir sa carrière prendre son envol.

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Des thèmes novateurs

Si le film a connu un tel succès, c’est grâce aux thèmes qu’il aborde et qui sont novateurs pour l’époque. La suite de la critique du New York Times parle d’un film “avant-gardiste pour les réalisateurs afro-américains et un changement bienvenu dans la représentation des Noirs dans le cinéma américain puisqu’il ne dépeint pas des hommes et des femmes de couleur comme des proxénètes ou des prostituées mais comme des personnages urbains intelligents et bien placés sur l’échelle sociale”.
Car oui, Spike Lee brosse des portraits intelligents des personnages qu’il met en scène et s’empare de thèmes que l’on retrouvera dans ses autres films comme Do The Right Thing (présenté à Cannes en 1989 mais qui repartira bredouille) ou Malcolm X. Ce qui frappe surtout dans Nola Darling, c’est la façon dont Spike Lee fait de son héroïne une femme forte, émancipée et qui ne s’excuse pas d’avoir une vie sexuelle bien remplie. Son corps lui appartient et c’est elle qui décide de ce qu’elle veut en faire, comme elle le fait remarquer dans une de ses dernières répliques :

À qui allait appartenir mon corps, mon esprit ? À eux ou à moi ? Je ne suis pas la femme d’un seul homme.

Des regrets et une série

Dans la suite de sa carrière, Spike Lee a montré qu’il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait notamment sur les armes ou la discrimination, et n’a pas hésité à s’en prendre à certains de ses collègues comme Clint Eastwood ou Quentin Tarantino. Mais Spike Lee peut aussi avouer avoir des regrets et ceux-ci concernent d’ailleurs Nola Darling. 
En effet [attention, spoilers], une scène du film montre Nola se faire agresser sexuellement par Jamie. Dans une interview accordée au site Deadline, le réalisateur américain a assuré regretter cette scène de viol :

J’étais juste totalement stupide. J’étais immature. J’ai fait passer le viol comme quelque chose de léger et si je pouvais, ce serait la seule chose que je changerais. J’étais immature et je ne supporte pas de ne pas avoir vu le viol comme l’acte horrible qu’il est.

Il a par ailleurs promis qu’il n’y aurait pas de scène de ce genre dans la série à venir. Car oui, Nola Darling va être adapté en série télé pour la chaîne Showtime. Le réalisateur sera de retour derrière la caméra et signera le script. On ne sait pas encore si les acteurs reprendront leur rôle mais on est impatient de voir le résultat.