Le réalisateur de Sale temps à l’hôtel El Royale a signé un paquet de pépites, et vous ne le savez probablement pas.
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(© Lionsgate)
La reconnaissance envers les scénaristes n’est pas encore assez forte dans le monde du septième art. Sauf exception notoire, il faut généralement attendre qu’un de ces derniers saute le pas de la réalisation pour que son nom commence à faire parler.
C’est le cas de Drew Goddard, qui signe aujourd’hui son deuxième long-métrage, Sale temps à l’hôtel El Royale. Une géniale aventure thrillesque façon Cluedo avec un casting 7 étoiles, un scénario fichtrement bien foutu, de superbes dialogues et plus encore.
Sauf qu’avant d’être derrière la caméra, l’Américain a œuvré en tant que scénariste sur un paquet d’œuvres que vous adorez déjà probablement. Ce qui explique la qualité de son dernier film, peut-être. Quoi qu’il en soit, le cinéaste mérite qu’on se penche un peu sur sa très belle carrière qui n’en est pas à ses débuts.
Du petit…
Comme beaucoup, Drew Goddard a fait ses armes à la télévision. Mais contrairement à la plupart des cinéastes, tels que Fincher ou Gondry, l’Américain n’a pas démarré dans les clips ou la publicité, mais directement dans le monde des séries.
À peine diplômé, au début des années 2000, le jeune Goddard envoie un script aux têtes pensantes derrière la série Six Feet Under. Comme ça. Si le scénario n’est pas gardé, il tombe un peu par hasard dans les mains d’une certaine Marti Noxon. Cette dernière se trouve être depuis peu coproductrice d’une des meilleures séries de l’époque, Buffy.
Goddard est ainsi recruté par Joss Whedon pour prêter main forte à l’équipe de scénaristes qui doit écrire quelques épisodes de la dernière saison des aventures de la chasseuse de vampires. S’il n’écrit que cinq épisodes, son travail est rapidement remarqué, notamment sur l’épisode “Connivence”, connu pour sa narration particulière et son parti pris de ne pas faire se rencontrer les personnages principaux entre eux. Il fut récompensé par plusieurs prix, dont un prix Hugo en 2003.
Il en ressort avec une reconnaissance suffisante de ses pairs pour plancher, une fois la série finie, sur d’autres séries du même acabit, à commencer par la saison 5 d’Angel, le spin-off de Buffy, mais aussi sur des bouquins liés à l’univers de la chasseuse de vampires. Le début d’une belle carrière donc.
Un CV qui lui permet de rejoindre en 2005 la série de J.J. Abrams, Alias, dont il est coproducteur, et pour laquelle il écrit quelques épisodes, dont l’ultime, connu de tous les fans comme celui d’une conclusion plus que convaincante.
Abrams, impressionné par le travail de Drew Goddard sur la série, fait appel à nouveau à ses services pour son autre bébé, Lost. Il produit et écrit plusieurs épisodes à partir de la saison 3, ce qui lui permet de repartir avec plusieurs prix, dont un Emmy Award en 2008.
Bref, un joli parcours en quelques années seulement, qui le fera repasser par le format série via un petit crochet en 2013, mais nous y reviendrons plus tard.
… aux grands écrans !
Il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que Goddard passe d’un art à un autre, le septième en l’occurence. Une carrière ciné marquée par ses collaborations avec ses collègues de série, à commencer par J.J. Abrams.
Celui-ci réquisitionne Drew Goddard pour écrire un script de film d’horreur. Le projet mystérieux concerne un monstre à la Godzilla, et finit par devenir le génial found footage qui a marqué le fin des années 2000 : Cloverfield. Un scénario assez subtil, pourtant porté par un casting inconnu, mais qui prend de revers le genre et le retourne avec des twists malins.
Après cet énorme succès, Goddard a retrouvé son partenaire de la première heure, Joss Whedon, pour plancher sur un autre film d’horreur qui sera sa première réalisation. Si le scénario est écrit en trois jours à peine par le duo, le film connaîtra de nombreuses péripéties, avec une production houleuse de près de 4 ans, et notamment une boîte en difficulté financière.
Le long-métrage, La cabane dans les bois, sortira finalement début 2013. Une géniale parodie des films d’horreur basiques, qui se moque avec pas mal d’intelligence du genre, tout en le poussant dans ses retranchements.
Il transforme le plot classique des cinq adolescents dans une maison de vacances qui se font trucider, en une espèce de Truman Show glauquissime qui part en vrille mêlé à un Cube habité par une multitude de monstres, le tout entouré par des créatures démoniaques.
Le film ne connaîtra pas le succès qu’il méritait, mais cela n’entachera pas trop sa réputation. Puis, Goddard se retrouve assez rapidement à réécrire le troisième acte du scénario de World War Z, aux côtés d’autres cinéastes, dont un certain Damon Lindelof (le papa de, tiens tiens, Lost). À peu près au même moment, il donne naissance à la première série Marvel pour Netflix, Daredevil, de laquelle il se retire assez rapidement.
La Fox le contacte alors pour adapter le roman Seul sur Mars. Il est alors question de pondre un scénario, et de réaliser le bébé. Après plusieurs semaines, Goddard revient avec un script solide. Malheureusement, il décide de partir sur la réalisation du projet Marvel pour Sony, Sinister Six. Seul sur Mars atterrit alors dans les mains d’un certain Ridley Scott et devient, sans surprise, un véritable carton.
C’est durant cette période que Goddard a commencé à écrire ce qui sera sa deuxième réalisation, Sale temps à l’hôtel El Royale. Un projet de longue haleine, qui laisse transparaître un vrai style visuel, une forme d’écriture qui lui est réellement propre, même si bien éloignée de Seul sur Mars, puisque assez chorale et plutôt claustro. Un thriller extrêmement bien monté, au casting parfait (Chris Hemsworth, Jeff Bridges, Dakota Johnson, Jon Hamm, etc.).
Maintenant que vous connaissez bien son parcours, vous comprendrez mieux pourquoi ce nouveau film est aussi bien écrit, et pourquoi Drew Goddard est un homme à suivre de très près.