On n’a rien compris du nouvel album de Bad Bunny, mais on a aimé tout ce qu’il y a dedans

On n’a rien compris du nouvel album de Bad Bunny, mais on a aimé tout ce qu’il y a dedans

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Par Flavio Sillitti

Publié le , modifié le

Sur nadie sabe lo que va a pasar mañana, le lapin méchant le plus streamé du monde a lâché les chevaux et troqué son reggaeton solaire pour dégainer un disque furieusement trap.

Qu’on se le dise : notre côté du monde a une grosse longueur de retard à propos de Bad Bunny. Artiste le plus streamé au monde depuis 2020, auteur prolifique de cinq albums et d’une mixtape au succès fou en l’espace de cinq ans seulement, le Portoricain coche toutes les cases, et s’inscrit comme le nouveau prêcheur de la bonne parole musicale hispanophone. Malgré ça, on peine encore à lui attribuer les streams, les créneaux radio et les louanges qu’il mérite du côté européen (à l’exception évidemment de l’Espagne, où il reste l’artiste le plus écouté du pays), alors que tout le continent américain l’élève en roi. Heureusement, son nouvel album nadie sabe lo que va a pasar mañana va peut-être changer la donne.

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Et si vous comptiez sur lui pour changer son identité artistique afin de plaire à l’autre côté de l’Atlantique, vous vous mettez le doigt dans l’œil : Bad Bunny continue de chanter exclusivement en espagnol, d’inviter les petits noms locaux plutôt que les têtes bankables, et surtout d’être lui-même, sans concession. Dans la même veine qu’une Rosalía, Bad Bunny se moque de la barrière de la langue en priorisant le mood et l’ambiance de sa discographie comme chevaux de bataille. Et ça continue de payer.

Sept ans après ses débuts, l’artiste a aiguisé sa maîtrise, son flow et son charisme. Son portefeuille, aussi. Au point de pouvoir se payer des samples de Charles Aznavour sur “MONACO” et de Madonna sur “VOU 787”, tous les deux réinventés à la sauce épicée du Portoricain. Sur ce cinquième album, Bad Bunny troque la chaleur chaloupante du reggaeton qui a fait son succès sur Un verano sin ti en 2022 (qui est d’ailleurs devenu l’album le plus streamé de l’Histoire sur Spotify) pour revenir au côté “sale” de la musique trap qui a marqué ses débuts en 2016, alors que le petit Benito Antonio Martínez Ocasio balbutiait encore avec talent sur SoundCloud.

L’opus est teinté d’une trap devenue universelle, qui se mêle à des textes délivrés avec hargne, et qui ont le mérite de nous happer alors qu’on n’y comprend pas un seul mot. Sur les intenses “MR. OCTOBER” ou “MERCEDES CAROTA”, Bad Bunny pourrait tout aussi bien insulter nos darons que débiter une recette de arroz y habichuelas, on continuerait joyeusement de secouer la tête dans tous les cas. Le pouvoir d’une vibe, c’est beau.

L’album nadie sabe lo que va a pasar mañana (“personne ne sait ce qui se passera demain”) porte bien son nom tant ses sonorités semblent tournées vers le futur, l’artiste s’essayant avec brio aux tendances actuelles. Le disque se colore de jersey club sur l’excellent “CYBERTRUCK”, d’un soupçon de R&B moelleuse sur “LOS PITS” et même d’une électro plus mainstream taillée pour les clubs avec “HIBIKI”. Et alors qu’on pourrait s’inquiéter de voir El Conejo Malo craquer sans volonté pour les trends musicales du moment, force est de constater qu’il y met beaucoup de cœur, en témoigne le lead single “WHERE SHE GOES”, qui mêle dembow, drill et jersey club avec succès.

Soyez rassuré·e·s : les amateur·rice·s de transe du bassin trouveront tout de même leur compte sur des titres comme “PERRO NEGRO” et “UN PREVIEW”, qui nous ramènent aux battements solaires et libidineux de son répertoire. Un joli clin d’œil au passé qui boucle la palette complète et bien dosée de cette nouvelle sortie, qui a tout pour reproduire les exploits des disques qui l’ont précédé. Croyez-nous : le règne du méchant lapin est loin d’être terminé.