L’épopée de Varnish La Piscine, fils et frère spirituel de Pharrell Williams et Tyler, the Creator

L’épopée de Varnish La Piscine, fils et frère spirituel de Pharrell Williams et Tyler, the Creator

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Par Yasmine Mady

Publié le , modifié le

Varnish, le rappeur-producteur préféré de ton rappeur-producteur préféré.

Fraîchement nommé directeur artistique chez Louis Vuitton homme, Pharrell Williams a été vu ce dimanche 19 février vêtu de son meilleur outfit et tenant un vinyle de Varnish La Piscine. Rien que ça.

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@taoualitamar #pharrellwilliams #paris #louisvuitton #celebrity #stars ♬ Happy - Pharrell Williams

Mais qui est Varnish La Piscine, ce rappeur, producteur et cinéaste suisso-congolais qui fait trembler d’amour les plus grands artistes internationaux ?

“Rappeur aux identités multiples”, “ovni de la scène suisse”, “surdoué”, “à contre-courant”… Les médias ont multiplié les appellations pour essayer de définir l’artiste, et ça en dit long sur ce qu’il insuffle au rap francophone : un esprit créatif qu’on peut difficilement faire entrer dans une case tant il transpire l’innovation et la multiplicité.

À 27 ans, Varnish La Piscine, de son vrai nom Jephté Mbisi, c’est déjà :

  • une famille musicale aux multiples palettes : la SuperWak Clique, un collectif suisse fondé en 2014 dans lequel on retrouve notamment Slimka, Di-Meh et Makala ;
  • deux alter ego (au moins) : Pink Flamingo lorsqu’il compose et Fred Koriban, une version plus sombre de lui-même avec qui il fait même des featurings (oui, oui, des featurings avec lui-même) ;
  • trois projets solides à son actif : Escape (F+R Prelude), Le regard qui tue et Metronome Pole Dance Twist Amazone.

Plus que des albums, les projets de Varnish sont de réels voyages cinématographiques et auditifs. Depuis très jeune, il baigne dans les films et la musique. À 10 ans, il est déjà passionné d’Hitchcock et de Tim Burton, et l’esprit de tous ces films se retranscrit parfaitement dans sa musique. En 2019, Varnish expliquait à Sophie Laroche, dans une interview pour Konbini, son admiration pour ces réalisateurs : “Ils ont des univers bien à eux et tu le ressens dans leurs films. Hitchcock surtout, il fait bien vivre ses trucs, et puis, tu sais, les effets spéciaux sont super mal faits, c’est incroyable.” Dans sa discographie, on retrouve même un titre en duo avec Slimka titré “Wes Anderson”, un réalisateur connu pour des films comme The Grand Budapest Hotel ou encore Moonrise Kingdom.

Lorsqu’on ferme les yeux en écoutant la musique de Varnish, on est projetés dans la BO d’un film intrigant des années 1950-1960 avec des bugs spatiotemporels qui oscillent entre le présent et le futur. Une sorte de réalité pluridimensionnelle impalpable. Varnish aime raconter des histoires, en parole, en composition, en image, et il le dit lui-même, “j’ai envie qu’on sente l’histoire”.

Dans son premier projet sorti en 2016, Escape (F+R Prelude), la dimension filmique est déjà omniprésente. Varnish nous raconte l’histoire de Jephté qui, des suites d’un accident de voiture, va perdre la mémoire, sera rebaptisé “Fred” et sera pris en charge par une infirmière cheloue qui rêve de tuer ses patients. Dans les sonorités, on navigue entre du rap futuriste tantôt francophone, tantôt anglophone. Le projet est teinté de ses plus grandes inspirations. Par exemple, dans son titre “She Goes”, on peut reconnaître le groove de Pharrell, et dans “Chaha Adams”, la densité sonore qu’on peut retrouver dans “Cowboy” de Tyler, The Creator.

C’est avec son second projet Le regard qui tue, sorti en 2019, qu’il va commencer à capter l’attention d’un plus large public. Cette fois-ci, on est transportés dans l’ambiance d’un film policier qui prend place dans le Monaco des années 1960, avec un imaginaire burlesque proche de la science-fiction. En têtes d’affiche : Bonnie Banane qui joue le rôle de Gabrielle Solstice, une meurtrière en série à la beauté fatale, et Varnish lui-même dans rôle de Sidney Franco, un policier loufoque chargé de traquer Gabrielle mais… qui en tombera amoureux. Le tout est conté par le journaliste Angel de Jesus, interprété par le rappeur Rico TK. Varnish décrit cette œuvre comme étant un “film auditif”.

En 2020, il poursuit sa courbe de progression exponentielle et s’attaque logiquement au cinéma en sortant son premier film intitulé Les Contes du Cockatoo accompagné de sa bande originale, Metronome Pole Dance Twist Amazone. Pour reprendre la description de Varnish, Les Contes du Cockatoo, c’est l’histoire de “quatre personnages, sans rien de particulier, banals, ordinaires, à qui il arrive des choses extraordinaires”. Le moyen-métrage de 42 minutes est entièrement disponible sur YouTube :

Au-delà des vieux films qui inspirent beaucoup l’imagerie et l’imaginaire du jeune prodige suisse, dans la piscine de Varnish, on nage également avec Pharrell Williams, qu’il décrit comme son “père spirituel”. Dans une interview donnée aux Inrocks, il raconte qu’à l’âge de 10 ans, bercé par les CD de sa grande sœur, il a eu un déclic lorsqu’il a écouté pour la première fois “I Still Love You” de 702 featuring Pharrell Williams, produit par The Neptunes : “Mes yeux se sont écarquillés, et immédiatement, j’ai décidé que j’allais faire de la musique.”

Et comme la vie fait plutôt bien les choses, près de deux décennies plus tard, il semblerait que Pharrell Williams ait également sauté dans la piscine de Varnish. Fin 2021, c’est la rencontre entre les deux génies, dans le mythique studio Motorbass :

En 2023, en plus de l’histoire du vinyle de Varnish spotted au bras de Pharrell, les deux prodiges de la musique ont été vus ensemble en pleine session studio. Une collaboration qui ne présage que du bon tant leurs deux univers étaient voués à se rencontrer.

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Sous la publication, on peut retrouver un commentaire de Tyler, The Creator qui s’exclame : “Varnish!” Tyler, que Varnish décrivait plus tôt dans sa carrière comme étant son “frère spirituel” et une grande inspiration. Sur Instagram en 2017, Varnish postait une photo de Tyler et Pharrell avec comme légende : “Cher Dieu, stp protège-les… J’ai plein de choses à faire avec eux”. Eh bien, cher Varnish, il semblerait que tes prières aient été entendues. C’est comme s’il était prédestiné à atteindre et croiser la route de ses plus grandes inspirations.

Qui dit Varnish dit aussi Makala, son “frère jusqu’à la mort”. Un rappeur suisse également d’origine congolaise avec qui il grandit artistiquement depuis la création de leur collectif, la SuperWak Clique, en 2014. Ensemble, ils forment les frères de la piscine et ne manquent jamais de témoigner leur admiration mutuelle. Makala le dit clairement : pas besoin de lui envoyer des prods, “j’bosse avec le meilleur, j’passerai pas mon mail”.

Oui car, en plus de faire du rap et de réaliser des films, Varnish La Piscine est également un compositeur incontournable de la scène suisse. Il se démarque par un groove incroyable (qui se fait trop rare dans le rap francophone) et des sonorités aux inspirations multiples allant de la bossa nova à la funk, en passant par la soul et bien sûr le rap. À ce stade, no cheb, qu’est-ce qu’il ne sait pas faire ?

En 2023, Varnish ne finit plus d’étendre son univers mi-musical mi-cinématographique. En janvier, il lançait une sorte de sequel de son film Les Contes du Cockatoo avec une nouvelle série, Ce lac a du succès. L’histoire se construit autour du sombre meurtre d’Amaury Lefèvre, le plus grand marin-pêcheur de l’histoire, et de tous les mystères qui entourent cette disparition. La série a déjà trois épisodes disponibles sur YouTube et la recette est la même : une histoire loufoque, une soundtrack impeccable.

La série accompagne la sortie d’un EP à venir dont un single très groovy est déjà disponible sur les plateformes : “Ring Island”.

La créativité et l’ingéniosité de Varnish n’ont pas fini de nous surprendre. On a hâte de plonger dans ses nouvelles aventures, histoires et ses nouveaux univers. Le prodige est en train de mettre la Suisse sur la map de la plus belle des manières, et c’est super plaisant à observer.