L’interview ciné de Son Lux

L’interview ciné de Son Lux

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Par Constance Bloch

Publié le

Composer pour les films

K | Vous avez contribué à la bande originale de Don Jon de Joseph Gordon Levitt et plus récemment à celle de The Disappearance of Eleanor Rigby de Ned Benson, présenté au dernier festival de Cannes. Comment sont nées ces collaborations ?
J’ai composé pour Don Jon car j’avais déjà travaillé avec Nathan Johnson [qui a composé la musique de Don Jon – ndlr], un très bon ami à moi, sur le film Looper, et sur plusieurs autres projets. Joseph Gordon-Levitt est aussi un ami, et la collaboration s’est faite naturellement.
Pour Eleanor Rigby, c’était différent. Le réalisateur avait quelqu’un en tête pour la musique qui n’était pas disponible. On avait le même agent, donc on lui a soumis mon nom. J’ai eu beaucoup de chance car cela m’a permis de rentrer en compétition pour obtenir le job, et Ned Benson m’a envoyé deux scènes du film que je devais habiller musicalement. J’ai alors eu l’idée d’un concept pour la bande originale, basée sur les textures de sons. Il y a deux personnages principaux, et l’idée était de créer des instruments qui représentaient chacun d’entre eux.
K | Pour les personnifier ?
En quelque sorte. Par exemple, le personnage de Jessica Chastain est très fragile, elle est très belle mais également très rigide et froide. Pour la représenter, j’ai donc créé un instrument à partir de verres de vin. J’en ai développé toute une série à partir d’objets spécifiques. Ils ont adoré l’idée et la musique que j’avais composée sur les demos. Et j’ai eu le boulot ! (Il sourit) C’était une incroyable expérience. J’avais déjà contribué à plusieurs bandes originales, mais c’est la première fois que j’écrivais spécifiquement pour un film. J’ai l’impression d’avoir eu beaucoup de chance.
K | Aviez-vous des directives provenant du réalisateur ? 
On s’est tout de suite bien entendu. Ned Benson a vraiment beaucoup aimé mes premières compositions et il m’a immédiatement fait confiance. Il a aussi eu de très bonnes idées. Et bien qu’il ne soit pas musicien, il me donnait de temps en temps des indications ou me suggérait certaines choses. Ses bonnes idées et sa confiance nous ont permis de trouver un super terrain d’entente.
K | “Eleanor Rigby” est une chanson des Beatles très orchestrale, vous en êtes-vous inspiré pour la bande originale ?
Non, elle ne m’a pas inspiré, mais c’est une chanson géniale, j’aime énormément la version d’Aretha Franklin.

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Chercher l’élément de surprise

K | Si vous pouviez composer la musique de n’importe quel long métrage, ce serait quel genre de film ?
C’est une bonne question. Je pense que ce serait génial de créer la bande son d’un film qui oscille entre réalité et fiction. Entre le monde imaginaire et le monde réel. Ce serait un challenge très intéressant. Quelque chose de très dramatique et probablement triste. (Rires)
K | Dans les films que vous avez vus, avez-vous été marqué par un moment musical en particulier ?
Il y en a tellement de bons ! Particulièrement dans les films de Tarantino. Il n’utilise pas de musique originale mais les placements sont incroyables. Il y a tellement de caractère et de qualité dans ses choix.  Un autre film dont la musique m’a énormément marqué, c’est Shining. Mais pareil, ce ne sont pas des compositions originales.
La plupart du temps, je trouve que si le fait de placer des morceaux déjà existants fonctionne si bien, c’est grâce à l’élément de surprise. Il y a une sorte de magie imprévisible qui se produit quand deux choses qui ne sont pas faites pour être ensemble s’accordent à la perfection. C’est pourquoi je pense que beaucoup de morceaux existants marchent bien si on trouve la bonne chanson pour la bonne scène. Parfois, c’est inexplicable, il y a une sorte d’alchimie. J’essaie de faire ça avec ma musique aussi. Je suis toujours à la recherche de bouts et de parties de sons qui ne sont pas faits pour aller ensemble. J’expérimente et parfois j’arrive à des résultats très surprenants.
Imagine que tu partes en randonnée dans les montagnes : tu suis une carte et au bout de ta marche, tu découvres un point de vue sublime. C’est un sentiment incroyable et tu l’apprécies pour ce qu’il est. Mais si tu ne sais pas que cet endroit existe, ce sentiment est d’autant plus incroyable. C’est ça que je cherche quand je compose, je suis toujours ouvert à l’imprévu. J’attends que devant moi, tout d’un coup, les arbres s’écartent et laissent apparaître une superbe prairie en plein soleil. Un endroit magnifique qui n’est pas sur la carte. Parfois, ça arrive.

“J’aimerais travailler avec Tarantino”

K | Quel est le dernier film que vous avez vu ?
J’ai vu There will be Blood juste avant de partir en tournée avec Son Lux. Depuis, je n’ai pas vraiment eu le temps d’en voir d’autres. Mais il y en a tellement que j’aimerais regarder. Récemment, le film que j’ai adoré alors que je ne m’y attendais pas du tout, c’est l’incroyable Mud.
Et au cinéma, le dernier film que j’ai visionné c’est Dallas Buyers Club, j’ai beaucoup aimé, et aussi Le Loup de Wall Street, mais ça ne m’a pas trop plu. Bien sûr, c’est réalisé par un incroyable réalisateur [Martin Scorsese, ndlr] et il y a un très bon acteur [Leonardo DiCaprio, ndlr], mais la performance de McConaughey dans Dallas Buyers Club est incroyable. Ah, et le film que je n’ai  malheureusement pas encore eu l’occasion de voir, c’est Her. Joaquin Phoenix est certainement mon acteur préféré.
K | Avez-vous des projets sur la musique d’autres films ?
Pas pour le moment… Mais c’est quelque chose que je veux refaire. J’ai des projets avec Son Lux, un album notamment. Heureusement, il me reste encore quelques trous dans mon emploi du temps que j’aimerais remplir avec un nouveau film. J’espère que lorsque Eleanor Rigby sera en salles, j’aurai d’autres propositions. J’adore vraiment le cinéma et je pense que quelque part, c’est la forme d’art la plus incroyable : le mélange parfait de toutes les autres.
K | Et si tu pouvais travailler avec un réalisateur en particulier ?
Je pense que même s’il ne fait pas appel à des compositeurs pour ses bandes son, j’aimerais travailler avec Tarantino. Ce serait une folle expérience. C’est drôle, car quelque part, ses films ne me ressemblent pas du tout, ni même à ma musique. C’est d’ailleurs sûrement pour cela que j’aimerais collaborer avec lui ! (Rires) Ce serait super cool.