Les Trois Mousquetaires : muet, érotique ou complètement nanar, retour sur un siècle d’adaptation au cinéma

Les Trois Mousquetaires : muet, érotique ou complètement nanar, retour sur un siècle d’adaptation au cinéma

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(© Disney / Tamasa Distribution / UGC Distribution)

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Par Leonard Desbrieres

Publié le

Alors que la superproduction française signée Martin Bourboulon vient de sortir en salle, retour sur les plus folles adaptations des Trois Mousquetaires au cinéma.

Depuis que le cinéma existe, il se passionne pour Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Leur amitié sans faille, leur courage et leur habileté au combat pour défendre leur pays et déjouer les plus ignobles complots font d’Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan des personnages de cinéma parfaits, des archétypes qui laissent le champ libre à l’imaginaire des cinéastes les plus fous qui en profitent pour s’exprimer pleinement.

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Un peu trop sans doute vu les adaptations libres, très libres, trop libres qui ont vu le jour.

Le film muet parodique – L’Étroit Mousquetaire (1922)

Max Linder n’est pas que le nom d’un emblématique cinéma parisien des Grands Boulevards, c’est avant tout le nom d’un acteur et d’un réalisateur iconique du cinéma muet du début du XXe siècle. En 1922, le français réalise L’Étroit Mousquetaire, une parodie hilarante du film à succès Les Trois Mousquetaires sorti l’année précédente. Il incarne lui-même un Lindertagnan intenable et moque le jeu d’une autre vedette du muet spécialisée dans les films de cape et d’épée, l’Américain Douglas Fairbanks.

Pendant près d’une heure, les gags effrénés s’enchaînent au rythme d’une musique entêtante et d’un sound design conçu pour renforcer le comique des situations. Un monument d’humour qui marque l’histoire du cinéma puisque L’Étroit Mousquetaire est le premier fil à introduire des objets anachroniques (un téléphone, une moto) dans un récit historique pour faire rire.

Le film érotique – Les Exploits amoureux des Trois Mousquetaires (1971)

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Un film érotique allemand des années 1970. Voilà qui plante le décor. Athos, Porthos et Aramis sont en mission et doivent assassiner un nobliau qui refuse d’offrir sa femme au roi. Mais ils passent le plus clair de leur temps attablés dans une auberge à boire et se raconter les histoires les plus graveleuses. De son côté, d’Artagnan veut quitter sa campagne pour devenir mousquetaire. En attendant, il multiplie les conquêtes pour tromper l’ennui.

Presque pas de scènes d’action, des cascades grotesques, de piètres costumes, des trépieds en bois en guise de chevaux, des seins, des fesses et quelques scènes d’amour qui frisent le ridicule : mais qu’est-ce qui a bien pu faire de ce film atroce le petit chouchou de Nanarland, le site de référence en matière de ratés grandioses ? Eh bien, c’est tout simplement sa VF hallucinante.

Dans un décalage total avec les costumes et les décors époque Louis XIII, le doublage est une sorte d’argot de titi parisien d’avant-guerre qui nécessite un sous-titrage tellement il est peu intelligible. Les tirades sont mémorables, bourrées de termes loufoques et hilarants.

À mourir de rire.

“Dans une grande canfouine, y avait quatre gonziers autour d’une polka déloquée. Dans un racoin, un autre gonzier les bradillons dans le dos. Mézigue demande au caïd : ‘Qu’est-ce que c’est que cette affiche ?'”

La version cuir moustache – Les Nouveaux Mousquetaires (1992)

Au début des années 1990, Los Angeles est en proie au crime et à la violence. Chevauchant leur Harley rugissante, John d’Artagnan, Peter Porthos, Burt Aramis et Ann-Marie Athos se sont fixés pour but de défendre les droits des opprimés et des innocents.

Téléfilm en roue libre qui transforme les mousquetaires en motards tout de cuir vêtus spécialistes du drift et du coup de pied rotatif, Les Nouveaux Mousquetaires est un sommet de kitsch porté par un David Hasselhoff à la moustache affûtée et au mulet fringant.

Le film pour enfants Disney – Les Trois Mousquetaires (1993)

C’est sans doute le film le plus classique de cette sélection. Une adaptation signée Disney à destination d’un public jeune, très jeune, et ça se voit. Les raccourcis se multiplient de toute part, l’histoire de France est saccagée et l’histoire de Dumas est édulcorée et simplifiée à l’extrême.

Reste alors un casting qui fait le boulot et qui rend cette histoire manichéenne plutôt attachante. Mention spéciale à Tim Curry en cardinal de Richelieu badin et redoutable, à Kiefer Sutherland en Athos amusant et à Oliver Platt en Porthos bien bourrin. C’est léger, c’est plaisant, c’est pour les enfants.

Le film qui se prend pour ce qu’il n’est pas – L’Homme au masque de fer (1998)

Avec un casting prestigieux réunissant Leonardo DiCaprio, John Malkovich, Jeremy Irons et les Françaises Anne Parillaud et Judith Godrèche, L’Homme au masque de fer est une interprétation libre du Vicomte de Bragelonne, la suite des Trois Mousquetaires.

Si l’interprétation des acteurs est impeccable et l’intrigue plaisante, le réalisateur Randall Wallace se prend pour un autre et, au lieu d’assumer la carte de l’adaptation joyeuse et décomplexée, nous vend une épopée historique grandiose et un film d’auteur des plus sérieux. S’installe peu à peu un décalage comique entre les intentions et le résultat final à l’écran. Le film que tu adores détester.

La version kung-fu – D’Artagnan (2001)

C’est sans doute la pire adaptation jamais tournée des Trois Mousquetaires. Fortement influencé par ses nombreux films avec Jean-Claude Van Damme, le réalisateur Peter Hyams s’imagine que toute histoire est prétexte à un bon film de kung-fu et revisite le roman d’Alexandre Dumas à sa sauce.

On se croirait au Far West, les dialogues sont dramatiques, Tim Roth se noie dans son rôle de méchant et Catherine Deneuve se demande comment elle a atterri là (et nous aussi). À noter : le rôle calamiteux de Jean-Pierre Castaldi en maître ninja. Une immense blague qu’on n’a pas comprise.

Le craquage steampunk – Les Trois Mousquetaires (2011)

Que ce soit avec ses adaptations honteusement géniales des jeux vidéo culte Mortal Kombat et Resident Evil, son horrible remake Alien vs. Predator ou encore l’affreux Pompéi, le réalisateur américain Paul W. S. Anderson a un CV bien rempli qui prend, film après film, la forme d’un hommage appuyé et décomplexé à la beauté loufoque des nanars.

En 2011, il a lui aussi tenu à s’emparer des héros d’Alexandre Dumas pour façonner un univers délirant et une réinterprétation très personnelle du genre de cape et d’épée. Luke Evans en Aramis possédé, Orlando Bloom en duc de Buckingham qui se débat avec des costumes improbables, Christoph Waltz en cardinal de Richelieu très, très méchant, Mads Mikkelsen en comte de Rochefort qui se marre derrière son bandeau de pirate, Milla Jovovich qui dézingue tout ce qui bouge : pour assouvir ses fantasmes steampunk, Paul W. S. Anderson s’est entouré d’un casting démentiel qui semble parfois se demander ce qu’il fait là mais qui prend un plaisir fou à faire n’importe quoi.

Entre les bateaux volants, les machines diaboliques inspirées de De Vinci, les ninjas et les chorégraphies de combat ambiance Matrix, on assiste à un festival de démesure tellement grotesque qu’il en devient réjouissant.

In French we say : navets

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Qui de mieux que le cinéma français pour salir l’œuvre d’un de ses monuments nationaux ? Au fil des années, certains grands noms se sont frottés aux Trois Mousquetaires et ont choisi de prendre des directions artistiques étonnantes.

En 1994, avec La Fille de d’Artagnan, Bertrand Tavernier donne un coup d’épée dans l’eau. Entre des mousquetaires vieillissants, dont un Philippe Noiret en d’Artagnan boitillant, et une Sophie Marceau qui déjoue parfois jusqu’au ridicule, un sentiment de malaise s’installe gentiment.

Dix ans plus tard, Josée Dayan nous offre un fou rire de plus de deux heures avec son téléfilm Milady. Absolument tout tape à côté. Le duo Martin Lamotte/Florent Pagny en Richelieu et d’Artagnan est pépite, mais ce qui fait le sel de cette œuvre atrocement géniale, c’est la prestation délirante d’Arielle Dombasle en Milady amoureuse de sa servante, jouée par Asia Argento.

D’Artagnan et les trois mousquetaires, la mini-série signée l’année suivante par Pierre Aknine pour TF1, est tout aussi savoureuse. En plein délire Le Pacte des loups, le cinéma français se la joue ésotérique et surnaturel. Résultat : un film de sorcellerie où Emmanuelle Béart lance des boules de feu sur Vincent Elbaz.

Bonus : Albert le cinquième mousquetaire

Parce que les moins de 30 ans ne peuvent pas le connaître mais que ce dessin animé a hanté l’enfance de beaucoup d’entre nous. Hommage à un héros méconnu : Albert le cinquième mousquetaire.

Pour conclure sur une note plus sérieuse, sachez que la fondation Pathé organise jusqu’au 15 juillet une rétrospective événement autour des adaptations d’Alexandre Dumas au cinéma. Pour en savoir plus : https://www.fondation-jeromeseydoux-pathe.com/event/2294

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