La véritable histoire de la reine Charlotte, l’héroïne du spin-off de Bridgerton

Le vrai du faux

La véritable histoire de la reine Charlotte, l’héroïne du spin-off de Bridgerton

Image :

© Netflix

photo de profil

Par Delphine Rivet

Publié le

Quand Shonda Rhimes joue avec la réalité historique, ça donne une série diablement addictive.

Vous vous êtes sûrement demandé, en découvrant le personnage de la reine Charlotte, dans la saison 1 de Bridgerton, si celle-ci avait réellement existé. Cette figure de la Régence britannique a désormais droit à son propre chapitre dans la saga, grâce au spin-off qui porte son nom.

À voir aussi sur Konbini

Incarnée à tour de rôle par India Ria Amarteifio et Golda Rosheuvel, qui était vraiment cette Queen dont on savoure, dans chacun des six épisodes qui composent cette mini-série signée Shondaland pour Netflix, les aléas romantiques ?

Les origines de Charlotte

La Chronique des Bridgerton est une fiction, et il faut bien garder cela à l’esprit. Lorsque Shonda Rhimes, sa créatrice fait le choix de mettre en scène une reine Charlotte noire, au tournant entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, elle s’appuie en réalité sur des rumeurs sur les origines de la régente qui ont longtemps divisé la sphère académique.

Un doute notamment émis par l’historien Mario de Valdes y Cocom qui, en 1997, a tenté de démontrer que Charlotte était une descendante de Margarita de Castro y Sousa, une noble portugaise du XVe siècle, elle-même descendante du monarque Alfonso III et de son amante Madragana aux origines mauresques.

Le souci avec cette théorie, comme l’ont rappelé certains de ses détracteurs, c’est que même si cette lignée était avérée, presque 600 ans séparent Madragana de Charlotte. De quoi bien diluer toute trace de ses prétendues origines non-blanches. Le fait est que, sur certains de ses portraits, la reine Charlotte apparaît avec une peau légèrement plus foncée et des traits qui pourraient laisser penser à un métissage. Dans les quelques écrits de l’époque qui la décrivaient physiquement, il n’est toutefois jamais fait état de sa couleur de peau. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle ne correspondait pas aux standards de beauté de l’époque.

© Netflix

Née en 1744, fille du duc de Mecklembourg-Strelitz, un ancien territoire du nord de l’Allemagne, on sait en réalité trop peu de choses sur son héritage génétique. La jeune Charlotte de la série à la peau noire trouve surtout sa justification dans l’intrigue choisie par Shonda Rhimes.

Dans cette version fictive de l’Histoire, Lady Danbury (interprétée par Arsema Thomas et Adjoa Andoh) évoque un mystérieux projet : la “Grande Expérience”, visant à unir l’Angleterre. En sous-texte, il s’agit d’intégration raciale : “Nous étions deux sociétés distinctes, divisées par notre couleur, jusqu’à ce qu’un roi tombe amoureux de l’une d’entre nous”, nous dit-elle. Une pure invention, mais au service d’un arc narratif assez réjouissant.

Dans la réalité, même si ça risque d’en défriser certains, il y avait bien des Noirs dans l’aristocratie anglaise. Peu, certes, mais ils existaient. La reine Victoria elle-même, la petite fille de Charlotte, avait pour filleule une jeune femme noire du nom de Sarah Forbes Bonetta qu’elle avait prise sous son aile. Dido Elizabeth Belle, une femme métisse née en 1761 et fille d’un capitaine de la Marine Royale et d’une esclave, est considérée comme “la première aristocrate noire de Grande-Bretagne”.

Sa romance contrariée avec George

Charlotte avait 17 ans lorsqu’elle a épousé George, de cinq ans son aîné. Les noces ont été expéditives puisqu’elles se sont déroulées seulement six heures après l’arrivée en Angleterre de la jeune fille. Un an après, elle donnait naissance à un héritier, le futur George IV… le premier de 15 enfants !

D’après les historien·ne·s, si les deux se sont mariés par pur intérêt et projet politique, ils se tenaient mutuellement en haute estime. Ils partageaient même une passion pour la musique et jouaient parfois en duo : Charlotte au clavecin, George à la flûte.

Mais, comme le montre la série, le jeune roi était aussi tourmenté par de terribles épisodes de délire, qui lui provoquaient des douleurs autant physiques que psychiques. Les premières mentions de sa maladie remonteraient à 1788, et les médecins de l’époque se retrouvaient bien désemparés. Un certain Dr Francis Willis, prêt à relever ce défi qui laissait ses confrères sur le carreau, a pris les choses en main.

© Netflix

Il a infligé au jeune roi des pratiques pour le moins radicales, que l’on pourrait assimiler aujourd’hui à de la torture, comme le montre également la série : saignées avec des sangsues, ou bains d’eau glacée. Notons que, dans la série, ce charmant toubib se distingue d’abord en affirmant que ses méthodes ne requièrent que la parole, et promet de ne pas utiliser ces méthodes d’un autre âge (ce qu’il fera pourtant, environ 10 minutes après). Aujourd’hui, certains émettent l’hypothèse que George souffrait peut-être de bipolarité, mais aucun diagnostic n’a officiellement été posé sur le mal qui le rongeait.

Le stress de voir son époux dans cet état, et de ne pas savoir ce qu’il adviendrait d’elle, a profondément affecté Charlotte. Au point, dit-on, qu’en 1789 ses cheveux étaient devenus entièrement blancs. L’Histoire, elle, retiendra que le couple s’aimait d’une affection sincère. Le roi disait même de son épouse : “La reine est mon médecin, et aucun homme ne peut prétendre en avoir un meilleur qu’elle ; elle est mon amie, et aucun homme ne peut prétendre en avoir un meilleur qu’elle”. En 57 ans de mariage, on dit qu’il ne lui fut jamais infidèle. Il est le premier monarque de sa famille à ne pas avoir pris de maîtresse.

Il est donc important de prendre La Reine Charlotte : Un chapitre Bridgerton pour ce qu’elle est : une série romantique rafraîchissante, vaguement basée sur des faits réels et qui joue à fond la carte de la licence créative. Ce n’est pas un documentaire, mais un divertissement (et ce n’est pas un gros mot !).

Après tout, si des libertés sont prises pour les costumes (parfois anachroniques) ou les musiques, pourquoi cela poserait-il problème d’imaginer un autre récit ? Chacun des choix artistiques de sa showrunneuse et de ses scénaristes sert l’intrigue, et non la réalité historique. Et la série le fait très bien !

Les six épisodes de La Reine Charlotte : Un chapitre Bridgerton sont disponibles sur Netflix.