J’étais au dernier rang du concert de Beyoncé, laissez-moi vous raconter mon histoire

"Tu la vois ?! Elle est où ?!"

J’étais au dernier rang du concert de Beyoncé, laissez-moi vous raconter mon histoire

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Par Flavio Sillitti

Publié le

Ceci n’est pas un pamphlet contre les fans du premier rang, mais presque.

Il y a clairement des choses que je n’aurais jamais pensé vous écrire, mais voilà : j’ai assisté au concert de Beyoncé au stade Roi Baudouin de Bruxelles depuis… le dernier rang. Je dramatise un peu la chose, j’étais au dernier rang de la fosse et non pas des tribunes – je ne suis pas maso non plus –, mais tout de même.

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Moi, pourtant persuadé d’être le plus grand fan de Queen B, mitraillant mes followers de stories Instagram à son effigie, détruisant toute relation sociale sur base de la simple question “Rihanna ou Beyoncé ?” et polluant le moindre dîner de famille en tentant d’expliquer pourquoi, elle aussi, est un peu ma mère, moi au dernier rang du concert de Beyoncé : mais comment en est-on arrivés là ?

De Paris à Bruxelles

Tout commence par un changement de plan : j’étais censé me rendre au Stade de France voir la grand-messe pop que tout le monde attend avec impatience – pour autant que vous ayez réussi à vous procurer un des précieux tickets impayables de cette tournée. À la dernière minute, changement de plan, donc (et surtout problème de calendrier, classique) : je décide d’aller la voir en Belgique, qui est d’ailleurs mon pays natal, histoire de rendre l’expérience encore plus spirituelle. À savoir que j’avais déjà vu Beyoncé au même stade Roi Baudouin en 2016 et que ce souvenir me berce encore chaque soir de ma vie avant de m’endormir.

Je me débrouille tant bien que mal pour obtenir des tickets à prix d’ami (ou, en tout cas, pas cinq fois le prix d’achat), bravant par la même occasion la terreur du catfishing de concert qui gangrène le monde de l’événementiel avec des arnaqueur·euse·s toujours plus affûté·e·s et sans merci. Heureusement, les tickets ont fonctionné. Et quand je dis “heureusement”, c’est pour les vendeurs.

Arrive le jour J. Dans une autre vie, la journée entière aurait été consacrée à Beyoncé. Aucune autre activité n’aurait mérité que je perde de précieux centimètres de distance avec la scène. Le premier rang était, à une époque pas si lointaine de ma vie, un devoir : comment saurait-elle que j’étais là et surtout comment sauraient-ils tous que je suis un vrai fan si je ne m’affichais pas fièrement au plus près d’elle ?

Le goûter d’anniversaire

Sauf que le 14 mai dernier à Bruxelles, assez rare pour être relevé, il y avait un ciel dégagé et une température agréable. Un dimanche au soleil. Sacrilège, comment manquer ça ? Je traîne le matin, je mange sur le pouce, et me voilà embarqué par des amies à un vide-dressing, avant d’aller trinquer inopinément des bières belges et locales au goûter d’anniversaire d’un adorable petit bout de 3 ans – pas prévu du tout, ce qui rajoute du cachet à l’événement. Tout s’enchaîne très vite, autant les heures que les bières – buvez avec modération, sinon c’est pas drôle.

Mon anxiété monte mais je décide de profiter de l’instant et de me résigner au projet de premier rang. À chaque gorgée de cette délicieuse bière locale, la scène de Beyoncé s’éloigne un peu plus de moi. Les portes du stade ouvrent à 17 heures, le concert commence à 20 heures, des gens attendent devant depuis 7 heures du matin. Dans tout ça, il est déjà 17 h 30 et je bois des bières au soleil. Qui suis-je devenu ? J’angoisse un peu. On prend la route du stade.

Les avantages des retardataires

Les avantages des retardataires : pas de file à l’entrée. Les stewards sont même vachement plus sympa à cette heure-ci, comparé au moment de l’imbroglio infernal des premières entrées plus tôt dans la journée. On jette un œil à la foule : OK, il y a vraiment beaucoup de monde. Mais la scène est gigantesque et les écrans géants rassurent quelque peu mes anxiétés naissantes. Le show, on le verra. La scène, pas sûr.

Le fait de ne pas être coincés au cœur de cette masse humaine cauchemardesque nous offre même la liberté de faire un tour au bar, de sélectionner librement quel angle nous plaît le plus, de rejoindre d’autres amis présents sur place. Bref, la belle vie au soleil.

Quand le show commence, sachant qu’on a tout de même d’abord tenté la foule, c’est l’éclate. Évidemment, Beyoncé est à la hauteur de son prestige, le son n’est pas si désastreux malgré les réverbs inévitables du stade et le public est bien chaud. Sauf que, par souci de taille, ma compatriote de concert n’a pas la meilleure vue sur le concert, et ses “Tu la vois ?! Elle est où ?! Situe-moi stp” viennent entacher les notes célestes de “1+1” ou “Flaws And All”. Assez tôt, on décide de bouger à l’arrière. Et là, le bonheur.

Les joies du dernier rang

En rejoignant les derniers rangs de la fosse, on découvre alors un microcosme insoupçonné et pourtant bien réel : une communauté de fans plus libres et souples dans leurs mouvements, reprenant en chœur les tubes de Beyoncé, avec une vue surplombante sur les écrans et même sur la scène !

Au premier rang, la moindre inattention peut vous faire perdre votre place, on cligne des yeux et, hop, la voisine flamande qui vous fait du coude depuis le début du show est passée devant vous. Là-bas, tout le monde est un ennemi. Derrière, ce n’est qu’amitié et bonnes vibes. On danse avec des inconnu·e·s, on s’invite à l’arrière de leurs vidéos, on n’hésite pas à chanter les mauvaises paroles si on les connaît mal – au dernier rang, tout est permis.

Quand Beyoncé confie à sa foule belge que c’est le meilleur public depuis le début de la tournée (bon, c’est seulement le troisième concert, faut pas s’emballer), on a envie de croire qu’elle s’adresse également à ces rangs éloignés, parfois obstrués mais toujours remplis d’amour et d’énergie. Vous qui vous êtes toujours demandés qui pouvaient bien être ce public des derniers rangs qui paie pourtant le même prix que celui des autres plus rapprochés, allez y faire un tour et rencontrez-les. Qui sait, vous deviendrez peut-être l’un·e des leurs.

Après le concert, une fois la foule dispersée, par respect pour la version plus jeune de moi-même (qui doit certainement mourir de l’intérieur en lisant cet article), on s’est rendus au premier rang pour toucher cette barrière de sécurité si symbolique au plus près de la scène. Un moment intense et bouleversant, rapidement détruit par le gardien de sécurité qui n’a pas passé la meilleure soirée de sa vie : “Je préfère Tomorrowland”, nous dit-il. Les goûts et les couleurs.

Le plus grand show pop de l’Histoire

Plus de vingt-cinq ans après son entrée dans le game, Beyoncé reste la vraie reine, celle qui continue d’enchanter ses fans de la première heure tout en maîtrisant les codes des nouvelles générations qui intègrent en masse sa ruche pop et salvatrice. La preuve en est, le public du stade Roi Baudouin réuni pour Beyoncé le 14 mai dernier serait la plus grande audience du siècle pour une artiste musicale féminine.

Ce tout nouveau show risque en tout cas de faire perdurer la hype quelques décennies encore : entre une ouverture plutôt nostalgique et un spectacle ponctué de sections techno et futuristes, le Renaissance World Tour est assurément – attention – le plus grand show pop de l’Histoire. Et la meilleure façon de le savourer est peut-être en étant au dernier rang.

Quoi qu’il en soit, où que vous vous trouviez dans ces stades colossaux qui accueillent la queen sur son Renaissance World Tour, vous trouverez forcément un·e autre fan de Beyoncé avec qui vous époumoner en tandem sur “Love on Top”. Et ça, ça vaut tous les premiers rangs du monde. Longue vie à Beyoncé.

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