“F### les Grammys” : tous les ans, c’est pareil, donc faut-il les boycotter pour de bon ?

“F### les Grammys” : tous les ans, c’est pareil, donc faut-il les boycotter pour de bon ?

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Par Yasmine Mady

Publié le

Chaque année, c'est pareil, les musiques issues de la culture afro-américaine ainsi que ses artistes sont snobés.

Grosso modo, les Grammys, c’est l’équivalent des Oscars pour la musique. Sur le papier, c’est le graal de la reconnaissance dans l’industrie musicale.

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Mais voilà, chaque année, c’est la même rengaine. Les musiques issues de la culture afro-américaine ainsi que ses artistes sont snobés. Chaque année, une grosse déception se crée chez les artistes et passionnés des genres musicaux qu’elle regroupe. Des genres qui révolutionnent pourtant chaque année le paysage culturel.

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Pour les artistes afro-américains, si être nommé aux Grammys est déjà un premier (petit) pas, gagner dans sa catégorie en est un autre. En 2014, Macklemore gagne l’award de l’album de l’année avec son projet The Heist (dont personne ne se souvient vraiment en tant qu’album) face à Good Kid, M.A.A.D City de Kendrick Lamar (dont tout le monde se souviendra probablement dans trente ans encore). Pour beaucoup, cet événement a été vécu comme un vol, un point de rupture, et surtout, comme un rappel très tangible que The Recording Academy reste une institution blanche, avec tous les biais que ça implique. 

Selon The Fader, moins de 20 % des albums de l’année ont été remportés par des artistes noirs dans toute l’Histoire de la cérémonie, et seulement trois albums de rap dans l’Histoire ont déjà remporté ce prix. Le magazine note également que lorsqu’un artiste blanc fait de la musique largement influencée par les cultures afro-américaine ou afro-descendante, il semble y avoir un traitement ou une appréciation différente.

Si Macklemore se dit en dissonance cognitive concernant cette victoire, on se souvient du très émouvant discours d’Adèle qui, en 2017, avait refusé d’accepter son prix de l’album de l’année, prix qu’elle avait remporté avec son projet 25 face à Beyoncé qui était en liste avec Lemonade. Elle disait alors : 

“Je ne peux absolument pas accepter ce prix. Je suis très émue et très reconnaissante, mais l’artiste de ma vie, c’est Beyoncé… L’album Lemonade est si monumental, Beyoncé, si monumental ! Et si bien pensé, si beau…”

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En France, il est difficile de se remémorer ce discours sans penser à celui de SCH aux Victoires de la musique de 2022, qui avait implicitement déploré l’absence dans la salle (et dans les nominations) d’autres rappeurs qui ont pourtant pété tous les records cette même année :

“Je voudrais saluer Gazo, Oboy, Naps, Laylow […]. Je voudrais aussi saluer Jul qui a réuni les deux capitales du rap français cette année. Je voudrais saluer Dinos, Soso Maness, Ninho l’homme aux certifications évidemment.”

SCH avait remporté le prix de l’album le plus streamé de l’année pour JVLIVS II.

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À travers le temps, “Fuck the Grammys” est même devenu un hymne à l’approche de la cérémonie, et de nombreux artistes ont commencé à critiquer publiquement l’institution. Pour The Weeknd, les Grammys “restent corrompus” (des propos aussi soutenus par Kid Cudi ou encore Tinashe). En 2020, l’artiste devait se produire, il n’a finalement même pas été invité. Drake et lui ont depuis décidé de boycotter l’institution et de ne plus soumettre leur musique.

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Selon Drake, les artistes et les passionnés de musique devraient arrêter d’être “choqués, tous les ans, du fossé entre ces récompenses et l’impact réel de la musique et simplement accepter que ce qui était autrefois la plus haute forme de reconnaissance n’a plus autant d’importance pour les artistes”.

Pour Quavo, membre des Migos, les Grammys sont “has been avec une mentalité de vieillards”. Il a également exprimé la nécessité de faire “nos propres récompenses qui apprécieront les vraies choses qui se créent dans nos quartiers”.

Le problème du manque de reconnaissance et de représentation des cultures populaires dans les institutions musicales à dominance blanche n’est pas exclusif aux États-Unis. En France, dans une intention similaire à celle de Quavo, Booska-P, Yard et Smile se sont associés cette année pour créer les Flammes, une cérémonie qui “honore et repositionne les cultures populaires”.

En 2020, Nicki Minaj, qui n’a jamais gagné de Grammys malgré son impact, avait tweeté : 

“N’oubliez jamais que les Grammys ne m’ont pas décerné mon prix du meilleur nouvel artiste alors que j’avais 7 chansons simultanément au Billboard et des meilleurs records que n’importe quelle rappeuse de la dernière décennie.”

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Kanye West avait quant à lui symboliquement uriné sur son Grammy Award parce que :

“Lorsque vous continuez à diminuer l’art, à ne pas respecter le métier et à cracher au visage des gens après qu’ils ont livré des exploits musicaux monumentaux, vous manquez de respect à l’inspiration.”

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Zayn Malik, Teyana Taylor, 50 Cent, Jay-Z, Frank Ocean, Tyler, The Creator, Diddy, Lil Wayne, Wiz Khalifa… La liste d’artistes qui critiquent les procédés de l’institution est interminable et pourtant, chaque année, c’est la même chose, la même déception. Finalement, le boycott complet des Grammys par les artistes non blancs et leurs alliés n’est-il pas légitime ?