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En France, le rap séduit de plus en plus les universités

En France, le rap séduit de plus en plus les universités

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Par Sophie Laroche

Publié le

Médine à l’ENS, La Rumeur à Sciences Po ou PNL traité à Saint-Denis : on a récemment vu les sphères du rap et de l’université fusionner lors de grands rendez-vous au cours desquels le genre a été étudié par les chercheurs ou abordé par les rappeurs eux-mêmes.

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Rap et études universitaires, voilà deux domaines que l’on associe rarement. Souvent considéré ou décrit, dans les discours des médias généralistes, comme une sous-culture d’analphabètes, le rap pâtit encore d’une faible crédibilité savante mais aussi de sa jeunesse qui l’empêche encore de constituer un objet d’étude consensuel. Un clivage que les rappeurs eux-mêmes semblent revendiquer dans certaines de leurs paroles : très récemment, Médine “Je suis pas normalien”, mais aussi Nekfeu “J’ai pas fait l’ENA ni Science Po, j’ai pas fait HEC, j’ai pas besoin de ça pour m’exprimer” et bien d’autres.

Cependant, en trente années d’existence en France, le rap s’est bel et bien installé dans le paysage culturel français, devenant un des genres musicaux les plus écoutés et consommés. Partie intégrante d’une culture hip-hop foisonnante et riche d’une histoire qui s’est construite autour de questionnements et revendications contemporains ou plus anciens, le rap peut être analysé sous de nombreux angles (politique, sociologique, économique, géographique…).

En l’espace de quelques années, les initiatives se sont multipliées et les problématiques autour du rap ou de la culture hip-hop ont ainsi trouvé un écho favorable dans un cadre universitaire qui les a souvent ignorés. De l’association Noise la Ville au séminaire “La Plume & le Bitume”, en passant par le colloqueConçues pour durer. Perspectives francophones sur les musiques hip-hop”, qui illustrent la nouvelle place du rap et du hip-hop dans la recherche, nous avons enquêté sur ces nouvelles initiatives.

Le rap à l’université, une histoire plus longue qu’il n’y paraît

En matière de cours sur le hip-hop à l’université, les institutions anglo-saxonnes sont de meilleures élèves que leurs homologues françaises. Plus investies et avancées en matière d’étude de la culture hip-hop, elles offrent des enseignements et des parcours dédiés. Dans ce cadre, les différents sous-genres, comme le rap, la danse ou le street-art, sont étudiés à travers le prisme de différentes disciplines (sociologie, politique…). Les exemples, sans être pléthore, sont nombreux. L’un des plus marquant est la création en 2013 d’un parcours “mineur” dédié à la culture hip-hop dans le département “African Studies” de l’université d’Arizona, qui fut d’ailleurs monté par un groupe d’enseignants dont fait partie le Français Alain-Philippe Durand, auteur de Black, blanc, beur. Rap Music and Hip-Hop Culture in the Francophone World (Scarecrow Press, 2002). 

En France, il n’existe pas de cours portant spécifiquement sur l’étude de la culture hip-hop ou plus précisément du rap, bien qu’ils puissent être évoqués en fonction des professeurs. Et cela même dans des disciplines telles que la musicologie, plus portée sur le jazz, ou la médiation culturelle, qui comportent pourtant des cours sur l’histoire ou la sociologie des musiques populaires dont pourrait faire partie le rap. Un constat que déplore Valentin, étudiant en master 2 Industries musicales à Paris 8 : “Au cours de mes études, j’ai eu l’impression qu’on ne parlait jamais de rap alors que d’un point de vue musical et de stratégie marketing, il y a des choses à dire. Les exemples cités en cours venaient du rock ou de la pop la plupart du temps (Radiohead et les Beatles), et on ne parlait pas des innovations portées par les artistes venus du rap. L’appropriation d’outils comme le streaming ou YouTube par les rappeurs devrait être un vrai sujet. […] Cette formation me donne parfois l’impression qu’elle continue de considérer le rap comme un épiphénomène.”

Cependant, s’il n’existe pas encore de cours à proprement parler, des initiatives de plus en plus nombreuses se font jour pour interroger et déconstruire la culture hip-hop dans le cadre des universités ou des grandes écoles françaises. Ainsi, à Sciences Po, un groupe composé d’étudiants et de jeunes diplômés a fondé, en 2011, l’association Noise la ville, un collectif associatif ayant pour but de repenser et célébrer les cultures urbaines dans leur ensemble. Dans sa démarche, elle organise annuellement le Noise Festival qui comprend concerts, block parties et soirées, des masterclasses animées par des rappeurs (cette année le groupe La Rumeur), mais aussi RAPoésie, un concours de rap à l’université Paris 7 Paris-Diderot créé par Jonas Kerszner et parrainé cette année par Rocé. À l’École normale supérieure, Benoît Dufau et Emmanuelle Carinos ont crée, en 2015, le séminaire “La Plume & le Bitume” qui réunit les étudiants autour de l’étude littéraire et stylistique des textes de rap. Chaque séminaire est dédié à un artiste précis (dernièrement Médine) et se découpe en deux séances : un premier examen de l’œuvre du rappeur suivi d’un échange avec ce dernier. Récemment, l’université Paris 8 a aussi fait parler d’elle lorsque des élèves du master 2 Industries musicales ont organisé une série de tables rondes sur divers thèmes musicaux, l’une d’entre elles abordant la médiatisation du rap en France, en y conviant des spécialistes du genre, journalistes et chercheurs. 

Des initiatives de plus en plus visibles, mais qui ne sont cependant pas nouvelles. Les coorganisateurs du colloque “Conçues pour durer”, Emmanuelle Carinos, Séverin Guillard, Karim Hammou et Marie Sonnette nous expliquent ainsi que les événements liés aux hip-hop dans les universités françaises existent depuis les années 1990 : “Le hip-hop a été au cœur d’initiatives pédagogiques et artistiques dans une université comme Paris 8 Saint-Denis dès le tout début des années 1990 ; une exposition sur l’histoire du hip-hop en France dont la commissaire était l’anthropologue Claire Calogirou sillonnait déjà la France dans les années 2000, etc. On oublie souvent les initiatives passées, parce que l’image la plus commune du rap est d’être un genre musical en rupture avec ou en dehors des institutions culturelles et publiques.”

Des événements qui évoluent et répondent à un manque

Ces premières manifestations sont cependant très différentes de celles qui ont pris le relais et s’expriment aujourd’hui. Une des évolutions majeures se situe dans les profils des organisateurs et leur rapport à la culture hip-hop qui façonne une manière nouvelle de l’appréhender, notamment dans le domaine académique. Comme les coorganisateurs du colloque “Conçues pour durer” nous l’explique : “Les initiatives actuelles proviennent pour un nombre croissant d’entre elles de personnes qui ne définissent pas le rap comme une musique ‘des autres’ et le hip-hop comme une culture exotique, mais bien comme des formes esthétiques et culturelles dans lesquelles ils et elles se reconnaissent, quand bien même ce serait au titre d’amateurs/amatrices, et/ou de façon critique.”

Ainsi, les premiers rendez-vous, assez sporadiques, étaient l’initiative de chercheurs qui, n’ayant pas grandi ou évolué avec la culture hip-hop, l’appréhendaient comme une culture de l’altérité. Aujourd’hui, les étudiants ou chercheurs à l’origine de ces événements se retrouvent dans cette culture. Pierre Tâm-Anh, vice-président de Noise la ville, s’exprimant au nom de l’association, nous explique que les fondateurs de l’association ont tous grandi avec le hip-hop : “Notre génération d’étudiant-e-s et de jeunes diplômé-e-s a grandi avec le développement de la culture hip-hop comme culture pop. Elle consomme de cette culture au quotidien à tel point qu’elle fait partie intégrante de notre mode de vie urbain.” Ainsi, cette génération devenue adulte et le développement de la culture hip-hop expliquent la multiplication, ces dernières années, des événements universitaires axés sur le rap, puisque ceux qui l’écoutaient dans leur jeunesse ont voulu le mettre en valeur dans leurs différentes activités une fois adulte, comme le confirme Karim Hammou, Emmanuelle Carinos, Séverin Guillard, et Marie Sonnette : “Les adolescents sont devenus des adultes, insérés à différentes places des mondes professionnels. Certains sont devenus travailleurs sociaux, enseignants, journalistes, éditeurs, inspecteurs du travail, avocats, universitaires, etc. Et tous n’ont pas délaissé leur intérêt pour le rap !

Ces rencontres ont donc pour objet de pallier un manque, mais aussi d’offrir au rap, trop souvent malmené, une image nouvelle. Laura Cuissard, étudiante en master 2 Industries musicales à Paris 8 et modératrice de la table ronde “PNL et le traitement médiatique du rap en France” explique la frustration qui est à l’origine du choix de la thématique du projet : “On a voulu débattre sur ce sujet, car on était tous frustrés du traitement médiatique du rap. Je pense que tout genre musical a besoin d’un temps d’adaptation de la part des médias et de la société, mais il me semble que ça durait depuis plusieurs décennies pour le rap et que rien ne changeait. On avait tous été choqués par une interview d’ONPC, émission qui avait reçu Nekfeu, où Yann Moix enchaînait les clichés sur le rap et Vanessa Burggraf reconnaissait qu’elle ne comprenait rien, chose qu’elle n’aurait pas fait à mon avis si elle avait eu en face d’elle un écrivain ou un musicien d’un autre genre musical.” Un sentiment partagé par l’association Noise la Ville qui constate aussi que la culture hip-hop est déconsidérée par les institutions académiques et culturelles ainsi que par les médias mainstream : “Que ce soit dans les reportages ou dans les interviews de rappeurs/rappeuses, nous trouvions le traitement du rap sur les grandes chaînes de télévision et de radio particulièrement affligeant.” 

Ces discussions ont donc constitué pour les deux collectifs des moyens de mettre à profit les outils d’analyse acquis durant leurs études supérieures pour offrir une meilleur visage à la discipline, comme nous l’explique l’équipe de Noise la Ville : “Nous sentions qu’il y avait un vrai travail de réflexion collective à mettre en place au sein de notre communauté étudiante qui, à moyen-long terme, va fournir les forces vives, et pour certain-e-s, les élites dirigeantes de notre société de demain. […] Nous souhaitions donner du crédit, de la légitimité et de l’amour à notre culture hip-hop, et pour nous – étudiant-e-s et jeunes diplômé-e-s – la meilleure manière de le faire c’est de la comprendre, l’analyser, la déconstruire et la repenser. “

Des initiatives plus ciblées

Si les initiatives proviennent d’individus qui conçoivent le rap de manière différente, son traitement s’est aussi amélioré et spécialisé, comme l’explique Karim Hammou, Emmanuelle Carinos, Séverin Guillard et Marie Sonnette : “Ce sont aussi des initiatives de plus en plus ciblées, et de moins en moins homogénéisantes – autrement dit, qui traitent non plus le rap comme un tout homogène, mais lui reconnaissent une complexité et une diversité nouvelle.”

Ainsi, les perspectives s’élargissent et le rap n’est plus appréhendé comme un bloc monolithique ou un objet culturel exotique, mais comme appartenant à une culture riche qui dispose d’assez de matière pour être déconstruite et questionnée sous de nombreux angles. Selon les fondateurs de l’association Noise la Ville, “le thème du rap, et plus largement le hip-hop, est passionnant dans la mesure où il peut nous amener à nous conscientiser, à déconstruire des sujets aussi complexes que douloureux comme les inégalités sociales, certaines réalités de nos quartiers populaires, ou encore les discriminations et les rapports de force actuels issus de notre héritage colonial, comme l’a récemment démontré le sociologue Karim Hammou dans sa masterclasse au quai Branly en février dernier.”

Le rap et la culture hip-hop sont ainsi étudiés en prenant compte de leurs spécificités, leurs histoires, leurs publics, leurs réceptions ou leurs différentes formes d’expressions au même titre que d’autres formes culturelles déjà légitimées. Ainsi, quand les étudiants de Paris 8 questionnent la médiatisation du rap, Noise la Ville s’interroge sur l’affiliation du rap à une sous-culture avec Kohndo, sur son rapport à la chanson française ou son éclairage sur Paris avec Oxmo Puccino et Greg Frite.

Et les institutions culturelles ne sont pas en reste. Karim Hammou a ainsi investi le musée du quai Branly en février dernier afin de traiter des révoltes postcoloniales et de la mémoire dans le rap français. Auparavant, c’était la maison des Métallos qui accueillait le colloque “Conçues pour durer. Perspectives francophones sur les musiques hip-hop”. Organisé par Alice Aterianus-Owanga, Emmanuelle Carinos, Séverin Guillard et Karim Hammou, Virginie Milliot et Marie Sonnette, ces trois jours de conférences et tables rondes conviant chercheurs et professionnels du monde entier, ont prouvé que la culture hip-hop pouvait être un sujet de réflexion riche et pluridisciplinaire. Les nombreuses interventions ont abordé les questions de l’authenticité, des représentations, de l’écriture, de l’institutionnalisation, des esthétiques ou des expériences musicales, invoquant des réflexions autour de la masculinité, de la féminité ou des héritages coloniaux.

Le succès

Preuve que le rap étudié dans un cadre universitaire peut trouver son auditoire, ces événements font souvent salle ou amphi comble. À l’École normale supérieure, 200 personnes sont venues dernièrement écouter le rappeur Médine s’exprimer sur l’écriture et sa vision du rap. À Paris 8, la table ronde sur la médiatisation du rap fut la plus fréquentée des cinq tables rondes sur l’industrie musicale. Laura Cuissard ne revient toujours pas du succès et de l’enthousiasme suscité par l’événement : On se doutait qu’en ayant un angle sur PNL, les gens seraient intrigués. Mais avec un événement Facebook et une communication très simple, on a fait salle comble. J’ai aussi été surprise par l’engagement des questions au moment du débat avec le public : déjà, il y avait beaucoup de gens qui voulaient réagir et ils prenaient leurs interventions très au sérieux, on a senti qu’il se passait quelque chose. Quand on a du stopper la table ronde, le public est venu voir les intervenants et ils ont continué à échanger pendant plusieurs dizaines de minutes. Ça m’a conforté dans mon idée qu’il y avait un véritable sujet et une frustration partagée. Le constat est le même pour Noise la ville : “Depuis sa fondation en 2011, notre association a organisé plus de 25 événements de réflexion, et clairement ceux qui touchent à la culture hip-hop sont ceux qui attirent le plus de monde et peuvent remplir des amphithéâtres de 500 personnes, ce qui prouve qu’il y a une vraie demande de la part des étudiants franciliens qui constituent notre cœur de cible.

L’ouverture sociale

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces manifestations attirent un public large qui n’est pas seulement constitué de jeunes étudiants. Comme l’explique Laura Cuissard au sujet de la discussion sur la médiatisation du rap : “On s’est retrouvé avec des gens de différentes universités, des journalistes et des personnes bien plus âgées.”

Pour Noise la Ville, l’association née à Sciences Po, parvenir à une mixité dans le public constitue un défi pour les organisateurs dont la mission est aussi de “créer des ponts entre les communautés urbaines franciliennes”. Une des manières d’y parvenir consiste à organiser les événements dans différents lieux de la région parisienne afin de les rendre un maximum accessibles. Ainsi, Noise la Ville a initié des conférences dans différents établissements d’enseignement supérieur d’Île-de-France, Paris 1Paris 3Paris 7 ou encore l’École numérique Simplon à Montreuil, tout en prospectant dans d’autres institutions comme les universités Paris 8 et Paris 13.

Quitter les murs de l’université est un autre moyen d’ouvrir ces interventions à un public large, comme l’explique Karim Hammou au média Africultures. Le sociologue chargé de recherche au CNRS, membre du CRESPPA-CSU et associé au centre Norbert Élias (auteur du livre Une histoire du rap en France, La Découverte, 2014) justifie ainsi le choix de la maison des Métallos comme un moyen d’offrir au colloque “Conçues pour durer” une plus grande “visibilité” : “Notre démarche consiste à ne pas faire de l’académie un monde clos sur lui-même.”

De même, les organisateurs viennent souvent d’horizons différents. L’équipe de Noise la Ville nous explique ainsi que ses projets mobilisent des personnes d’origines sociales et géographiques relativement variées (banlieues, Paris bourgeois comme populaire plus ou moins gentrifié, villes de provinces…), dépassant même les frontières de la France. En effet, le colloque “Conçues pour durer. Perspectives francophones sur les musiques hip-hop” avait mobilisé à lui seul des chercheurs et professionnels du monde entier, de l’Allemagne au Sénégal.

Et les rappeurs ?

Quand le séminaire “La Plume et le Bitume” invite Médine, Vîrus, Lino, Kohndo ou Casey à l’ENS, Noise la ville convie à Sciences Po Oxmo Puccino, Youssoupha, La Caution, Greg Frite, Disiz La Peste ou La Rumeur. Les rappeurs sont sélectionnés en fonction des thématiques et de leur capacité à débattre pendant plusieurs heures dans des amphis composés d’étudiants amateurs de rap mais aussi néophytes. Pour Pierre Tâm-Anh, vice-président de l’association Noise la Ville, “des personnalités comme Kohndo ou La Rumeur, qui ont fait partie de nos conférenciers et qui interviennent régulièrement dans des centres sociaux et culturels de quartier, conservatoires et prisons, disposent de nombreux atouts (passion, recul, intégrité, pédagogie) pour transmettre et vulgariser leur art“.

Ces événements, où les rappeurs sont invités à donner un éclairage sur leurs œuvres ou à confronter leur point de vue à celui de chercheurs ou de journalistes, leur permettent de transmettre directement leurs idées à leur audience. “Les rappeurs saisissent très bien l’enjeu d’inspirer, de nourrir la réflexion des étudiant-e-s et jeunes diplômé-e-s d’aujourd’hui qui sont les forces motrices, et pour certains les futures élites dirigeantes, de la société de demain”, explique Pierre Tâm-Anh. Quand nous avions rencontré Médine pour évoquer avec lui la sortie de son dernier album, le rappeur qui était au centre du dernier séminaire de l’ENS expliquait qu’intervenir ainsi au sein de grandes écoles lui permettait de promouvoir certaines valeurs auprès de son auditoire : Je partage les connaissances que j’ai pu acquérir grâce au rap. Mais cela peut aussi susciter des vocations hors du rap : dans le journalisme, dans l’entreprenariat. C’est véhiculer un état d’esprit via le rap qui est celui de se  documenter, de vérifier ses sources, de toujours revenir à quelque chose qui est épuré. Dans mes morceaux, j’ai toujours voulu véhiculer le dépassement de soit peu importe la discipline dans laquelle on œuvre.”

Ils permettent aussi aux rappeurs de créer des ponts entre les universités et grandes écoles parisiennes, et la jeunesse des quartiers périphériques. Ce fut notamment le cas d’Ekoué (diplômé d’un master de recherche en Politiques et Sociétés en Europe à Sciences Po) et Hamé de La Rumeur qui, lors de leur Masterclasse à Sciences Po, “incitaient tous les organisateurs étudiants à faire le chemin inverse en se déplaçant dans les maisons de jeunesse des quartiers populaires ainsi que dans les prisons pour favoriser la mobilité urbaine et sociale, avec ce but ultime d’expliquer à des jeunes comment intégrer les universités et les grandes écoles”. Une constat que partage Médine qui rappelle que si ces événements sont “anoblissants” pour la discipline, il ne faut pas oublier que le rap n’est pas “lavé de ses représentations” pour autant et qu’il reste beaucoup à faire. “Des que des rappeurs dérapent, on les ramène toujours à leur condition de jeunes de banlieue, à tout ce qu’ils ont de plus effrayant pour la France. On ne parle pas d’artistes, on ne parle plus de poètes, ni de culture mais de sous-culture d’analphabètes ou de pilleurs de musique quand c’est des beatmakers. Quand le rap connaît certains déboires, on le ramène tout de suite à ça et, derrière, il faut toute une génération pour reconstruire quelque chose.”

De bons signes pour l’avenir

Gageons que ce type de manifestations va sûrement gagner en importance dans les prochaines années, les administrations des grandes écoles ayant l’air convaincues de l’intérêt de ces nouvelles démarches scientifiques et culturelles. En effet, l’administration de Sciences Po continue à faire confiance à l’association Noise la Ville, si bien que depuis trois ans, son directeur, Frédéric Mion, inaugure la masterclasse introductive des parrains du Noise Festival annuel (Youssoupha en 2015, La Rumeur en 2017). Une implication qui laisse présager de bonnes choses pour l’avenir.

Pour aller plus loin :

Remerciements à :

Pierre Tâm-Anh, l’association Noise La Ville, Laura Cuissard, Karim Hammou, Séverin Guillard, Marie Sonnette et Emmanuelle Carinos.