Comment une sculpture de Richard Serra s’est retrouvée abandonnée à Ivry-sur-Seine ?

Comment une sculpture de Richard Serra s’est retrouvée abandonnée à Ivry-sur-Seine ?

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© David Corio/Redferns/Getty Images

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Par Donnia Ghezlane-Lala

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La sculpture Clara-Clara repose dans l’arrière-cour d’une ancienne station d’épuration des eaux en banlieue parisienne.

En 1983, une installation de Richard Serra, disparu en mars dernier à 85 ans, a été inaugurée en grande pompe aux Tuileries, à Paris. Clara-Clara, du nom de l’épouse de l’artiste, représentait deux immenses arcs de cercle (deux “C”, pour “Clara-Clara”) en acier cuivré, typiques du style de l’artiste. L’interstice séparant les deux arcs donnait à voir le Louxor de la Concorde, l’Arc de triomphe et le Louvre (qui n’avait, à l’époque, pas encore sa pyramide). Malheureusement, l’œuvre n’a pas plu à tout le monde et les habitant·e·s de Paris ont milité pour son retrait.

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Six mois plus tard, l’installation avait disparu de l’horizon parisien. Initialement, Clara-Clara avait été commandée par le Centre Pompidou, qui devait l’accueillir dans ses espaces… sauf qu’avec ses 210 tonnes d’acier et ses 30 mètres de hauteur, elle s’est avérée trop lourde pour le lieu. Elle séjourna jusqu’en 1990 au Parc de Choisy, dans le 13e arrondissement, mais elle fut rapidement dégradée et taguée. Elle ressuscita également aux Tuileries en 2008, toute rénovée, grâce au soutien de la Gagosian Gallery et de la Broad Art Foundation, à l’occasion de l’exposition “Monumenta”.

Des traces de pieds et de sable ont fini par abîmer l’installation, ce qui n’enchantait que très peu l’artiste. Entre-temps, il avait reçu la Légion d’honneur. En 2009, Clara-Clara a dû être retirée des Tuileries. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’une œuvre de Serra se voyait supprimée du paysage : inaugurée en 1981, Tilted Arc s’est vite retrouvée stockée dans la banlieue de Washington D.C., rapporte Hyperallergic, dans une longue enquête menée par la journaliste Michelle Young.

Cette dernière a “vu de [ses] propres yeux”, en 2010 pendant ses études, le funeste destin de Clara-Clara, dans ce lieu de stockage et de restauration très connu d’Ivry-sur-Seine, dans une ancienne station d’épuration des eaux qui sert désormais de maison de retraite à bien d’autres œuvres artistiques boudées ou ayant fait leur temps.

Michelle Young précise que l’installation est même visible depuis Google Earth et que rien n’a bougé depuis son déplacement en 2010 : les arcs “rouillent à côté de matériaux de construction et de bennes à ordures”. Depuis la mort de Richard Serra, la Ville de Paris pourrait considérer le retour de l’installation dans son centre, pour les Jeux olympiques 2024, même si cela nécessite des prévisions économiques conséquentes. Un hommage posthume, c’est tout ce qu’on peut souhaiter à Clara-Clara.