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Skateboards, gonzo et hamburgers : une ode à l’autostop en film d’animation

Skateboards, gonzo et hamburgers : une ode à l’autostop en film d’animation

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Par Théo Chapuis

Publié le

J’avais pour habitude d’aller dans l’atelier de mon oncle et de créer mes premières histoires avec les recyclages de découpages qu’il jetait aux ordures. On peut dire que je faisais des dessins-animés morts-vivants !

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Le public du festival a paru embarrassé, beaucoup de gens ont semblé ne pas aimer Asphalt Watches… Pourtant, une autre partie du public semble l’avoir apprécié. Je viens tout juste de quitter un Sud-Africain qui semblait frappé par le film : “C’est le meilleur film que j’ai vu à Annecy !”, m’a-t-il dit, et ça fait du bien parce que les seuls retours qu’on a eus jusqu’ici étaient… très mauvais ! On a même lu quelque part qu’on avait réalisé le pire film d’Annecy. Donc les réactions des spectateurs couvrent l’intégralité du spectre…

Son analyse, dénuée de langue de bois, s’entend parce qu’il préfère de loin l’honnêteté ou le mépris : “Qu’elles soient terribles ou bien dithyrambiques, je préfère de loin avoir de fortes réactions concernant quelque chose que j’ai réalisé. Même les mauvaises critiques nous font plus plaisir que l’indifférence”.
La pression, connaît pas. Et pour cause : cette vaste blague n’aurait jamais dû aller aussi loin. À l’aune du voyage, ses deux réalisateurs avaient en tête de publier un magazine et non de réaliser un film. Cette idée, ils l’ont formulée dès le début de leur voyage. Shayne explique :

Nous avons dessiné un storyboard pendant le trip en autostop, mais ça n’avait pas l’ambition de devenir le matériel d’un film. Juste une sorte de journal racontant les séquences du voyage.

Shayne | L’idée originale, c’était de monter dans les trains de marchandises en marche. Mais comme tu le vois dans le film, tout ce qu’on savait sur cette manière de voyager se trouvait dans un bouquin qui date de 1988… donc les itinéraires n’étaient plus les bons. On n’avait plus le choix : il fallait partir en autostop.
Seth | L’été, c’est le moment de l’année où il faut voyager au Canada. Shayne et moi nous étions rencontré l’année précédente, mais habitions chacun d’un côté du Canada. Lui à l’Ouest, à Vancouver, et moi à Halifax, complètement à l’Est. Une fois que je m’y suis rendu en stop avec ma copine, qui partait plus loin, dans le Yukon, j’ai retrouvé Shayne… qui comptait partir de l’autre côté. Et vu que de toute façon, je devais rentrer, on a décidé de faire le trip ensemble.

Sept ans et demi de labeur

Soyons honnêtes deux minutes. Cette histoire simple de deux white trash à la dérive n’a pas les rebondissements d’un scénario à tiroirs. Après tout, ce n’est que le récit gonzo d’un voyage en autostop. Je me résous alors à leur demander quelle mouche les a piqués de monter un projet aussi titanesque à propos de leurs vacances à l’été 2000. Ça fait marrer Seth sous sa moustache, avant qu’il ne me réponde :

Je me suis rendu compte que je racontais l’histoire de ce voyage à tout le monde. Et Shayne faisait la même chose de l’autre côté du pays. On en a reparlé par hasard, puis c’est là que c’est devenu un projet et qu’on a décidé d’en faire un film d’animation. On s’est revus… [il réfléchit, une pause] six ans plus tard.

En sept ans et demi, on a vu évoluer la technologie. Les premiers ordinateurs sur lesquels on travaillait n’avaient pas grand-chose à voir, en termes de performance, avec ceux d’aujourd’hui.

Oui, on l’a vraiment rencontré aussi. On l’a trouvé très menaçant, il était en train de nous laver le cerveau, sérieux ! Finalement, j’ai eu encore plus peur de lui en y repensant plus tard. La dernière chose qu’il nous a dite, c’était de ne jamais parler de lui.

L’occasion pour Shayne d’insister : “ce qu’on raconte dans le film est proche, très très proche de ce qu’on a vraiment vécu pendant le voyage”.
Bourré de représentations populaires délirantes, Asphalt Watches est aussi farci de hamburgers. Après avoir souri du rictus de celui à qui on a souvent posé la question, Shayne me répond : “On avait faim tout le temps. Mais c’est aussi comme un thème, comme un running gag. La bouffe de l’autoroute, la junk food, la merde, quoi. Sur la route, au Canada, c’est le seul truc qu’on te sert. Donc c’est à la fois ce que tu veux manger et ce que tu finis par détester. En plus, on aime bien les dessiner”.

Les hamburgers qui croustillent

Si vous trouvez les personnages et l’animation cheap, attendez d’entendre la musique. Toujours à la recherche des sons les plus purs, c’est Shayne qui s’en est chargé, quasiment de A à Z. Entre sons produits à la bouche et enregistrements de matériaux divers et variés, il raconte son obsession à trouver le son parfait pour chacune des séquences.

Par exemple, lorsqu’il y a un bruit de bois qui tombe, on a vraiment trouvé un tronc pour taper dessus et enregistrer le bruit que ça produisait. Aussi, lorsqu’un personnage déchire un billet, eh bien on a vraiment déchiré un billet et capturé le son.

Épris de musique, Shayne est en quête permanente de nouveaux sons à capturer, notamment pour créer l’ambigüité.

Par exemple, pour illustrer le moment où on mâche nos hamburgers, on a enregistré des céréales au riz soufflé, pour qu’on puisse croire qu’ils sont croustillants. On peut considérer que nos sons sont cheap, quelque part. D’ailleurs, ils ont fait rire beaucoup de gens lors des projections. Mais on les a vraiment enregistrés dans le but que ça produise une bande-son honnête.

On a déjà commencé à travailler sur notre prochain film. Au vu du peu de storyboard qu’on a déjà entamé, ce sera totalement différent. Les deux personnages resteront sans doute les mêmes que ceux d’Asphalt Watches – quoi qu’on n’a pas vraiment encore décidé, en fait…– mais il devrait se passer tout à fait autre chose. On ne sait même pas si c’est possible, en fait. On voudrait être un peu plus, cette fois. Faire un film à deux, c’est très long. Dans le cas où on aurait une équipe, ça pourrait aller plus vite.

Plus vite que sept ans et demi, en tout cas.
Asphalt Watches se mate sur Vimeo On Demand pour 5$ et s’achète pour 10$. C’est par ici que ça se passe.