Un an après le cathartique 3:33am, sur lequel elle affrontait le décès de sa mère, la New-Yorkaise est de retour avec Conexão. Un second EP romantique, davantage tourné vers la lumière, grâce auquel elle renoue avec le monde alentour.
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Amber Mark est de retour. La chanteuse et productrice américaine, qui nous avait bouleversés l’an passé avec 3:33am, offre aujourd’hui Conexão : un nouvel EP envoûtant, grâce auquel elle précise davantage sa “soul tribale” et renoue avec ses sentiments amoureux. “J’ai traversé une période vraiment très dure après le décès de ma mère, une période pendant laquelle je me disais constamment que je serais incapable de retrouver un amour aussi puissant que celui qu’elle me portait. C’est à ce moment-là que j’ai écrit 3:33am, nous confiera-t-elle. Mon nouvel EP s’inscrit beaucoup plus dans l’idée de la romance…”
Conexão puise en effet ses origines dans une période marquée par l’espérance. Sa conception a été motivée par une forme de renaissance dans le cœur d’Amber Mark. “J’ai fini par comprendre que je pourrais retrouver l’amour”, expliquera la jeune femme. De “Love Me Right” à “All the Work” en passant par “Love is Stronger than Pride”, les quatre titres de cet EP nous immergent ainsi dans une atmosphère à la fois enchanteresse et délicate, emplie de douceur et de romantisme, qui permettent à Amber Mark de s’imposer comme l’un des nouveaux visages de la soul américaine. De passage à Paris, où elle compte bien passer du temps à étayer sa musique inspirée et inspirante, la New-Yorkaise revient sur la conception de ce lumineux nouveau projet.
“J’aimerais beaucoup travailler avec SebastiAn”
Konbini | Il y a un an, nous nous entretenions pour discuter de ton premier EP, 3:33am. Que s’est-il passé pour toi depuis ?
Amber Mark | Pas mal de choses ! Pour commencer, j’ai assuré la première partie de la tournée américaine de Glass Animals, ce qui était vraiment fun et enrichissant. J’ai également commencé à travailler avec plusieurs producteurs, en Californie, où je venais tout juste de m’installer au moment où l’on s’était appelé, il me semble… J’ai beaucoup écrit aussi, évidemment, portée par ces nouvelles collaborations. Et puis il y a eu pas mal de voyages entre New York, Londres et Los Angeles, ce qui m’a beaucoup inspirée.
En parlant de voyages : tu as grandi entre Miami, New York, Berlin et l’Inde, pays qui t’a beaucoup inspirée. Les confrontations avec des cultures étrangères ont façonné ta musique. Est-ce que c’est quelque chose que tu comptes continuer d’explorer ?
Oui, clairement ! J’aimerais beaucoup revenir à Paris, pour y passer plus de temps, m’imprégner de l’énergie de cette ville, qui a l’air folle. Je pense que ce serait inspirant pour moi, pour ma musique. D’ailleurs, il y a quelques jours, j’étais avec ce producteur français, SebastiAn. J’ai adoré son univers ! J’aimerais beaucoup revenir pour travailler à ses côtés…
Jusqu’ici, tu produisais l’intégralité de tes morceaux. Pourquoi désires-tu aujourd’hui t’entourer de producteurs ?
Déjà parce qu’il y a des producteurs avec lesquels je rêve de collaborer, depuis toujours. Et ensuite, parce que j’ai pris conscience que les plus grands albums ont été faits à au moins quatre mains. Même si j’adore travailler seule dans mon coin, j’ai le sentiment que c’est important pour moi de m’allier à d’autres personnes, de me nourrir d’elles. Ces producteurs dont je te parle, ce sont des gens qui savent clairement ce qu’ils font – contrairement à moi, qui pianote un peu au hasard [rires]. J’apprends énormément d’eux.
Ceci dit, et c’est assez paradoxal, je flippe complètement à l’idée de bosser avec d’autres personnes ! Ça me fait vraiment peur, je te jure ! Quand je suis toute seule, je peux être cheloue et partir dans tous les sens. Mais quand je suis entourée, en studio par exemple, je suis super intimidée… Je me dis : “Mais qu’est-ce que je fous ici ? Et surtout, qu’est-ce que ce producteur fout là ? Pourquoi il a envie de bosser avec moi ? Je ne capte pas !” [rires] Mais j’ai envie de dépasser cette peur, et d’arriver à ce stade où je serai complètement à l’aise du fait d’être en studio, aux côtés de plein d’autres personnes.
“Cet EP retrace la façon dont j’ai réussi à m’ouvrir aux autres à nouveau”
3:33am était un projet très personnel, cathartique même, qui t’a permis d’affronter tes émotions et d’accepter le deuil de ta mère. Qu’en est-il de Conexão, ton nouvel EP ?
Il est tout aussi personnel, mais il n’est pas aussi triste. J’ai traversé une période vraiment très dure après le décès de ma mère, une période pendant laquelle je me disais constamment que je serais incapable de retrouver un amour aussi puissant que celui qu’elle me portait. C’est à ce moment-là que j’ai écrit 3:33am.
Et puis, petit à petit, j’ai fini par comprendre que je pourrai retrouver l’amour, qu’il s’agira simplement d’un amour différent du sien. Et c’est de cela dont parle Conexão. Ce nouvel EP s’inscrit beaucoup plus dans l’idée de la romance… une romance un peu cheesy [rires] ! Je ris parce que j’étais vraiment contre cette idée à la base, contre le fait de faire une musique mielleuse et ultra-romantique. J’étais vraiment partagée en créant cet EP ! D’un côté, je me disais : “Ah non, c’est mort, tu ne vas pas partir dans ce délire-là !” Et de l’autre, j’étais là : “Ouais mais merde, c’est ce que je ressens aujourd’hui, et je veux que ma musique soit honnête !” Mon côté cheesy l’a remporté.
Cet EP parle donc d’amour, mais surtout de connexions entre êtres humains. C’était ça, ta ligne directrice ?
Oui, exactement. L’idée de se reconnecter au monde. Parce qu’un temps durant, comme je te le disais tout à l’heure, j’ai vraiment eu l’impression de me refermer sur moi-même, de m’enfermer dans le travail, de ne plus savoir et pouvoir aimer à nouveau… Cet EP retrace la façon dont j’ai réussi à m’ouvrir aux autres à nouveau, à réaliser qu’il n’y avait pas qu’un seul type de connexion, et que ces connexions peuvent être multiples et tout aussi belles.
Je n’y parle pas uniquement de relations amoureuses, d’ailleurs. Par exemple, le morceau “All the Work” est une projection, dans laquelle je parle à mon moi du futur. Je l’ai écrit bien avant d’avoir été signée sur un label, après m’être fait recaler par des gens avec lesquels je voulais vraiment bosser. Je me souviens, j’étais super énervée, et j’ai commencé à écrire ce morceau optimiste et combatif, dans lequel je me dis : “Regarde où tu en es aujourd’hui, tu as réussi !” Ce qui est assez drôle car depuis, les personnes que j’avais contactées à l’époque sont revenues vers moi en me disant qu’elles appréciaient ma musique…
Et pourquoi ce titre emprunté au portugais, Conexão ?
Parce que j’ai beaucoup été inspirée par la bossa-nova, un genre que j’affectionne énormément (j’adore la musique brésilienne de façon générale), et que je trouve très romantique et sensuel. Je trouvais ça pertinent (et joli, aussi !) de nommer l’EP ainsi.
Pour moi, ce mot reflète aussi le fait que tu te sentes connectée à une infinité de pays, ce qui est d’autant plus pertinent…
Oui, c’est vrai. Et puis, le Brésil est le dernier pays dans lequel je me suis rendue avec ma mère. Elle a toujours écouté énormément de musique brésilienne.
“Beaucoup d’artistes disent que la musique est une forme de thérapie ; je le crois aussi”
Fin mars, tu dévoilais le clip de “Love Me Right”, dans lequel tu apparais sous la forme d’une déesse ensorcelante. Pourrais-tu me raconter la genèse de cette vidéo ?
Ce morceau parle du fait d’être sous-estimé·e par son compagnon (qu’il soit fille ou garçon), et de parvenir à comprendre ses sentiments, à mettre des mots dessus, car j’ai personnellement souvent eu du mal à comprendre mes émotions. Je voulais donc que le clip me représente dans cette réflexion m’amenant à la conclusion que je veux être aimée davantage, autrement, comme je l’entends. Du coup, je voulais que la vidéo se termine sur une confrontation entre les deux amants, pendant laquelle je chuchote les paroles de la chanson. Et les plans dont tu parles, où l’on me voit effectivement prendre l’apparence d’une sorte de déesse, ces moments-là évoquent ce qu’il se passe dans ma tête : ils montrent la façon dont je me perçois moi, et dont j’aimerais que mon mec me perçoive.
Comment dirais-tu que ta musique a évolué depuis tes débuts avec 3:33am ?
Sur la forme, je crois que j’ai acquis davantage de connaissances en termes de production, ce qui m’aide beaucoup techniquement. Et sur le fond… disons que 3:33am était un projet ultra-personnel et symbolique, car il parlait de ma mère, et honnêtement, je ne pense pas que je serai capable de refaire un EP aussi fort dans le futur. Mais je pense malgré tout que ma musique garde quelque chose de très personnel et de très symbolique. Seulement, aujourd’hui, elle se tourne davantage vers la joie, la jouissance. Mais bon… je suis une personne hyper dramatique [rires], donc ne vous inquiétez pas : il y aura toujours une part de tristesse dans mes projets ! Dès que je suis confrontée à un problème dans ma vie, aussi minime soit-il, je suis là en mode : “Oh mon Dieu, il faut absolument que j’écrive là-dessus !” [rires]
Est-ce que tu décris toujours ta musique comme de la “soul tribale” ?
Je crois que ma musique flirte davantage avec le R’n’B aujourd’hui, mais pour moi, oui, elle sonne toujours comme de la soul tribale. Sur “Love Me Right” par exemple, tu peux entendre du tabla [un instrument de musique de percussion venu du nord de l’Inde, ndlr]. Il y a quelques petites touches comme ça, par-ci par-là. J’essaie toujours d’utiliser des instruments venus du monde entier. C’est très important pour moi de garder cette notion-là.
Tu es actuellement en tournée chez toi, aux États-Unis, mais tu as déjà fait un concert à Londres. Qu’est-ce que cela te fait, de constater que ta musique peut traverser les frontières ?
C’est incroyable ! C’est la meilleure récompense de ce métier pour moi. Et tu vois, il s’agit encore et toujours de connexions entre les gens ! Je ne m’attendais vraiment pas à cela, surtout au début, quand j’ai écrit l’EP pour ma mère [3:33am, ndlr]. J’ai essayé de rendre certaines paroles un peu plus générales, pour que les gens puissent s’y identifier ; mais même “Moonsoon”, qui parlait très spécifiquement de ma mère, eh bien beaucoup de gens se sont sentis connectés à cette chanson !
Personnellement, quand je découvre un morceau avec lequel je connecte vraiment, je trouve ça juste… incroyable. Et donc, le fait de savoir que des gens venus des quatre coins du monde puissent ressentir ça avec ma musique… c’est le rêve ! J’ai déjà accompli ma mission, en fait je peux rentrer chez moi là [rires] !
Finalement, qu’as-tu trouvé dans la musique que tu n’as jamais su trouver dans aucune autre forme d’expression ?
Une libération. La musique est très certainement la meilleure forme d’expression qui soit, en tout cas, elle l’est à mes yeux. Dans la vie de tous les jours, comme je te le disais, j’ai du mal à exprimer mes sentiments, surtout quand ils sont douloureux. Après le décès de ma mère, je n’arrivais juste plus à m’exprimer, à parler de mon ressenti. Je suis même allée voir des psys. Mais leur parler, c’était beaucoup moins efficace qu’écrire. Parce que dès que j’écrivais… tout sortait. La musique m’a aidée en cela, elle m’a aidée à m’exprimer.
Beaucoup d’artistes disent que la musique est une forme de thérapie ; je le crois aussi. Et je crois même que ça peut l’être pour les personnes qui l’écoutent. C’est probablement l’art auquel il est le plus facile de se connecter, de s’identifier, et ce même si tu ne connais pas les paroles, ou ne parle pas la même langue que l’interprète… La musique dépasse le langage.
Conexão, le second EP d’Amber Mark, est disponible depuis le 4 mai 2018.