À tous les hommes gays (et aux autres) : le film Sans jamais nous connaître va vous briser le cœur

Andrew Scott + Paul Mescal = cœur brisé

À tous les hommes gays (et aux autres) : le film Sans jamais nous connaître va vous briser le cœur

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© Searchlight Pictures

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Par Flavio Sillitti

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Mais ça va vous faire du bien, promis.

C’est le 14 février, vous vous dirigez en amoureux·ses ou en solitaire vers les salles obscures à la recherche de la nouvelle comédie romantique qui fera palpiter votre petit cœur pour vous rappeler à quel point l’amour, c’est beau, c’est fort, c’est coulant, et, fruit du hasard, c’est le jour de la sortie de Sans jamais nous connaître, nouveau film du réalisateur Andrew Haigh, avec Paul Mescal (le daddy sexy d’Aftersun) et Andrew Scott (le prêtre sexy de Fleabag) en couple ? Un rêve ! Je vous arrête tout de suite : il a beau être un film sur l’amour, c’est surtout un film profondément triste. Sans spoiler, je vous explique comment ce long-métrage m’a détruit, et pourquoi c’était nécessaire.

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Sur le papier, j’étais déjà conquis : le réalisateur de la superbe série Looking qui raconte ses propres fêlures à travers un film romantique rassemblant Andrew Scott et Paul Mescal, avec une photo promotionnelle des deux acteurs enlacés, comment dire non ? J’ai eu l’occasion de découvrir le film en avant-première lors du festival Chéries-Chéris, à Paris, et je me suis installé dans la salle de cinéma préparé pour une bonne dose de romance libidineuse entre deux de mes acteurs préférés du moment. J’en suis ressorti le sang glacé, complètement retourné. De souvenir, je n’ai pas forcément versé de larmes pendant la projection, mais la boule au ventre m’est rapidement montée à la gorge pour y gonfler et y rester plusieurs jours. Déchirant.

L’histoire est simple : Adam, double fictionnel du réalisateur incarné avec force par Andrew Scott, est un auteur en pleine création, envieux d’écrire sur sa vie et donc la mort de ses parents dans un accident de voiture alors qu’il était enfant. Ses longues journées de sèche et de cogitation se voient bouleversées par sa rencontre avec Harry, jeune éphèbe campé par Paul Mescal, qui est l’unique voisin de son immeuble londonien, complètement vide et plutôt austère. Jusque-là, tout va bien. Jusque-là.

Pourquoi c’est triste ?

Andrew Haigh, réalisateur britannique à l’œuvre queer mais surtout plurielle, sait mieux que quiconque qu’un film gay n’est jamais qu’un “film gay”. Avec Sans jamais nous connaître, il donne naissance à un hybride romantique, certes, mais aussi oppressant à la manière d’un thriller, grave à la manière d’un drame et référencé à la manière d’un film historique sur l’état de l’Angleterre face à des questions de société qui devraient toutes nous concerner. Et vous voudriez le limiter au rang de “film gay” ?

Bon, on ne va pas se mentir, son sujet est gay, mais il se défait enfin des douleurs gays clichés qu’on a tant retrouvées dans d’autres films relégués au même rang de “films gays” : les amours impossibles, la crise du sida, la honte. Ici, comme dans sa merveilleuse série Looking, Andrew Haigh donne de l’épaisseur aux existences gays masculines et n’a pas peur de triturer dans les spécificités le plus souvent tourmentantes de l’identité queer, comme la solitude, qui reste selon moi le vrai sujet du film.

Le personnage d’Adam est seul, au sens propre comme au sens figuré, et sa solitude n’a pas manqué de résonner avec la réalité de mon propre quotidien souvent matrixé par les applications de rencontre et surtout celles spécifiquement queers qui nous enferment chez nous à la poursuite de connexions éphémères et imaginaires. Le deuil et la solitude, sous l’égide d’Andrew Haigh, prennent des proportions poétiques mais lancinantes. Sans jamais nous connaître n’a pas peur de nous faire mal, de nous faire peur, et j’ai parcouru le film à la manière d’un film d’horreur, dans la crainte de la prochaine frayeur émotionnelle.

Cela étant dit, évidemment que c’est magnifique et que je l’aime, ce film. Véritable expérience d’essorage émotionnel, Sans jamais nous connaître m’a confronté au mélodrame parfois inhérent de l’existence queer, cette solitude qu’on ne dit pas assez, de peur de s’y reconnaître peut-être ? Je m’y suis reconnu, et j’en suis reconnaissant. Parce qu’après le vertige et la pointe au cœur viennent forcément les grandes respirations, les prises de recul et la réparation. Merci, Andrew Haigh, de m’avoir brisé le cœur, et surtout de m’avoir offert les quelques clés pour le recomposer après. Grand film.