Dans la short list des motifs du mouron que je me fais pour mes (futurs) enfants il y a en pole position les répercussions de la crise environnementale. Talonnées par la perspective d’une Troisième Guerre mondiale ou d’un accident nucléaire. Sur une note plus teintée SF, j’appréhende aussi vachement l’impact apocalyptique d’un astéroïde XXL, dans un scénario à la Armageddon ou Don’t look up.
Ça fait déjà beaucoup. Et cette funeste liste s’est encore allongée après avoir vu sur Prime Video Demain, tous crétins (2017). Titre à la résonance potache, quoique pas franchement rassurante, pour une enquête documentaire signée Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade abordant de front l’érosion des capacités cognitives. Une tendance qui, à l’échelle de notre espèce, nous mènerait droit dans le mur. Et qui serait liée aux perturbateurs endocriniens, selon plusieurs chercheurs. Grosso modo, nous baignerions tous dans une “soupe chimique” qui ravagerait le cerveau des fœtus. Explications.
La déficience mentale partout, pour tous : l’inévitable cataclysme ?
La sentence n’aura pas tardé à tomber. “Nous devenons de plus en plus stupides, ça se passe en ce moment et ça ne va pas s’arrêter”, balance à la manière d’une bombe Edward Dutton au début du docu’. Les travaux de ce chercheur britannique l’ont prouvé, le QI des pays scandinaves, après avoir augmenté jusqu’au milieu des années 1990, n’a fait que chuter. Et ailleurs aussi, en France et en Allemagne notamment, la courbe de l’intelligence s’inverse à vitesse grand V.
Le scénario catastrophe d’un scientifique isolé, et un brin alarmiste ? Malheureusement non. Outre l’écroulement du QI, l’endocrinologue et actuelle directrice de recherche au CNRS Barbara Demeneix pointe du doigt l’explosion du nombre d’enfants souffrant de déficit de l’attention, d’hyperactivité ou de troubles neuro-comportementaux.
En Californie par exemple, entre 1990 et 2001, le nombre d’enfants diagnostiqués autistes a bondi de… 600 %. Un pourcentage ahurissant, d’où a résulté un constat tout aussi terrifiant : au moment où a été tourné le documentaire, 1/68 des nouveau-nés américains étaient autistes.“Reverrons-nous un jour un autre Bach, un autre Mozart ?”, s’interroge sérieusement la chercheuse. Manière de rappeler que la page des génies de l’humanité est, peut-être, définitivement tournée.
L’iode, clé insoupçonnée du développement cérébral
À ce stade de l’enquête, reste à déterminer la cause de cette atrophie progressive de notre matière grise. En quête de réponse, le documentaire nous entraîne dans les vertes vallées de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où un médecin britannique, Peter Pharoah, observait dans les années 1970 que, dans une zone délimitée, 1/7 enfant était atteint de “crétinisme”. Une maladie congénitale caractérisée par un retard mental, une petite taille et le renflement de la thyroïde.
Stupéfait, le docteur soupçonne une corrélation entre la pathologie et un déficit d’iode – essentiel à la production des hormones thyroïdiennes. Il inocule alors cet oligo-élément à une partie de la population et constate l’absence de nouveaux cas de crétinisme, lorsque l’injection a lieu avant que les femmes ne soient enceintes. Conclusion ? Les hormones thyroïdiennes seraient essentielles au développement cérébral de l’enfant.
Faire consommer de l’iode (sous forme de poisson, ou de sel iodé…) aux mères enceintes relèverait donc de l’urgence de santé publique dans un monde où l’OMS alertait en 2017 sur une carence d’iode dans une cinquantaine de pays – dont beaucoup en Europe, où 44 % de la population serait carencée.
Perturbateurs endocriniens, les grands coupables
Malheureusement, le problème n’est pas circonscrit à des lacunes d’iode dans nos consommations alimentaires. De nombreux agents chimiques aux structures proches de celle de l’iode prennent la place des hormones thyroïdiennes dans notre organisme. Et perturberait donc le développement cérébral des fœtus, selon plusieurs scientifiques intervenants.
Les coupables s’appellent Brome, Chlore et Fluore. Ils s’immiscent à échelle industrielle dans nos canapés, nos aliments, nos housses de couette. Mais aussi sur nos fruits et légumes, via la vaporisation de pesticides.
Seule solution : livrer bataille contre les lobbys pour réglementer l’usage de ces funestes molécules sur les marchés internationaux. “Il faut innover et produire des molécules non toxiques, sinon on va assister à la disparition de la structure la plus sophistiquée que l’évolution ait créée : le cerveau humain”, s’alarme Barbara Demeneix, qui a participé à plusieurs reprises à des rencontres avec des élus au Parlement européen. Ce dans l’espoir de pousser au vote de lois interdisant certains pesticides.
Tout l’enjeu est là. Militer pour endiguer le drame. Éduquer le corps politique, bousculer les institutions, sensibiliser les populations (rappel : MANGEONS DU POISSON). Une nécessité, à l’heure où l’inertie des pouvoirs publics sur la question des perturbateurs endocriniens pourrait bien faire courir à la catastrophe notre espèce tout entière.