“L’effet papillon”, intarissable source d’inspi’ du cinéma

“L’effet papillon”, intarissable source d’inspi’ du cinéma

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

De Retour vers le futur à Terminator.

Imaginez. Vous ramassez une pièce de monnaie dans la rue, et les répercussions de ce micro-événement mettent le monde à feu et à sang. Petite action, grandes conséquences. Copieusement décliné dans le ciné hollywoodien, ce principe de causalité est communément appelé “l’effet papillon”. Au risque d’un léger galvaudage du sens originel de l’expression, venue du discours d’un éminent scientifique américain à propos de… La “théorie du chaos”. Kézako ?

“Prédictibilité : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?”

En 1972, le météorologue Edward Lorenz surprend son monde avec ce titre de conférence, donnée à la très sérieuse American association for the advancement of science. Travaillant sur la prédictibilité des phénomènes météorologiques, ce scientifique a remis en question les lois dites “déterministes” avancées par Galilée, puis développées par Newton. Grosso modo, le principe en était le suivant : si X arrive, alors Y suivra.

Élémentaire ? Non, soutient Edward Lorenz. Selon lui, une variation infime entre deux situations X peut déboucher sur des événements radicalement différents. A ou Y, mettons. Cette hypothèse suppose donc l’imprévisibilité d’événements sur le long terme. Il s’agit de la “théorie du chaos”, dont “l’effet papillon” est une métaphore.

L’idée n’étant pas de soutenir que le vol d’un insecte puisse effectivement entraîner un cataclysme. Mais de pointer le fait que des petits facteurs peuvent entraîner d’immenses contrecoups, à cause de ce qu’Edward Lorenz appelle “la sensibilité aux conditions initiales”. Un principe exemplifié par l’inénarrable Jeff Goldblum dans Jurassic Park, lors d’une légendaire séance de flirt avec Laura Dern. Savourez.

Un usage cinématographique galvaudé ?

À l’origine, “l’effet papillon” concerne exclusivement le domaine mathématique. Les variations d’événements, dans cette théorie, étant liées à des modifications infimes de variables chiffrées. S’affranchissant de cette sphère de réflexion matricielle, de nombreux cinéastes ont extrapolé “l’effet papillon” en l’appliquant au domaine de la petite et grande histoire.

Mais ce n’est que justice. Car, à l’origine, pour articuler sa métaphore, Edward Lorenz s’est inspiré d’un texte où la mort d’un papillon cause des bouleversements drastiques dans l’avenir de l’humanité. Cette intrigue est celle d’Un coup de tonnerre, une nouvelle publiée en 1952 et signée par l’un des pontes de la SF, Ray Bradbury.

C’est le fil rouge de ce récit, plutôt que la dimension matheuse de “l’effet papillon” qui a inspiré une foule de cinéastes. Dans le premier volet de Terminator, un Arnold Schwarzenegger plus gros muscles gros bras que jamais est envoyé dans le passé pour supprimer Sarah Connor, et ainsi empêcher son fils – futur leader d’une résistance contre le règne de l’IA – de naître.

Toujours dans le registre du voyage temporel, la franchise de Retour vers le futur joue sans cesse avec “l’effet papillon”. Marty et Doc y apprennent, souvent à leurs dépens, que la moindre interférence dans la boucle spatiotemporelle peut avoir un impact titanesque sur le déroulé des événements.

De manière similaire, L’Effet papillon illustre plusieurs interférences avec le passé destinées à modifier des trajectoires de vies. Quant à Mr. Nobody, il s’agit d’un récit non-linéaire à “choix multiples” autour de l’existence d’un homme. Du genre : et si, au lieu d’accompagner sa mère au moment du divorce parental, Nemo Nobody avait choisi de suivre son père ?

Run, Lola, Run, L’Armée des douze singes, Projet Almanac… Les films qui piochent du côté de “l’effet papillon” sont légion. Et la théorie a récemment séduit au-delà du 7e art. Mentionné dans le rap US (Butterfly Effect, de Travis Scott), il est aussi servi à diverses sauces dans l’industrie du jeu vidéo (Until Dawn, Life is Strange…). Né de la littérature SF avant d’être conceptualisé dans un cadre scientifique, “l’effet papillon” irriguerait-il toute la culture pop ? Ça y ressemble fort.