Amir vit depuis cinq ans en France. Petit à petit, il est devenu Français, dans les faits. Aujourd’hui, il veut l’être officiellement.
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Le 17 septembre 2018 a marqué le cinquième anniversaire de mon arrivée en France. À cette date, j’ai déposé un dossier de demande de nationalité française par naturalisation. C’est un moment que j’attendais depuis très longtemps, depuis mon premier voyage en France en juillet 2010, grâce une bourse du Consulat général de France à Jérusalem. J’avais 20 ans.
Je me souviens longer les quais de la Seine de Notre-Dame à la Tour Eiffel, passer devant le pont Alexandre-III et les Invalides, et dire à l’amie à mes côtés : “Un jour j’aimerais vivre ici.”
Le rêve est gratuit. Qui aurait imaginé que cela se réaliserait quelques années plus tard, et que j’habiterais près des Invalides, que je vois tous les soirs ?
La France a été un coup de foudre. On a toujours peur que le coup de foudre passe avec le temps et que l’on se retrouve seul. C’est ce que beaucoup de gens m’ont répliqué quand ils m’ont entendu exprimer tout mon amour pour la France.
Mais Dieu merci, cet amour est toujours là. Maintenant, ma vie est ici, en France : mes amis, mon travail, mes activités culturelles et associatives.
Dans le dossier de demande de naturalisation, il y a une partie réservée aux preuves de l’intégration dans la société française. Je n’ai pas fait d’efforts pour m’intégrer, j’ai juste observé et été porté par cette magnifique aventure qu’est la découverte d’un autre monde.
Puis, il y a eu cette passion pour les langues et cultures latines. Cela a été facile. Je ne me suis jamais dit que je voulais être français, je le suis devenu avec le temps, influencé par un mode de vie, une culture et une politique du vivre-ensemble.
En France, j’ai appris à croire en l’Homme
Dans l’entretien de naturalisation, on demande aux étrangers ce qu’ils ont apporté à la France. Je n’ai pas de réponse. Par contre, je sais ce que la France m’a apporté par sa culture, sa conscience politique, son ouverture sur le monde, ses idées d’égalité et de fraternité.
J’ai appris à croire en l’Homme, en sa fragilité et sa créativité. J’ai appris à ne jamais justifier l’oppression et à me mettre toujours à la place des autres. J’ai compris que l’Homme ne choisissait jamais son malheur. Qu’être gentil ne suffisait pas. Qu’on ne vivait pas seulement pour soi et que l’Homme était redevable envers sa société.
J’ai appris à croire en l’État et sa justice et en l’idéal républicain, que le citoyen devait toujours penser à l’intérêt général et être responsable de ses actes. Je pense que lorsque l’on vit dans un pays par choix et par amour, on doit faire partie de ce pays.
En France, les étrangers ont les mêmes droits que les Français sauf le droit de vote, ce qui m’a bien arrangé pendant cinq ans, car je ne me sentais pas responsable. Et ce n’est pas seulement pour le droit de vote que je demande la nationalité française. C’est une question d’identité.
Alors qu’on parle de cette crise d’identité, ou de ce mal d’identité, en Europe, moi j’ai la chance d’en avoir une : celle d’un Arabe palestinien, musulman (tout ce que je n’ai pas choisi), francophone et francophile, qui se sent parfaitement Français et Européen.
Si j’avais immigré en Italie ou en Espagne, j’aurais fait la même démarche. Pour moi, c’est important de faire partie du pays dans lequel je vis et envisage mon avenir. Je fais partie des gens très rares qui ont cette chance de pouvoir choisir leur identité.
La nationalité n’est pas un droit. Elle peut être refusée. Mais au moins, j’aurais fait mon devoir.
Amir, 27 ans, salarié, Paris
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.