Témoignage : le confinement et le coronavirus n’effacent pas les inégalités (médiatiques)

Témoignage : le confinement et le coronavirus n’effacent pas les inégalités (médiatiques)

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Marché de Barbès, le 18 mars 2020, Paris. © JOEL SAGET / AFP

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Par La Zep

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Pour certains médias, il y aurait les "indisciplinés" des banlieues et les Parisiens qui s’accordent des "moments d'insouciance".

Cela va faire une semaine que je suis confinée chez moi à Chanteloup-les-Vignes, un quartier dit “sensible”, situé dans les Yvelines. Télétravail, infos, dodo, c’est ma nouvelle routine… Les infos justement, parlons-en.

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J’ai la forte impression qu’on essaie de nous faire croire que seuls les banlieues et quartiers populaires ne respectent pas le confinement, alors que le lendemain de l’annonce du président, la moitié des Parisiens faisait des pique-niques au parc Montsouris et ses petites courses au marché d’Aligre.

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Depuis ma banlieue, je suis de nouveau frappée par le traitement médiatique à deux vitesses dont nous sommes témoins. Quand les journalistes tournent les caméras vers les quartiers plus défavorisés tels que Barbès ou Château-Rouge, on parle très (trop) rapidement “d’incivilité” et de non-respect du confinement.

Faire ses courses à Château-Rouge pour acheter de la bouffe “exotique” (comme certains aiment bien l’appeler), c’est faire ses courses alimentaires au même titre que les autres, juste au cas où (et ça, c’est autorisé). ‪Une interview du Figaro qui parle du travail des policiers en période de confinement commence quand même par : “Certains ‘territoires perdus’ sont d’ordinaire peu enclins à respecter l’État de droit.” C’est dire ! ‬

Le racisme et le mépris de classe sont de sortie

J’ai l’impression que le confinement a fait se stopper pas mal de choses, mais certainement pas le racisme et le mépris de classe. Il n’y a qu’à observer les localisations des dernières vidéos de bavures policières qui tournent sur les réseaux sociaux, depuis quelques jours.

Pendant que sur le canal Saint-Martin, ça fait des shootings et des balades en famille pour profiter de la météo ensoleillée, une jeune fille de 16 ans se fait tabasser par la police à Aubervilliers et des amendes sont distribuées à gogo dans toute la Seine-Saint-Denis…

Confinement : l’objectif premier, c’est de sauver des vies !

Ma famille à la Réunion n’avait que très peu de chances de contracter le virus et aujourd’hui on compte déjà une soixantaine de cas, dont la majorité sont des personnes arrivant de métropole. J’aimerais bien que les médias documentent plus ce phénomène de fuite totalement inconscient, par exemple.

Ce ne sont pas les pauvres qui prennent leur billet d’avion égoïstement pour fuir vers les départements d’outre-mer et l’étranger – et contaminer le reste du monde, en passant. Ni les pauvres qui vont se réfugier dans leur petite maison de campagne en ruralité – et contaminer le reste de la France, en passant. Et pas les pauvres qui surchargent les petites cliniques et hôpitaux qui n’ont pas les mêmes moyens et capacités d’accueil que les grands CHU de Paris…

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L’objectif premier, c’est de sauver des vies et pas de faire des battles pour savoir qui respecte le plus le confinement. Il m’est difficile de garder mon calme lorsque, en plus du stress ambiant, on essaie de me faire croire que c’est particulièrement de notre faute, à nous, les pauvres des quartiers populaires, si le virus se propage.
 
Le but n’est pas de se renvoyer la balle, mais de rappeler à tout le monde qu’il n’y a pas UN coupable et j’apprécie très peu le vilain méchant pauvre de cité que les médias sont en train de dessiner. Bref, à tous : #RestezChezVous et aux médias : #SoyezDignes.

Yasmine, 23 ans, étudiante, Chanteloup-les-Vignes

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.