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Suicide d’Alysson, 24 ans, coiffeuse et symbole des oubliés de la crise en Belgique

Suicide d’Alysson, 24 ans, coiffeuse et symbole des oubliés de la crise en Belgique

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© Kenzo Tribouillard / AFP

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Par Inès Roulaud

Publié le

Près de 300 personnes se sont rassemblées dimanche à Liège, en Belgique, pour rendre hommage à Alysson.

Après avoir observé une minute de silence et lâché des ballons devant la gare de Liège, les participants au rassemblement ont marché jusqu’au barber-shop de la jeune femme de 24 ans, derrière une banderole “Ni oubli ni pardon”. “Alysson, tu es essentielle”, a crié l’une des participantes. 

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Pour ses proches, elle n’a pas supporté d’être jugée “non essentielle”. Le suicide d’Alysson, 24 ans, qui venait d’ouvrir son barber-shop à Liège, devient un symbole de la détresse face à la pandémie.

Dans un pays durement frappé par le coronavirus (plus de 15 000 malades en sont morts) et contraint à un second confinement, le drame a ému toute une société, du Premier ministre Alexander De Croo jusqu’au cinéaste Luc Dardenne, joint vendredi par l’AFP.

“Tout suicide est complexe, je ne veux pas le réduire uniquement à sa causalité sociale et économique”, affirme le réalisateur, double Palme d’or à Cannes avec son frère Jean-Pierre Dardenne. Mais il y a là “l’expression d’un désespoir social, d’un désarroi”, rappelant l’importance d’“avoir une attention particulière aux gens les plus vulnérables”, poursuit-il.

Alysson Jadin, 24 ans, a été retrouvée morte lundi 16 novembre 2020, sans laisser d’explication écrite sur son geste, d’après les premiers éléments disponibles. Mais dans son entourage, tout le monde a fait le lien. Coiffeuse au chômage, elle avait démarré son activité début août et n’aurait pas supporté la fermeture imposée dans le cadre du deuxième confinement il y a trois semaines. “C’est très compliqué moralement”, disait Alysson le 10 novembre à la chaîne RTL TVI.

L’image de son sourire sous ses cheveux rouges et ses piercings est devenue familière pour les Belges.

Interrogé jeudi au Parlement, le Premier ministre belge a évoqué “une personne qui voulait commencer son commerce avec plein d’ambitions, plein d’espoir” et “a été confrontée à une situation qui n’est pas de sa faute”. Ce drame “nous a tous énormément touchés”, “c’est clair que l’impact humain et psychologique de la deuxième vague [de la pandémie] est supérieur”, a reconnu le dirigeant libéral flamand.

Un “fonds Alysson”

Rencontré à Liège, Serge Schoonbroodt, client et ami d’Alysson Jadin, raconte que cette dernière lui avait dit s’inquiéter du confinement lors de leur dernière rencontre. Elle craignait de ne pas être éligible aux aides publiques en raison du caractère récent de son activité, sans salarié. 

“Quand Alysson a contacté les services qui devaient l’aider, on lui a répondu qu’elle était non essentielle… activité non essentielle”, explique Serge, en blouson de motard, tatoué comme l’était son amie, qu’il décrit “sensible et fragile”. 

“Il fallait justifier des paiements de charge sociale comparés à ceux de l’année précédente, ce qu’elle n’avait pas évidemment pas”, enchaîne celui qui veut désormais créer un “fonds Alysson” pour venir en aide aux indépendants étranglés financièrement.

Devant la boutique d’Alysson, les hommages se sont multipliés au fil de la semaine. Les bouquets de fleurs s’entassent devant la vitrine.

Pour Jean-Luc Vasseur, qui préside l’association des commerçants de Liège, au moins une enseigne sur dix ne survivra pas à ce deuxième arrêt après le confinement du printemps (mi-mars à mi-mai). Et la question d’une reprise pour Noël reste un gros point d’interrogation.

“Si on préconise une réouverture et qu’après on se prend une troisième vague, […], ça sera le chaos, on ne parlera plus de 10, 20 ou 30 % mais bien 60 % de fermetures”, s’alarme-t-il.

Konbini news avec AFP