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Les oubliés de la guerre au Yémen honorés par le street artiste Alaa Rubil

Les oubliés de la guerre au Yémen honorés par le street artiste Alaa Rubil

Image :

© Rania Sanjar/AFPTV/AFP

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Par Konbini avec AFP

Publié le

L’artiste Alaa Rubil montre la réalité de son pays, dévasté par la guerre.

Des images de mort et de terreur sur des immeubles éventrés par des obus : alors que le monde parle d’espoirs de paix au Yémen, Alaa Rubil, un artiste de rue, tient à montrer la réalité d’un pays toujours dévasté par la guerre. Âgé de 30 ans, Alaa Rubil peint sur les murs depuis son adolescence, mais il a trouvé l’inspiration pendant les combats dans sa ville natale d’Aden en 2015, entre les rebelles houthis et les forces pro-gouvernementales.

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Les premiers, soutenus par l’Iran, les secondes, appuyées par l’Arabie saoudite, se livrent une guerre acharnée depuis plus de huit ans, qui a plongé le pays le plus pauvre de la péninsule arabique dans une tragédie humanitaire. Ville portuaire du Sud, aujourd’hui relativement calme, Aden, où le gouvernement a établi ses quartiers après la prise de la capitale Sanaa par les rebelles en 2014, a été le théâtre d’une bataille féroce. Après les combats, Alaa Rubil a voulu rendre hommage aux victimes civiles.

“J’ai remarqué que le gouvernement ne s’intéressait pas aux gens qui ont été déplacés”, raconte l’artiste à l’AFP. “J’ai alors voulu faire passer mon message en dessinant des personnes qui souffraient d’avoir perdu leur maison et leur famille”, explique-t-il. “En utilisant les murs, je pouvais toucher le monde entier”, estime-t-il.

“Exprimer la tragédie”

Les rues d’Aden, jonchées de décombres, constituent une exposition semi-permanente de l’œuvre d’Alaa Rubil. Sur le mur d’une boutique située dans un quartier particulièrement touché, il a peint le contour d’un visage d’homme dissimulé derrière trois bâtons de dynamite.

De l’autre côté de la rue, sur le mur intérieur d’un immeuble bombardé, une œuvre de l’artiste représente un squelette jouant du violon tandis que des signes de paix flottent autour de son crâne. Un troisième graffiti montre une fillette en robe rouge, assise sur le sol, la tête reposant dans sa main gauche, à côté d’un corbeau noir perché sur un missile. Derrière elle, ses parents décédés, en noir et blanc, regardent par une fenêtre ouverte.

“Elle croit que la guerre n’est qu’un jeu. Elle s’imagine que sa famille va revenir et attend leur retour”, raconte Alaa Rubil, précisant avoir été inspiré par l’histoire vraie d’une jeune fille qui a perdu sa famille dans les combats à Aden. Pour Amr Saïd, un habitant du quartier, ces graffitis “expriment la tragédie de ceux dont les maisons ont été détruites et qui ont été déplacés. Ils prouvent que la guerre a bien eu lieu”. “Lorsqu’on passe ici, on ressent la douleur, on pense aux gens qui étaient ici”, confie ce fonctionnaire de 42 ans à l’AFP.

“Tout réparer”

La guerre au Yémen a tué des centaines de milliers de personnes, la plupart victimes des conséquences humanitaires du conflit comme la faim et les maladies. Des millions d’autres sont toujours déplacées à travers le pays. Une trêve de six mois est entrée en vigueur en avril 2022 et, même si elle n’a pas été officiellement renouvelée, elle a considérablement réduit les violences.

Ces derniers mois, des initiatives diplomatiques ont suscité des espoirs de paix. L’Arabie saoudite a envoyé une délégation à Sanaa en avril pour rencontrer les Houthis. L’ambassadeur saoudien Mohammed al-Jaber a assuré à l’AFP que toutes les parties étaient “sérieuses” dans leur volonté de mettre fin au conflit.

Dans les rues délabrées d’Aden, ses pinceaux et pots de peinture dans un petit panier, Alaa Rubil se veut lui aussi optimiste. “J’aimerais que cet endroit passe de la destruction à un havre de paix”, espère-t-il, donnant à l’art le pouvoir d’aider la ville à se reconstruire. Mais jusqu’à présent, “rien n’a changé ici”. En passant pour rentrer chez elle, Yasmine Chaker, confirme : “Rien n’a changé”. “On est menacés par des immeubles qui pourraient s’effondrer à tout moment”, dit à l’AFP cette fonctionnaire de 53 ans. “Personne n’est venu, personne n’a rien fait jusqu’à maintenant”. “Nous voulons que nos maisons soient réparées, nos routes, tout !”