Thomas NLend vivait d’arnaques et de magouilles pour gagner un peu d’argent. Par oisiveté, il a choisi la facilité, jusqu’à ce qu’on lui propose de travailler comme indic. Le but ? Infiltrer l’organisation d’extrême droite d’Alain Soral, Égalité et Réconciliation. Il n’était question au départ que de glaner quelques infos, de devenir militant, de se fondre dans la masse, de comprendre ce système de pensée antisémite et de débusquer des “dingos”, de futurs potentiels terroristes.
Égalité et Réconciliation avait pour but d’amener les quartiers populaires à voter pour le Front national. “L’essentiel des adhérents, l’essentiel des gens qui ont participé, on pourrait dire, même si ça va choquer, pour beaucoup ce sont des gens bien, que l’on peut côtoyer. Ce sont des gens normaux. On n’est pas dans un monde avec des immenses fascistes comme on les voit dans les films. Il y a bien sûr des nazis, mais ils se cachent. On ne les voit jamais frontalement.”
Doucement, Thomas NLend commence à se faire connaître en écrivant un livre, Hooliblack, et se cache sous une couverture de Noir patriote hooligan. Mais sa légende ne tient pas, les soupçons commençant à s’éveiller. Sous son pseudo, “Mathias Cardet”, décide de se réinventer dans le rap, en écrivant un nouveau livre, “L’effroyable imposture du rap”. Alain Soral propose alors à Mathias Cardet de faire une conférence sur le rap, pour tenter de rallier un nouveau public à l’organisation.
Jo Dalton entre en scène
Le pacte est conclu : Alain Soral prête le lieu pour la conférence ; le Théâtre de la Main D’or à Paris où Dieudonné donnait ses spectacles. Mais il exige que Jo Dalton participe à la conférence. Jérémie Maradas-Nado, dit Jo Dalton, est un ex-chef de gang et dirige la section antifasciste “Kamikaze”. Que vient faire un antifasciste au milieu de membres de l’organisation d’extrême droite ?
Officiellement, il est présent pour ramener un nouveau public, qui se demande ce que cette figure respectée dans le milieu antifasciste vient faire dans cet endroit. Officieusement, il est là pour crédibiliser la légende de Mathias Cardet, qui affirme avoir fait partie des “Black Dragons”, chasseurs de skinheads dans les années 1980. Jo Dalton finit par accepter de se rendre en terrain ennemi à une seule condition : “qu’on les infiltre et qu’on les baise de l’intérieur.”
“Lors de cette conférence sur le rap, c’est le début. Elle cartonne sur internet et, tout de suite, je suis devenu un mec important d’Égalité et Réconciliation. Et là, je deviens automatiquement populaire.” À partir de cette conférence, tout bascule et Mathias Cardet gravit les échelons jusqu’à devenir le bras droit d’Alain Soral.
Puis en 2014, il y a une nette accélération dans son infiltration avec “Jour de colère”, où Thomas NLend, alias Mathias Cardet, décide de faire imploser le parti de Dieudonné et Soral, Réconciliation nationale.
“Jour de colère était une manifestation qui devait rassembler toutes les organisations radicales. C’est une manifestation qui devait être minime, comme toujours. Moi, je fais partie de ceux qui dirigent le cortège. […] À un moment, t’as des mecs qui crient :‘Juifs ! Juifs ! Juifs !’ Et après tout le monde crie ça, ils marchent dans les rues de Paris. On est en 1930. Il aurait pu y avoir des pogroms. Il y a 50, 100 000 personnes. […] Là il faut qu’on les arrête. À partir de ce moment, je commence à côtoyer Soral pour trouver la faille pour le niquer.”
En attendant de trouver cette fameuse faille, Mathias Cardet effectue un travail de subversion pour retourner toutes les figures qui gravitent autour de Soral contre lui.
L’affaire Binti
“Il y a eu l’affaire Binti. Soral avait une aventure avec une mannequin noire, qu’il n’a jamais rencontrée. Il a flirté avec elle sur Internet. Il voulait absolument la rencontrer. Comme elle ne voulait pas le voir, il a commencé à partir en couilles. Et il veut tellement la voir qu’il lui fait un selfie à poil. Complètement nu. Soral, derrière lui, il y a non seulement le Front national, mais il y a aussi des Iraniens. L’Iran, les chiites, ce n’est pas trop leur tasse de thé, un mec qui fait un selfie à poil. Elle se moque de lui et lui, il lui envoie un texto mythique, un truc complètement ordurier sur les Blacks. Ce selfie va le griller chez les Rebeus. Le texto ignoble va le griller chez les Renois. Et ça sort par l’intermédiaire de Jo Dalton. Et en l’espace de trois, quatre jours, il perd tout.”
Tout bascule et très vite, Alain Soral découvre qui est Mathias Cardet, qui se retrouve seul. “La personne à qui je donnais des informations me laisse tomber. Je suis en galère, je n’ai plus rien et je me réinvente dans le cinéma.” Celui qui a “niqué le parti de Dieudonné et Soral” est aujourd’hui scénariste a pris le nom de Pone, pour reprendre une nouvelle identité et une nouvelle vie.
Thomas NLend revient sur toute son infiltration en détail dans son livre, Les Bouffons de la haine, aux éditions Grasset, désormais disponible en librairies. Pour (re)voir son Speech :