Pour vaincre ma peur des chevaux, j’ai décidé d’aller faire un tour de sulky à l’Hippodrome de Vincennes

Pour vaincre ma peur des chevaux, j’ai décidé d’aller faire un tour de sulky à l’Hippodrome de Vincennes

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Par Konbini

Publié le , modifié le

Pour enfin apprendre à miser sur les bons canassons.

Mon plus ancien (et unique) souvenir de cours d’équitation remonte à vingt ans en arrière. J’ai 12 ans, un poney a piétiné ma meilleure amie après une mauvaise chute (elle va bien, plus de peur que de mal) et j’ai attrapé des poux. Sans surprise, je ne suis donc jamais remontée sur un cheval, un demi-poney ni même un poney depuis.

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Puis un jour, nous avons reçu à la rédaction une invitation pour une après-midi à Vincennes afin de participer à une course en sulky sur la mythique piste de l’Hippodrome et apprendre le b.a.-ba des paris hippiques. Qui d’autre que la journaliste spécialisée cinéma qui n’aime pas les chevaux pour tenter l’expérience ? D’abord plus motivée par les paris hippiques (le journalisme est une activité précaire) que par la nécessité de me confronter à cette peur assez peu handicapante dans ma vie de citadine, j’ai néanmoins décidé d’accepter le défi.

La seule fois que j’ai pénétré l’enceinte de l’Hippodrome de Vincennes, c’était pour courir un 10 km et en approchant la piste, je sens pointer un début de stress post-traumatique. Mais cette après-midi, mes capacités sportives ne seront aucunement sollicitées puisque je n’aurais qu’à me laisser conduire par le cheval, installée confortablement — ou pas — à l’arrière d’un road-car. J’apprends également que chaque hippodrome a sa spécialité et qu’à Vincennes, c’est le trot, monté ou attelé. Est-ce que cette information rend le lieu moins impressionnant quand on a peur des chevaux ? Non.

Combinaison, protection dorsale, lunettes en plastique sur le nez et bombe sur la tête, voici notre équipe de huit journalistes sur la ligne du départ, dans les conditions du Grand prix d’Amérique, la plus grande course de trot attelé qui a lieu tous les derniers dimanches de janvier sur cette même piste, à Vincennes.

Une 125e victoire ?

On m’attribue le cheval numéro 2, mon chiffre porte-bonheur. Pas de chance, c’est aussi le plus jeune, le plus fougueux et donc le plus agité. “Il a fait très peu de courses, c’est pour ça qu’il est nerveux, mais il faut qu’il s’entraîne”, m’avertit son propriétaire. Il pourrait donc galoper, ce qui serait disqualifiant car en trot attelé, le cheval est seulement autorisé à faire douze foulées au galop au départ et dix pendant le parcours, un peu comme la règle des trois pas au basket. Ça s’annonce mal et je suis aussi nerveuse que le cheval.

Mais son nom, Keiler du Bas Bosq, m’évoque immédiatement celui d’un champion et François Giard, le driver qui m’accompagnera sur le sulky deux places, a 124 victoires au compteur. Une équipe de choc ? Je regagne un peu d’espoir. On s’installe pour un tour d’échauffement, Keiler du Bas Bosq trottine gaiement et je profite de cette promenade de santé pour en apprendre davantage sur la profession méconnue de driver. Professionnelle, j’essaie de sortir mon téléphone pour prendre quelques notes de notre échange mais impossible, l’attelage est trop instable et je suis surtout concentrée pour ne pas être éjectée hors du sulky et éviter les diverses projections de mâchefer humide qui recouvre la piste, voire de crottin de cheval.

Dans la famille de  François Giard, on est jockey de père en fils et le driver s’est spécialisé dans le trot attelé car il est désormais trop grand et donc trop lourd pour monter à cheval. La majeure partie de son métier consiste à entraîner la vingtaine de chevaux qu’il possède, ou ceux de propriétaires qu’il a en pension, comme Keiler du Bas Bosq. Le reste du temps, il parcourt les routes de France pour concourir car les drivers vivent essentiellement des paris et donc des courses. Beaucoup d’entraînement et de kilomètres parcourus pour seulement quelques minutes de compétition, c’est la croix de tous les sportifs de haut niveau.

Puis on suspend notre conversation car voici venu le moment de s’insérer sur la piste de compétition, de mettre les gaz pour affronter les huit autres journalistes et ainsi tenter de remporter ce faux Grand Prix d’Amérique. Ce n’est pas la vitesse qui impressionne car nous n’excéderons pas les 45 km/h, mais plutôt la proximité entre les chevaux et donc les road-cars. On appréhende un tête-à-queue ou une collision qui heureusement n’arrive, a priori, jamais selon notre driver car les chevaux savent évidemment parfaitement composer avec cet attelage à leur train. Comme ceux qui les montent, à chaque cheval sa spécialité.

 François Giard doit quant à lui gérer la vitesse de Keiler du Bas Bosq car la piste de l’hippodrome est légèrement vallonnée. Il faut donc que le cheval ménage ses ressources dans la descente pour ensuite pouvoir digérer la montée et surtout pousser au maximum sa vitesse de trot sans jamais passer au galop. L’effort que l’on demande au cheval est court mais ici très intense car en compétition, le sulky ne contient qu’une seule personne à son bord. Mais la douceur et la précision avec laquelle le driver manie les rênes pour parfaitement placer son cheval dans le peloton contrastent avec le bruit, la proximité et la concentration des chevaux qui sont spectaculaires.

Toute la course, la fougue de Keiler du Bas Bosq nous maintient en pole position mais on sera dépassés dans les ultimes mètres par des adversaires qui ont mieux géré leurs ressources. Verdict : je suis un peu réconciliée avec les chevaux, mais j’ai surtout très envie de venir goûter à l’ambiance et la ferveur des soirs de courses car pour clôturer cette journée, nous avons appris les rudiments des paris hippiques pour enfin apprendre à miser sur les bons chevaux. Mais je ne révélerai pas tous mes secrets.

Article rédigé dans le cadre d’une invitation par PMU.