Comme toutes les personnes d’environ 30 ans, j’ai testé l’escalade (et je n’ai aucun regret)

Douleur aux pieds et corne sur les mains.

Comme toutes les personnes d’environ 30 ans, j’ai testé l’escalade (et je n’ai aucun regret)

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Par François Faribeault

Publié le

"Là tu flag, puis au-dessus de toi, tu dyno sur le jug."

L’escalade, c’est un peu l’activité sportive à laquelle on aimerait tous s’essayer un jour, sans jamais prendre le temps ou avoir la motivation de franchir le pas. Alors, avec mes 30 ans passés, au moment de choisir obligatoirement entre une thérapie et un hobby, j’ai décidé de me mettre à la grimpe. J’ai acheté mon petit flacon de magnésie, mes chaussons d’escalade et j’ai ouvert la porte d’une salle d’escalade. Et comme chaque être humain a l’air de faire la même chose que moi en ce moment, j’aimerais vous partager mon expérience.

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La découverte d’un nouveau monde

Lors de ma première venue, j’ai découvert que l’entrée d’une salle d’escalade était tout sauf une entrée de salle d’escalade. C’était un restaurant. Tables, chaises, bar, tout était mis à ma disposition pour que je commande le burger du chef. Alors à l’accueil, j’ai fait le malin et demandé si je devais grimper sur les tables mdr. Après m’avoir mis un chassé et m’avoir humilié en public, le gérant m’a expliqué que le mur était au fond de la salle et que bien souvent les salles d’escalade offraient un service bar/restauration. OK, soit.

Le monde de l’escalade est un univers vertical, que ce soit en voie ou en bloc (la voie c’est quand tu montes de grands murs à l’aide d’un baudrier et d’une corde ; et le bloc, c’est quand tu escalades des murs hauts de cinq mètres, sans corde). Après avoir été traumatisé par la voie en auto assistance, j’ai opté pour le bloc et ses gros matelas. Se présentaient à moi différents itinéraires de couleur, allant du blanc au violet.

De 4a à 8a+

Aimant les fleurs, j’ai commencé par une voie violette. Je n’ai pas réussi à attraper une prise. Aimant voter à gauche, j’ai tenté un itinéraire rouge. Mes pieds n’ont pas décollé du sol. On m’a conseillé du jaune et orange. Let’s go, le niveau était à ma portée. Commençait mon apprentissage de la grimpe et très vite j’ai su que je montais n’importe comment. J’enchaînais les oranges à la force des bras et uniquement à la force des bras. Quelle surprise je découvrirai le lendemain et surlendemain. Mais pour le moment, j’étais sur ma orange à me tirer comme un bœuf vers le sommet.

Au fur et à mesure de mes séances, et après avoir récupéré l’usage de mes membres, j’ai fait la connaissance du langage de la grimpe. “Réglette”, “pochette”, “jeté”, “dyno”, “lolotte” ou le bien connu “flag”, j’ai dû apprendre la langue des murs afin d’arrêter de sortir des dingueries comme “la pyramide”, “le truc gris”, “le bitoniau”, “la prise là en haut à droite non pas celle-là, celle juste à côté”. Ainsi, petit à petit, je m’intégrais dans le monde musclé mais accueillant des grimpeurs.

Les chaussons, faut qu’on en parle

Attendez, mais c’est quoi ce truc ? Déjà la magnésie ça en fout partout et ça assèche les mains, mais en plus de ça il faut porter des chaussons d’escalade. Tu dis que tu fais du 42 et on te file une autre taille en te disant que ça sert un peu. ÇA SERT UN PEU ? Ça dégomme le pied, oui. Mais ce n’est pas ça le pire, car on s’habitue à la douleur et au bout d’un moment le chausson se détend. Le pire, c’est l’odeur. Ça daube, c’est une horreur, ça empeste le vestiaire, mon sac, mon appartement et le quartier entier. Comment fait-on pour vivre avec ça ? Comment les gens acceptent de puer des pieds après une séance ?

Les grimpeurs, une nouvelle espèce en pleine expansion

L’escalade, ce sont des murs qui éclatent les mains, mais c’est aussi une communauté de grimpeurs et grimpeuses de tous niveaux, prêts à te venir en aide en cas de besoin. Cette communauté est bienveillante, gentille et pédagogue (bon, après je pense que c’est logique d’être gentil quand on pue des pieds). Qu’importe le niveau, on est toujours prêt à me conseiller, à me corriger, voire à me montrer la bonne technique à utiliser sur l’itinéraire. À chaque fois qu’on m’aiguille, j’ai envie de lâcher une larme.

Dans ce microcosme existe une hiérarchie. Cette hiérarchie, c’est la même que les niveaux de grimpe. On encourage les débutants sur les jaunes, on respecte les niveaux verts, on estime les bleus, on admire les rouges, on adule les noirs et on cherche encore les violets car il doit en exister deux par salle. Au sommet de cette chaîne alimentaire, il y a les ouvreurs, des gens souvent très beaux mais qui hélas n’ont pas assez d’argent pour s’acheter un T-shirt. Dans le fond, j’espère un jour devenir comme eux.

Les enfants grimpeurs, une nouvelle espèce à éradiquer

Si les adultes amateurs de grimpe sont adorables, leurs enfants sont insupportables. Amenés en ces lieux pour un cours ou pour délester la charge mentale des parents, ces petits êtres ne sont que chaos. Ils traînent sous ta voie au moment où tu grimpes et te passent devant alors que tu attends depuis des lustres. Mais surtout, SURTOUT, ils se plaisent à torcher en dix secondes les itinéraires sur lesquels tu viens d’échouer. Démoralisant.

Rigolez bien, les kids, et profitez de votre insouciance, de votre légèreté et de votre souplesse. On verra à quel niveau vous serez quand vous devrez déclarer vos impôts et payer une taxe d’habitation.

Plus qu’une passion, une addiction

Après plus de deux mois de pratique à hauteur de deux, trois séances par semaine, je suis devenu un vrai grimpeur de la grimpette. Je m’échauffe convenablement avant de grimper, j’arrête d’utiliser mes bras comme un demeuré, j’enlève mes chaussons entre chaque tentative et j’encourage des inconnus à dépasser leurs limites. Mes mains ressemblent à un circuit Mario Kart, et mon esprit est devenu une machine à lire les trajectoires possibles (bon, la machine ne fonctionne pas très bien mais je m’améliore à chaque fois).

Comme les basketteurs et le air basket ou les boxeurs avec le shadow boxing, je me suis mis à observer le monde sous un œil de grimpeur. Je teste ma poigne sur à peu près tous les objets possibles et je m’imagine escalader des immeubles en free solo alors que j’ai le vertige dès cinq mètres d’altitude. Néanmoins, l’escalade est devenue ma nouvelle obsession, et je ne jure que par ça.

Bien loin d’être une thérapie, je comprends que tous les trentenaires s’y mettent : l’escalade muscle le corps et fait travailler la souplesse sur un corps bien rouillé ; elle permet de rencontrer de nouvelles personnes dans un quotidien où on se couche tous les jours à 22 heures ; et ça fait un nouveau sujet de discussion en plus de l’achat de meubles et des débats sur la retraite.

Si vous souhaitez muscler votre corps mais aussi votre esprit tout en ayant les pieds qui puent, l’escalade est le sport fait pour vous.