Et si les youtubeurs faisaient la grève des contenus ?

Et si les youtubeurs faisaient la grève des contenus ?

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Crowd of protesters people. Silhouettes of people with banners and megaphones. Concept of revolution or protest. Vector

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Par Pierre Bazin

Publié le

Projet de réforme des retraites retiré en deux jours.

Alors que plus d’un million de personnes (une centaine selon Occurrence) manifestent dans les rues de France pour la troisième fois pour exiger le retrait du projet de réforme de retraites à 64 ans, qu’en est-il d’Internet ? Bien sûr, les réseaux sociaux et le militantisme peuvent se rejoindre aisément avec quelques mèmes bien placés. D’ailleurs, même Isabelle Balkany y va de son commentaire (le tweet va vous surprendre) :

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Apolitiquement correct

Toutefois, s’il y en a qui restent toujours bien silencieux lorsque des sujets sociaux prennent de l’ampleur médiatique, ce sont bien les créateurs de contenus, youtubeurs, streamers et influenceurs en tout genre. Leur rapport à la politique relèverait presque de l’aquaphobie maladive tellement ils ne veulent pas se mouiller sur ces sujets.

Montrer des tétons sur Twitch, évoquer le 11 septembre sur YouTube, chaque plateforme a ses lignes rouges à ne pas dépasser, mais en ce qui concerne la politique, c’est une règle tacite d’autocensure qui s’applique à nombre de créateurs de contenu. Les sujets politiques clivent, divisent et mettent le feu au tchat ou à la section commentaires. Mieux vaut donc rester consensuel. D’autant qu’il y a aussi dans l’audience des marques et donc de potentiels sponsors qui constituent une importante ressource financière pour les créateurs de contenus — qui sont appréciés quand ils restent “neutres”.

Ainsi, la fameuse vidéo de McFly et Carlito avec le président de la République avait non seulement suscité le débat autour de la neutralité du duo iconique de YouTube, mais également sur franchissement inédit de la ligne rouge qui sépare habituellement influenceurs et politiques, une frontière historique qui devient de plus en plus floue ces derniers temps, alors que le gouvernement actuel n’hésite pas à s’afficher auprès de ces leaders d’opinions 2.0 auprès de la jeunesse.

Sous les miniatures, la plage

Certains streamers ou youtubeurs ne cachent pas leurs accointances avec un bord politique en particulier, mais la plupart n’entre jamais trop dans les détails. En ce qui concerne la réforme des retraites, il s’agit tout de même d’un sujet qui concerne la société entière, y compris les créateurs de contenu sur Internet. Youtubeurs ou streamers, ils prendront bien leur retraite un jour et, quand viendra le décompte des trimestres cotisés, ces indépendants pourraient avoir de mauvaises surprises.

Surtout, pour une fois le sujet semble mettre d’accord une très large majorité de Français, et c’est encore plus unanime si on parle du cœur d’audience des créateurs de contenus : les jeunes sont très largement opposés à cette réforme. Alors que risquent-ils à prendre un peu plus position ? Voire, soyons fous, pourquoi ne font-ils pas grève ?

Imaginez un instant que Squeezie annonce un retard volontaire sur la sortie d’une de ses vidéos en signe de protestation, que McFly et Carlito décident de ne sortir aucune vidéo ce dimanche pour assurer leur soutien à la colère des gens dans la rue, que Gotaga fasse sauter son live un après-midi de manifestation, que l’émission Popcorn soit annulée ou décalée d’un jour pour ne pas tomber en même temps que le jour de grève.

Plus qu’un simple symbole, ce serait un acte politique éminemment fort qui résonnerait pour une large partie de leur audience. La grève ne se limiterait pas à des absences de métros mais également au culturel, au divertissement. Rappelez-vous de la grève des scénaristes américains en 2007 qui obtinrent la victoire après plus de 100 jours de grève, annulant de nombreux épisodes de séries culte au passage.

Bientôt la fin de la fausse neutralité ?

Sans forcément aller dans ces extrêmes (enfin… on peut rêver), le silence des nouvelles cyber-idoles des jeunes est parfois assourdissant. Peut-être ne sont-ils pas assez inquiets pour leur propre avenir, pour leur propre retraite. Ou encore, à l’instar de beaucoup de jeunes, déjà résignés.

Certains sujets éminemment politiques commencent pourtant à être discutés par les créateurs de contenus, même si ces derniers ne l’admettent pas en tant que tel. Cela peut concerner les politiques de modération et de monétisation des plateformes (propriétés des Gafam), la lutte contre le cyberharcèlement, le combat contre la misogynie ou toute forme de discrimination. Mais restent rares ceux qui interrogeront leur audiences sur les moyens qu’ils ont d’agir dans les urnes, dans la rue, ou à tout autre niveau politique, qu’il soit associatif, militant ou même familial.

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Certaines émissions comme Back Seat sur la chaîne Twitch de Jean Massiet ont déjà ouvert la voie pour allier culture web et politique. Plus récemment, on a vu l’initiative du “Piquet de Stream“, un collectif de 150 streamers et streameuses opposés à la réforme des retraites qui a déjà récolté 45 000 euros pour soutenir les caisses de solidarité de grève de l’intersyndicale. En 2019, sur le même principe, le Recondustream avait eu la même approche en récoltant 150 000 euros pour les caisses de solidarité.

Les “gros” influenceurs restent particulièrement sourds aux cris de la rue, enfermant souvent ces initiatives dans des sphères encore relativement restreintes et hermétiques. Mais à l’ère du divertissement de masse, de l’omniprésence des réseaux sociaux, des tweets hot take et du binge watching de TikTok, qui peut encore prétendre faire des vidéos sans prendre position ?