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À travers les jeux vidéo, je suis le père que je n’ai pas

Témoignage

À travers les jeux vidéo, je suis le père que je n’ai pas

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© Getty Images

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Par La Zep

Publié le

À travers les jeux vidéo, Shayne ressuscite ce qui lui manque chez son père : de l’attention, de la complicité et de l’amour.

Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.

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Mon monde à moi, ce sont les manettes et le métavers, les voitures et les braquages, le kill et le top 1. Enfin ça, c’est mon monde virtuel. Dans la vie réelle, je suis Shayne, un adolescent gentil, attentionné, bavard et j’en passe. Mais une fois chez moi, après avoir été le gars gentil qui fait ses tâches ménagères et ses devoirs, le masque tombe, je deviens une autre personne.

Ici, place à Meetch Ageh, mon personnage de roleplay. Lui, c’est tout l’inverse de Shayne : il est rancunier, triste et violent. C’est le chef d’un gang US qui s’appelle les Fiftyboyz. On fait des actions incroyables : braquages de convois, prises d’otages, transactions de produits illégaux, etc. Mais j’ai aussi un autre personnage.

Franc Franc. Il est policier et a quatre enfants : Stacy, Lola et deux jumeaux. Franc, c’est un père basique qui sort de chez lui le matin et qui rentre le soir après les dispatches. Vu qu’il n’est que cadet, il ne gagne pas beaucoup d’argent. Mais pour ses enfants, il serait prêt à tout : voler dans des supermarchés, ou pire, tuer. Il tient à ce qu’ils ne manquent de rien. Mes deux personnages ont un point en commun : ce sont tous les deux des pères, des hommes de responsabilité. Et ça, ce n’est pas un hasard.

Mon père, ce n’est plus le même

J’ai créé ces personnages que j’incarne chaque jour pour retransmettre de manière virtuelle ce que j’ai vécu pendant un court moment de ma vie : un daron attentionné, complice, avec qui je faisais plein de choses. Si je suis toujours le père, c’est parce que, dans la vraie vie, le mien n’est plus très présent. Quand j’étais plus jeune, on était comme Tic et Tac, inséparables, toujours ensemble. On ne sortait jamais l’un sans l’autre, on était un collier en diamants valant des milliers d’euros. Un jour, ce collier s’est brisé. Tic et Tac, c’était malheureusement terminé, on a dû se séparer.

Mais bon, comme je dis : “Lève la tête, soldat, il y a des gens qui t’attendent à bras ouverts.” Ce que je veux dire, c’est que je recherche toujours plus d’amour et d’attention de sa part, mais je ne ferai jamais le premier pas, c’est impossible. Je me dis : “Reste où tu es, à ta place d’enfant et laisse le temps faire”. Peut-être que plus tard, il verra ce qu’il a manqué et qu’il se réveillera.

Shayne, 14 ans, collégien, Saint-Louis (La Réunion)