L’histoire des mystérieuses boissons pleines de microbes dont raffolent les plus grands chefs

L’histoire des mystérieuses boissons pleines de microbes dont raffolent les plus grands chefs

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Par Konbini Food

Publié le

Kéfirs et autres kombuchas passionnent autant les cuisiniers, les chefs que les chercheurs en microbiologie.

Kéfirs et kombuchas : ces breuvages naissent de l’action de dizaines de micro-organismes. Si leurs bienfaits pour la santé restent incertains, ils passionnent de plus en plus de gastronomes pour leur goût sans équivalent dans l’univers des boissons. “C’est une niche particulière”, résume le chercheur Christophe Lavelle qui, au Muséum national d’Histoire naturelle, étudie les kéfirs sous l’angle sociologique comme microbiologique. “Il y a quelque chose de très mystérieux.”

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Que sont les kéfirs et leurs cousins les kombuchas ? Ils ont en commun d’être produits par l’action de dizaines de bactéries et de levures différentes, que l’on laisse agir pendant plusieurs jours ou semaines dans de l’eau (pour le kéfir) ou du thé (pour le kombucha) sucrés. Dans le kéfir, ces microbes sont rassemblés sur des grains mous et translucides. Chez le kombucha, ils sont réunis sur une “mère”, une membrane visqueuse semblable à celle utilisée pour transformer le vin en vinaigre.

À chaque fois, une colonie à l’équilibre unique va travailler pour transformer le sucre en de nouveaux composants qui font naître des boissons gazeuses et acidulées.

Certes, ces mécanismes de fermentation sont aussi à la base de boissons bien connues, comme la bière, mais la spécificité des kéfirs et kombuchas, au-delà de leur caractère très peu alcoolisé, est la richesse et la diversité des microbes utilisés pour une seule boisson.

Bon pour la santé ?

On peut les faire soi-même (des forums existent pour s’échanger grains de kéfir et mères de kombucha) ou en acheter. Le marché s’est beaucoup développé ces dernières années dans les pays anglo-saxons et gagne désormais des pays comme la France.

Derrière l’attrait pour ces boissons figuraient d’abord des motivations de santé. Les amateurs historiques, ainsi que certains producteurs, vantent une vaste série de bienfaits supposés, notamment grâce à l’action “probiotique” qu’exerceraient les micro-organismes une fois présents dans le système digestif.

Mais rien ne le prouve. Plusieurs études (la dernière date de 2018 dans la revue Annals of Epidemiology) ont conclu à l’absence presque totale de travaux évaluant sérieusement les effets réels sur la santé humaine de ces boissons.

“Il y a pas mal de probiotiques, c’est riche en anti-oxydants, mais est-ce que ça a un réel impact sur la santé ? Je me permets d’en douter”, déclare à l’AFP la nutritionniste Anne-Laure Laratte, se méfiant de tout “aliment magique”, et soulignant par ailleurs que ces boissons contiennent encore une toute petite quantité d’alcool et sont donc à éviter chez les enfants et les femmes enceintes. Elle admet toutefois un intérêt diététique, mais pas pour leurs effets directs. Mme Laratte indique :

“Ce sont des boissons quasiment sans sucre, donc on va préférer ça aux sodas. C’est intéressant pour varier sa boisson (au lieu) de se dire : ‘L’eau ça me lasse, je prends du Coca’.”

Une infinité de combinaisons

Or, c’est bien cet angle qui commence à intéresser le monde de la gastronomie. Certains sommeliers comprennent que les kéfirs et kombuchas libèrent de nouvelles possibilités pour leurs clients. Par leur complexité gustative, ils donnent la possibilité d’accompagner sans alcool (ou presque) des mets complexes, à côté desquels il serait inconcevable de boire un jus de fruit par nature très sucré.

La sommelière argentine Paz Levinson, qui travaille aux côtés de la cheffe étoilée Anne-Sophie Pic, propose ainsi des accords sans alcool où le kombucha tient une part importante. Cette optique anime aussi une nouvelle génération de fabricants issus du monde de la gastronomie, comme Hugo Chaise, qui élabore ses boissons dans les locaux de la boulangerie Poilâne à Paris.

“La fermentation va vraiment transformer les produits de base”, comme les thés utilisés pour les kombuchas, et “apporte de nouvelles saveurs”, explique à l’AFP ce trentenaire, passé par les cuisines de l’emblématique restaurant danois Noma, qui dit concevoir ses boissons comme de véritables plats.

Par exemple, “le thé vert se dirige vers les pêches blanches, quelque chose d’hyper floral”, remarque-t-il, détaillant ensuite son travail d’aromatisation : “J’ai pris le parti de faire un kiwi-persil. Le kiwi est très rond, limite gras en bouche, alors que le persil est végétal, presque poivré. Ça se marie très bien avec ce truc de fleurs blanches.”

Konbini avec AFP