Quand le pain invendu et la bière servent à faire pousser… des champignons

Quand le pain invendu et la bière servent à faire pousser… des champignons

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Par Konbini avec AFP

Publié le

Au pays de la bière, la boisson nationale sert aussi l’économie circulaire.

Konbini questionne trois piliers de notre consommation qui doivent changer si nous voulons préserver notre planète : fast fashion, tech, et food.

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Convaincue du bien-fondé du circuit court, une entreprise de Bruxelles recycle des résidus de bière et du pain invendu pour faire pousser des variétés exotiques de champignons. La champignonnière est installée au cœur des immenses caves des anciens abattoirs d’Anderlecht, qui accueillait anciennement des expositions et des soirées technos.

Déambulant sous les voûtes de briques rouges, Quentin Declerck supervise le broyage des baguettes et des pains secs, utilisés dans le mélange destiné à former le substrat, la base permettant de faire pousser les semences de champignons. “La bière et le pain ne changent rien au goût des champignons, mais on a de meilleurs résultats en termes de quantité et de qualité”, explique le cofondateur d’Eclo, qui travaille depuis plusieurs années avec la brasserie belge Cantillon et les supermarchés Colruyt et Bon Pain pour récupérer la matière première du substrat.

Ces partenariats ont permis de recycler en 2021 plus de 18 000 kg de pain invendu et 5 000 kg de drêche de bière — des résidus issus du brassage —, alors que les Belges gaspillent environ 37 kg de nourriture par personne chaque année, selon les derniers chiffres de WWF Belgique. Alignés sur des étagères installées dans des chambres froides, dans une atmosphère enfumée et humide, les substrats donnent des champignons au bout d’un à trois mois.

Sept variétés sont cultivées par Eclo, principalement des espèces exotiques, traditionnellement produites en Asie, comme le shiitaké, le maitake ou encore le pom-pom, un champignon ressemblant vaguement à un chou-fleur. Des champignons encore peu connus, au prix un peu plus élevé que la moyenne : une boîte de 750 grammes est vendue 22 euros sur le site d’Eclo. “Il y a un vrai intérêt pour les variétés rares de champignons”, assure Quentin Declerck, qui produit entre huit et dix tonnes de ces champignons par semaine.

Du chemin à parcourir

En plus de l’intérêt économique de la réutilisation des déchets, Eclo s’inscrit également dans une démarche de production alimentaire en ville plus écologique. “On s’est rendu compte que les champignons dans le commerce venaient des Pays-Bas, beaucoup des pays de l’Est et souvent même plus loin, de la Chine”, explique Quentin Declerck. “Aujourd’hui il y a une certaine production qui s’est bien relocalisée. On fait partie de ce mouvement-là”.

Lancée en 2014, l’idée d’Eclo est venue, selon ses fondateurs, de la lecture d’un livre dédié aux circuits courts et à l’économie circulaire, dans lequel l’auteur évoquait la possibilité de produire du substrat à partir de marc de café. Une technique déjà utilisée par une autre entreprise bruxelloise et expérimentée dans la champignonnière anderlechtoise à ses débuts. “C’était un échec cuisant”, s’amuse aujourd’hui Quentin Declerck, “le shiitaké ne pousse pas du tout sur du marc”.

L’entreprise assure avoir formé une trentaine de personnes à l’utilisation de la bière et du pain pour produire des champignons, avec des expériences contrastées. “Certains ont abandonné”, explique Quentin Declerck. “Cela reste de l’agriculture et c’est dur, on travaille dans des serres très humides, parfois on ne voit pas le soleil de la journée.”

La concurrence des gros producteurs effraie aussi parfois les amateurs : “Tu dois arriver à t’en sortir avec les prix du marché, sinon tu ne vends pas. Nous, on a trouvé notre niche, donc on arrive à payer les gens correctement, mais beaucoup de projets ne paient pas”, explique le cofondateur d’Eclo. D’autres matières premières ont été testées dans la champignonnière, comme la formation de substrat sur des fèves de cacao. Eclo cherche également à s’agrandir et prépare un projet d’usine de substrats à destination du marché européen.

En Belgique, le nombre d’entreprises actives dans l’économie circulaire a augmenté de 35 % entre 2019 et 2021, selon les chiffres d’une étude publiée par la start-up belge Inoopa en avril 2022. Ces chiffres sont encourageants, mais il reste du chemin à parcourir : une enquête commandée par la région wallonne (Belgique francophone) révélait ainsi au printemps dernier que 60 % des 2 500 entreprises régionales interrogées ne connaissaient “pas du tout” le concept d’économie circulaire.