La santé mentale des célébrités n’est-elle que business ?

"With my mind on my money and my money on my mind"

La santé mentale des célébrités n’est-elle que business ?

Image :

(© AppleTV+)

photo de profil

Par farah rhimi

Publié le , modifié le

Pour le savoir, on a regardé les documentaires de stars qui traitent de santé mentale.

Engagé·e·s : enquêtes, pédagogie, témoignages, Konbini se mobilise pour combattre les préjugés qui accompagnent les troubles psy et lutter contre le manque d’accès aux soins, particulièrement auprès des jeunes.

À voir aussi sur Konbini

À l’occasion de notre semaine Engagé·e·s pour la santé mentale, on a regardé des documentaires de stars sur le sujet, et, forcément, certains détails ont attiré notre attention. La santé mentale chez les stars, une prise de parole qui a de véritables effets, notamment sur les porte-monnaies.

Prises de paroles payantes

Pour commencer, parlons de la stratégie de diffusion de ces documentaires. Ils sont TOUS diffusés sur des plateformes payantes. Ça peut sembler évident, mais ça rend forcément ces discours qui ont vocation à être diffusés au plus grand nombre moins accessibles — et plus rentables pour les plateformes. Sur Netflix, Lady Gaga avec son Gaga: Five Foot Two ou Taylor Swift et son Miss Americana. Sur Apple TV, on peut s’offrir le documentaire de Selena Gomez, Selena Gomez: My Mind and Me, ou celui de Billie Eilish, Billie Eilish: The World’s a Little Blurry. Il en est de même sur YouTube avec les documentaires de Demi Lovato Simply Complicated et Dancing With the Devil qui étaient accessibles via YouTube Premium avant de devenir gratuits.

La promo avant tout

Ce qu’on donne à voir en général, c’est une success story qui va tourner au cauchemar à cause de la médiatisation ou de traumatismes liés au passé. Avant d’entrer dans la phase sombre, on voit des célébrités travailler dur et leurs documentaires sont souvent diffusés dans un contexte promotionnel. Disons que les propos sur la santé mentale, aussi importants soient-ils pour l’audience et pour les tabous qui entourent ce sujet, sont aussi toujours un jalon de promotion. On voit les artistes teaser leurs projets à venir en studio d’enregistrement. Par exemple, Lady Gaga, dans Lady Gaga: Five Foot Two, travaille avec Mark Ronson sur son album Joanne (on la voit même se faire tatouer le titre de l’album) et tourne des clips. Elle est confrontée à la réaction de ses fans suite à son changement d’image, jugée plus soft après la sortie de son clip “Perfect Illusion” qui va l’affecter. C’est en pleine promo, à la radio, que la chanteuse va avouer publiquement souffrir de troubles liés à sa santé mentale.

La promo est parfois annoncée grâce au nom donné à certains documentaires. “Dancing With the Devil” est le titre du single de Demi Lovato sorti le 26 mars 2021, trois jours avant la sortie du documentaire du même nom. Le single fait également office de générique à chaque épisode, c’est donc un bon outil pour insister sur le retour de la chanteuse sur la scène musicale suite à son overdose en 2018.

Placements de produits

La plupart des documentaires affichent aussi des placements de produits, à l’image de Selena Gomez avec sa marque de cosmétique Rare Beauty. Rare est le titre de son album sorti le 10 janvier 2020, dont son documentaire, qui retrace sa carrière de 2016 à 2022, fait la promotion. C’est aussi le nom de Rare Impact Fund, son association avec laquelle elle a organisé un forum d’action sur la santé mentale des jeunes avec la Maison-Blanche. À la fin du documentaire, on peut voir la chanteuse discuter avec le Dr Murthy, un médecin américain, sur Zoom avec TOUS les produits de sa marque, disposés sur sa coiffeuse. Notons que son association est financée en partie grâce aux ventes de Rare Beauty, marque qui prône l’acceptation de soi. Il reste cependant impossible d’ignorer que derrière ces prises de paroles essentielles, le marketing n’est jamais loin.

Deux mondes compatibles ?

Après tout, pourquoi ne pas simplement profiter d’un discours authentique qui peut aider des millions de personnes à aller mieux, à s’interroger sur leur propre santé mentale ou à se sentir moins seules ? À casser aussi l’image que l’on se fait des gens qui réussissent et dont les failles restent cachées ? La véritable interrogation porte peut-être sur la cohabitation entre marketing et sincérité, voire sur leur incompatibilité.

Le plus regrettable est sans doute le fait de rendre payant le discours sur la santé mentale. On se rend compte que ce discours a un coût, tandis que l’aide aux personnes atteintes de troubles mentaux devrait être aussi accessible que possible pour la société tout entière. Il semble inimaginable de montrer une représentation juste et démocratisée de la santé mentale au vu de la place occupée par la dimension marketing dans les discours et documentaires des célébrités en question.