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Avec Truth Be Told, Apple TV+ s’essaie au true crime fictionnel

Avec Truth Be Told, Apple TV+ s’essaie au true crime fictionnel

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©AppleTB

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Par Delphine Rivet

Publié le

Octavia Spencer y donne la réplique à Aaron Paul et Lizzy Caplan.

Ces derniers jours, Apple TV+ a ajouté deux séries à son catalogue famélique : Servant, dont on vous parlait ici, et aujourd’hui, Truth Be Told. Cette dernière, créée par Nichelle Tramble Spellman et produite par Reese Witherspoon, surfe sur l’engouement du public pour le true crime. Sauf que, bien sûr, il n’a de “true” que le nom dans le cas présent. La série est en fait une fictionnalisation de podcasts du genre et dont le plus célèbre est sans conteste Serial. L’oscarisée Octavia Spencer y interprète Poppy Parnell, une brillante journaliste d’investigation, récompensée d’un Pullitzer et qui a lâché le papier (elle bossait au New York Times tout de même !) pour se consacrer au podcast.

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Il y a 19 ans, Poppy a participé à la condamnation du jeune Warren Cave (Aaron Paul) pour le meurtre de son voisin et auteur à succès Chuck Buhrman. L’ado a pris perpèt’. Mais un enregistrement de l’audition d’une témoin refait surface aujourd’hui, et ce que Poppy va voir à l’écran ébranle ses convictions les plus profondes. Lors de l’interrogatoire de Lanie Buhrman (Lizzy Caplan), il apparaît que l’adolescente a été clairement influencée dans ses réponses. Et si Warren Cave était innocent depuis tout ce temps ? La journaliste va alors se replonger dans ses archives, remonter le fil des indices et tenter de percer ce mystère vieux de presque vingt ans.

Truth Be Told a de bons arguments, à commencer par son casting impeccable et un sujet (qui a vraiment fait le coup ?) ayant fait ses preuves depuis que la fiction policière existe. Pourtant, on se passionne moins pour le prétendu innocent accusé à tort et pour la vérité que le titre ne le laissait présager. Le mot “truth” est d’ailleurs balancé à la moindre occasion, à coups d’aphorismes pompeux, comme si la vérité prévalait sur tout le reste.

Lorsqu’elle rend visite à Warren Cave après avoir joué un rôle dans sa condamnation il y a 19 ans, Poppy se fige : en plus d’afficher une grande instabilité mentale et une agressivité à peine contenue, les bras de l’homme sont recouverts de croix gammées. Mais après lui avoir fait promettre de ne rien dire de raciste en face d’elle, la journaliste poursuit, bille en tête, sa recherche de la vérité. Une noble cause, mais on n’aura du mal à partager ses convictions sur la question.

© Apple TV+

Non, le mystère le plus intéressant de Truth Be Told n’est pas celui de l’innocence ou non de Warren Cave. On est très loin du traitement subtil de The Night Of, qui jouait avec nos sentiments et nos certitudes à mesure que les épisodes avançaient. L’intérêt de la série est ailleurs. Son meilleur atout, ce sont les secrets qui se logent entre les différents protagonistes. Truth Be Told est un meilleur drama familial qu’il n’est un “whodunnit” (ce genre policier qui consiste à trouver l’auteur d’un crime).

Il faut donc se pencher sur la famille Buhrman, et en particulier ses filles. Des jumelles qui ne se sont pas vues depuis des années. Lanie cache clairement quelque chose, et Josie a fui la maison, s’est inventé une nouvelle vie à New York, et a coupé les ponts avec ses proches. La relation entre les deux sœurs, merveilleusement interprétées par Lizzy Caplan, est un voyage aussi fascinant que glaçant. Le voilà, le vrai mystère de Truth Be Told. C’est celui qui est le mieux raconté aussi.

L’histoire de Poppy ne démérite pas non plus. Au-delà d’un portrait un peu cliché de la journaliste d’investigations (le fac-similé de la podcasteuse Sarah Koenig, créatrice de Serial, ne marche pas toujours en sa faveur), sa vie familiale est suffisamment tortueuse pour nous donner envie d’en voir plus. Traumatisée par le décès de sa mère alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, elle voit son père (Ron Cephas Jones, toujours aussi puissant dans son jeu), ancien membre des Black Panthers, devenir sénile et perdre pied peu à peu.

La quête de vérité de Truth Be Told ne fait vraiment pas le poids (sorry, Aaron Paul) face aux “petits” (en apparence) drames de son histoire. Ces mystères secondaires qui se détricotent sous nos yeux sont bien plus passionnants que la promesse initiale. Un palliatif honorable pour toutes celles et ceux qui sont en manque de Serial, l’authenticité du récit en moins.

Truth Be Told est disponible sur Apple TV+.