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The L Word est de retour pour raconter la Génération Queer

The L Word est de retour pour raconter la Génération Queer

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Par Marion Olité

Publié le

"This is the way, it’s the way that we live, and love."

Aussi adorée que critiquée, The L Word (2004-2009) a été une pionnière en matière de représentation des LGBTQ+, la première à mettre en scène un groupe de personnages féminins quasi exclusivement lesbiens et bi sur le petit écran, à raconter leurs histoires pro et perso avec humour, sensualité, impertinence, à parler des personnes transgenres (Moira devient Max à partir de la saison 3), à montrer la richesse de la sexualité lesbienne, le tout enrobé dans un soap glamour et addictif.

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Une décennie plus tard, un rewatching peut s’avérer aussi excitant que déprimant. La série était loin d’être parfaite, entre trajectoires de personnages discutables et visions aujourd’hui dépassées (tant mieux) de la transidentité ou de la bisexualité. Révolutionnaire en son temps, The L Word n’a malheureusement pas connu d’héritières directes. Si de merveilleuses séries queer ont vu le jour, de Sense8 à Vida, seule Orange is the new black a proposé un casting en majorité féminin et lesbien. Et encore, dans le contexte particulier d’une prison.

Pourtant, si la société (comme le monde des séries) a évolué en une décennie, la communauté LGBTQ+ a plus que jamais besoin de représentations. Le déclic pour donner une suite à The L Word a eu lieu le 8 novembre 2016, jour de l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis. “Nous savions que la diabolisation allait arriver, explique Jennifer Beals au New York Times. Que le désir de diviser les gens allait venir. Cela nous a semblé naturel de revenir et de raconter à nouveau ces histoires, parce que, vraiment, le fait de raconter des histoires fait tellement partie de qui nous sommes et de comment nous changeons les choses.”

Marja-Lewis Ryan, la showrunneuse de The L Word: Q Generation, qui a débuté dimanche 8 décembre sur Showtime, a grandi adolescente avec The L Word. Elle a été choisie par la créatrice Ilene Chaiken pour poursuivre son entreprise de visibilisation des LGBTQ+, avec un marqueur fort sur le L, comme l’originale. C’est donc avec beaucoup de respect et d’amour pour l’univers et ses protagonistes que la scénariste trentenaire nous emmène à Silver Lake, Los Angeles, où vivent désormais Bette (Jennifer Beals) et Alice (Leisha Hailey). Notre férue d’art préférée est en campagne politique, prête à devenir la première maire lesbienne élue à LA, quand la blonde pétillante (plus blonde que jamais d’ailleurs) tient un talk-show pop et queer, qui a pris la suite de son émission de radio, “The Chart”.

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Elles sont bientôt rejointes par l’iconique Shane (Katherine Moennig), qui a troqué ses tops en cuir à même la peau pour des costards Yves Saint Laurent (ça marche aussi très bien). Devenue une riche self-made woman au cœur récemment brisé, elle va se mettre en tête de racheter un bar historiquement lesbien qui ne l’était plus, et de le retaper pour en faire un “Planet” digne de ce nom. C’est l’une des intrigues les plus intéressantes quand on sait que les lieux queer féminins sont en voie de disparition dans certains quartiers.

Autour de nos revenantes, une poignée de nouvelles venues nous sont présentées, habitant dans la même résidence. Il y a Finley (Jacqueline Toboni, qui crève l’écran), grande butch débrouillarde et toujours optimiste. Ce vrai rayon de soleil, qui cache de sérieux trauma non digérés, notamment avec l’institution catholique, va croiser le chemin de Shane. Ses colocs sont Dani et Sophie, un couple mixte et lesbien sur le point de franchir le pas du mariage. On fait aussi la connaissance du timide Micah (Leo Sheng), un jeune homme trans en plein crush sur son nouveau voisin.

La première scène de Generation Q (pour “queer”) veut nous donner le ton. Deux femmes sont en train d’avoir des relations sexuelles. L’une pratique un cunnilingus sur sa compagne, tout en la doigtant. Un gros plan sur son doigt ensanglanté nous indique que celle qui reçoit le cunni a ses menstruations. Voilà une scène que l’on n’avait encore jamais vue dans une série et qui s’inscrit complètement dans la tradition de The L Word, pionnière en matière de représentation des sexualités féminines lesbiennes.

Le hic après cette belle entrée en matière, c’est qu’on reste un peu sur sa faim pendant les trois premiers épisodes d’un show qui s’avère plus édulcoré que prévu. Suivre les aventures de cette bande de millennials queer reste fun et agréable. Mais pour le moment, il manque à Génération Q un grain de folie, une profondeur et ce lien amical indéfectible qui unissait les meufs de The L Word.

D’ailleurs, les deux générations ont du mal à vraiment dialoguer, peut-être en raison d’une astuce narrative un peu trop voyante (chaque “ancienne” a sa “nouvelle” à charge). Le duo le plus prometteur à ce niveau reste celui composé de Shane et Finley, à la fois car on peut se demander laquelle est la plus mature, et parce que la bonne vieille équipe des caractères contraires, ici la “taiseuse bougonne” (Kate Moenning) et le “jeune chien fou” (Jacqueline Toboni) fonctionne à merveille. On espère par la suite que de vraies discussions vont émerger entre la génération L Word et la Génération Q. Il y a fort à parier que Bette et compagnie n’ont pas la même vision de leur communauté que Dani, Finley et la nouvelle bande.

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Si retrouver Bette, Alice et Shane demeure un plaisir de chaque instant impossible à bouder, cette suite souffre d’un manque de personnalité, étonnant au vu de l’originale, qui n’en manquait pas. Elle semble avoir été créée dans le même moule que ces séries féministes récentes, pop avec une dose de queerness comme The Good Trouble ou The Bold Type. Exagérément optimistes (une façon de contrebalancer une vision du futur cataclysmique imposée par leurs aînés ?), ces shows mettent le doigt sur des sujets de société passionnants (le sexisme dans le milieu de la tech, le coming out d’une jeune femme racisée, la discrimination à l’encontre des personnes trans…), mais sans toujours réussir à se départir d’une certaine superficialité et d’un formatage ou d’une forme de moralité trop voyante.

Diffusée sur une chaîne câblée, Génération Q peut faire à peu près ce qu’elle veut. Elle n’a pas besoin de jeter du sucre partout où elle passe. Pour le moment, cette suite attendue reste donc un peu trop sage. Il lui reste cinq épisodes pour s’encanailler vraiment et peut-être ne pas hésiter à écorcher un peu ses héroïnes attachantes.

En France, The L Word: Generation Q est diffusée sur Canal+ Séries à partir du 9 décembre, à l’heure US.