L’épisode spécial confinement de Plan Cœur est aussi feel good que consensuel

L’épisode spécial confinement de Plan Cœur est aussi feel good que consensuel

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Par Marion Olité

Publié le

Une tentative louable mais trop consensuelle de regarder dans le rétro d'une année 2020 qu'on n'est pas prêt d'oublier.

Posons les bases : je ne suis pas une grande fan de Plan Cœur. Sur le papier, la série de Noémie Saglio avait tout pour séduire : à la manière d’un Sex & the City frenchie et dans la lignée d’une Clara Sheller, elle proposait d’ausculter les vies de trois trentenaires parisiennes, Elsa, Charlotte et Emilie, avec un ton moderne. Mais dès la première saison, on comprenait que pour la série, modernité rime avec vulgarité. Or, il ne suffit pas de faire dire à ses personnages féminins des blagues salaces et le mot “pute” toutes les deux secondes (qu’elles parlent d’un mec ne change pas le sens très négatif dans lequel la série l’utilise) pour être moderne et rebattre les cartes des relations entre femmes et hommes.

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Malgré une écriture bourrine à souhait, la série s’en sortait grâce à l’énergie communicative de son excellent trio féminin – Zita Hanrot, Sabrina Ouazani et Joséphine Draï – et un certain sens comique (bien qu’assez cliché) de l’observation de la vie des Parisiennes. L’épisode Plan Confiné·e·s (pour le coup, on est positivement surprises que l’écriture inclusive ait été utilisée) est à l’avenant. Lancé façon cadeau surprise par Netflix le 26 août dernier, cet épisode spécial suit nos héroïnes et leurs mecs et potes alors que le confinement général est annoncé par le gouvernement français, le 16 mars dernier. Chacun·e va vivre cette période si particulière de façon différente.

La forme de l’épisode est à l’image du fond : consensuelle et paresseuse, mais elle vous fera sourire, la comédie se faisant le reflet de ce que nous avons vécu il y a quelques mois à peine. Dans les premiers temps du confinement, nos héroïnes se laissent aller à leurs pires travers : Charlotte fait des réserves de PQ et a peur de prendre des kilos, Milou joue les influenceuses Instagram, inconsciente de ce que vit son mec, Antoine (Syrus Shahidi) soignant dans un hôpital qui se prend la crise sanitaire de plein fouet ; et Elsa devient une militante écolo si radicale que son nouvel engagement met en péril son couple avec Julio (Marc Ruchmann). Les blagues s’enchaînent, certaines sont drôles (les angoisses de Charlotte, décidément le meilleur personnage de la série, on les toutes et tous un peu vécues, à divers degrés), d’autres à côté de la plaque. On se passerait par exemple très bien du personnage de Max (Guillaume Labbé), uniquement défini par sa beaufitude gênante. Visiblement obsédé par ce qu’il a entre les jambes, il enchaîne les réparties salaces à une cadence affolante. On touche le fond dans une scène où il fait l’hélicoptère avec sa bite à 20 heures, au moment où tout le monde applaudit le personnel hospitalier. Et on est censé rire.

De manière générale, la série adore les blagues sur les pénis, au point cela confine à l’obsession. Ce ne serait pas si voyant si elle faisait de même avec les vulves. Mais évidemment, on fait face aux deux poids deux mesures. Le seul moment où l’on parle de ce que les femmes ont entre les jambes, c’est pour évoquer la maternité ou utiliser les menstruations pour dégoûter un personnage masculin. Comme si la série voulait désespérément être validée par les spectateurs masculins hétérosexuels. On repassera pour la modernité. Le personnage qui pourrait tendre vers l’inclusivité, Chantal, la copine lesbienne d’Elsa, est inévitablement sous-exploité.

 

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Après cet enchaînement de gags plus ou moins réussis, la bande de potes va prendre conscience de son égoïsme rampant, et finir par réfléchir à des initiatives solidaires pour aider les hôpitaux et personnes les plus exposées. Quand Plan Cœur cesse de vouloir nous faire rire absolument toutes les minutes à ses blagues en dessous de la ceinture, et devient moins hystérique, elle peut réserver de jolies scènes. La plus marquante concerne Charlotte et son frère, Antoine, qui discutent séparés par une porte d’entrée, de leurs angoisses respectives liées à l’apparition du Covid. On est presque propulsés dans une autre série tant cet échange sonne juste.

Le problème de Plan Chœur en général, et de cet épisode confiné en particulier, c’est que la série semble avoir peur que son public ne fasse pas la différence entre une situation comique et plus réaliste. Alors pour bien marquer la différence, elle en fait des caisses dans les dialogues et les situations, et plonge les deux pieds dans la caricature et un humour souvent désolant de facilité. L’intrigue se termine par une leçon de morale des plus consensuelles : il faut faire preuve de solidarité en temps de crise. Et rester proche de ses amis.

En dehors de ces grandes vérités pleines de bon sentiment, nos personnages ont-il changé pendant cette période ? Seule Elsa semble avoir été marquée par la crise sanitaire, et si son engagement est tourné en dérision, au moins a-t-elle fait l’effort de changer son mode de vie et de se poser de vraies questions (oui, avoir un enfant par les temps qui courent, ce n’est peut-être pas la meilleure des idées) avec son mec, contrairement à tous ses potes. Le petit twist final – Charlotte a finalement apparemment une relation avec ce boulet de Max – semble annoncer exactement cela. Les Friends français de Netflix vont continuer leurs plans (cul ou cœur) comme s’il ne s’était rien passé. 

Les deux premières saisons de Plan Cœur, ainsi que son épisode spécial Plan Confiné·e·s, sont disponibles sur Netflix.