Le Hill Gang déménage en Espagne mais est vite rattrapé par ses démons intérieurs et une envie irrésistible de braquer les locaux.
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En pleine ère de Peak TV, les séries ont tendance à s’intellectualiser pour sortir du lot. Il faut avoir trois doctorats pour comprendre l’intrigue de Westworld, être un artiste accompli pour ressentir l’univers visuel rétrofuturiste de Legion, avoir lu La Relativité d’Einstein pour démêler la chronologie de Dark… Elles en oublient parfois leur raison d’être, à savoir leur statut de divertissement censé nous offrir quelques moments d’évasion et d’émotion dans une vie qui passe à 2 000 à l’heure. C’était sans compter sur les gangsters millennials de Snatch.
Dans l’indifférence générale (ou presque), et après l’agréable surprise du chapitre initial, l’adaptation sérielle du film de Guy Ritchie avait été renouvelée pour une deuxième saison. Celle-ci prend la suite quasi directe de la première, où le Hill Gang était parvenu à piquer dix millions d’euros à Bob Fink et à quitter la Grande-Bretagne en bateau, direction la Costa del Sol. Mais à l’approche de la côte ibérique, les braqueurs sont braqués à leur tour et font naufrage en Espagne sans le moindre billet en poche.
Albert (Luke Pasqualino) convainc alors les autres de se ranger du bon côté et de monter un bar pour vivre de manière honnête. Si Charlie, Billy, Lotti, Hate ‘Em et Lily acceptent sa proposition, son vieux bougre de père (Dougray Scott) continue de n’en faire qu’à sa tête et cambriole Carlito Bianco, un flic corrompu qui contrôle la région. La bande s’embarque alors dans un duel explosif avec pour objectif le contrôle de la Costa del Sol et ses trafics illégaux.
Ocean’s 7
La série Snatch, c’est l’union interdite entre Preacher et Peaky Blinders : un grand bordel un peu absurde mais très classe et addictif. La saison 2 continue dans cette lancée, toujours empreinte de la patte de réalisation de Guy Ritchie, avec ses personnages extravagants qui héritent de dialogues incisifs à la Danny Boyle. Le Hill Gang, c’est une famille de mafieux amateurs qu’on prend plaisir à retrouver et dont les aventures, toujours plus loufoques, sont un vrai plaisir (pas si) coupable à suivre.
Si on reconnaît que la série manque vraiment de moyens, elle se défend grâce à une écriture straight to the point et un rythme effréné. Après un season premiere qui sert d’exposition à la nouvelle situation de la bande sur la Costa del Sol, la saison s’enchaîne à une vitesse folle dans la plus pure tradition du binge-watching. Snatch est toujours mise en scène avec un montage épileptique, en phase avec son matériau original, et accueille quelques nouvelles idées bienvenues, dont une scène de fusillade tarantinesque dans l’épisode 3.
Le point fort de la série reste son casting sexy et attachant. Rupert Grint, Luke Pasqualino, Phoebe Dynevor, Dougray Scott… sont assez irrésistibles dans la peau de leurs personnages à la limite de la caricature, mais jouant avec suffisamment de nuances pour créer une émotion. On a parfois l’impression d’assister à une cour de récré façon Tonnerre sous les tropiques, où la clique de Ben Stiller a été remplacée par des acteurs british.
Le cool dans sa forme la plus pure
Bien entendu, la saison 2 de Snatch est loin d’être exempte de défauts. Son montage dynamique sent le réchauffé et les effets de mise en scène sont parfois poussifs. La série manque cruellement de budget, si bien qu’on a l’impression que les bandits et le Hill Gang sont les seuls habitants de leur bourgade de la Costa del Sol.
Par ailleurs, on ne sait plus trop ce que nous racontent ces malfrats adolescents et surtout où ils vont nous mener à la fin de la saison. Même si le show reste très divertissant, on peut avoir l’impression que les scénaristes tournent en rond au niveau des intrigues secondaires et des ambitions de leurs personnages (les combats de boxe de Billy, un triangle amoureux avec Lotti, les pétages de plombs de Vic…).
Mais là où Snatch fait du bien, c’est dans sa réinvention du film de base. Dans une époque où les reboots, revivals et autre sequels sont légion, la série de Crackle tente de s’émanciper en ne gardant que l’esprit de base insufflé par Guy Ritchie. Pour le reste, ses thématiques et son histoire, le scénario pioche dans quelque chose de très contemporain, jeune mais jamais stupide et surtout complètement assumé : Lily est une féministe arrivée à maturité, Albert veut s’émanciper de la tradition familiale, Charlie est un dandy punk dans sa tête…
Si Snatch fonctionne si bien, outre l’alchimie entre ses interprètes, c’est parce qu’elle est cool dans le sens le plus noble du terme. C’est une série qui ne se prend pas la tête et surtout ne prend la tête à personne, assume son statut de redite tout en modernisant son approche et son écriture et multiplie les clins d’œil à la pop culture. La saison 2 ne révolutionne pas le genre mafieux et encore moins le petit écran, mais elle a le mérite de faire de Snatch une proposition générationnelle, positive et complètement bingeable entre deux “prestige dramas” des grandes chaînes et plateformes américaines.
Les deux premières saisons de Snatch sont disponibles sur Crackle outre-Atlantique et restent inédites en France.